mardi 21 janvier 2014

Shadow Case, BADUN, Not Applicable, Décembre 2013 (Par Riton)



       Y'a comme un air d'extrème violence dans le calendrier. Décembre est le mois des tops annuels mais n'en est pas moins un mois de l'année. Certains s'empressent de balancer leurs hectolitres de soupe sans surprises pendant que d'autres, injustement oubliés, continuent à produire... les pitch-o-gum et autres rejetons de NME, plus occupés à se défricher le nombril qu'à prendre des risques pendant que l'agenda se poursuit : pourquoi aller jusqu'au bout quand on a déjà une idée bien précise?!

       A quoi bon s'intéresser à l'excellent My Drums Cover A Multitude of Sins de Boomruin/BMRN (sorti le 17 décembre sur I Had An Accident) quand on peut mettre en avant l'horrible Kanye West? A quoi bon parler de James Reindeer et de son très bon album sorti le 9 décembre quand on peut entretenir le plébiscite écœurant des Daft Punk? A quoi bon laisser une chance à Troum, Tsone ou Arktor alors qu'il y a Arcade Fire? Hip-hop ambient aux abstractions hantées ou jazzy, electro spatiale, aspirations drone massives ou feutrées, contre amas insubstantiel... Pourquoi fouiller dans les rayons quand il y a les têtes de gondoles?

       Ainsi peu de risques de tomber sur le nouveau Badun, un peu comme sur le DVD d'un film slovaque (ou plutôt danois dans le cas présent) perdu dans les étals entre un Jet Li et un Paul Walker. Plus facile de s'exciter sur l'insipide Burial ou sur Beyonce, pourtant aussi sortis très tard, que sur l’œuvre atypique du duo d'Århus : impétueux et casse-cou dans leur façon de faire du jazz, libérés et uniques dans leur approche de l'IDM, assurément trop aventureux pour être fréquentables! Oliver Duckert et Aske Krammer abordent les deux genres comme personne et différemment sur chaque disque. Des click & cuts nerveux habituels, il n'en reste pas grand chose sur Shadow Case... pas plus que de l'once de groove insufflée aux départs, sur l’étonnemment très funk éponyme (2007) et l'electronica douce de Last Night Sleep (2009), partiellement consumée dès s.o.t.s (2012) par les velléités chaotiques et une chape sombre et vicieuse de plus en plus envahissante. Plus très sexy exact! Plus très Erykah Badun, exposant leur part d'ombre comme jamais! Ils se font chantres de l'angoisse, d'une pesanteur malsaine guidée par un orchestre en perdition. Les instruments fourmillent par notes éparses, comme apeurés par l'atmosphère qu'ils ont eux-mêmes installé. Fuyant, tremblant... l'on passe successivement de longues plages de temps suspendu à de purs moments d'affolements : déjà mal en point, tout se termine en brasier de bruits blancs et d'oscillations à leur apogée agressive. Littéralement répulsif et cauchemardesque, pourquoi se faire autant de mal?

       Allez trêve d'ironie! Saluons juste la liberté et l'audace, quitte à poursuivre les pieds de nez par une sortie au 30 décembre... quitte à s'en foutre, tant que ça prend aux tripes! Vivement le prochain!

Riton

Shadow Case en trois mots: ahurissant, pesant, angoissant


Si vous aimez cet album vous aimerez peut-être :

  • s.o.t.sBADUN, Schematic, 2012 : Découvert sur le tard, s.o.t.s est probablement un de mes albums préférés de musiques électroniques. Beaucoup moins mutique que Shadow Case mais aussi tourmenté, avec ce petit plus de beats destructurés et épileptiques qui en font un disque exaltant, en plus d'angoissant.

  • MindsetTHE NECKS, Fish of Milk, 2011 : Le plus chaotique dans la discographie bien fournie du trio expérimental australien... Une dose de bruitisme glaçant, froid comme le carrelage d'une salle de bain, associé à leur jazz atypique, ambient, minimaliste, en guise de 17ème album ! Le 18ème, un disque fleuve d'un seul morceau d'une heure passée comme ils ont l'habitude de le faire, est malheureusement presque passé inaperçu en 2013.

Minuit dans tes bras, MICHEL CLOUP DUO, Ici d'ailleurs, Décembre 2013 (Par Gagoun)



       Ici on passera la traditionnelle biographie, les références. Comme une envie de parler de contenu, de recentrer le propos. Un album, deux bonhommes. Michel Cloup, c'est la voix, reconnaissable entre mille, un amour des mots, de ceux qui vous marquent par leur simplicité et leur évidence, une scansion particulière aussi, à mi chemin entre le chanté et le parlé. Michel Cloup c'est aussi l'art de composer à nu, de dire beaucoup avec peu d'artifices. Patrice Cartier, quant à lui, est le poumon du duo, le batteur à la frappe lourde, presque martiale. Toujours inventif, il sait s'effacer ou se mettre en avant au gré des ambiances, de l'humeur d'un album tout en épure, intimiste à souhait qui laisse filer le temps comme on voyage intérieurement, entre introspection et implosion.

       Minuit dans tes bras est ainsi fait. C'est un album d'amours déçus parfois, d'amour tout court souvent, d'amour fusionnel, toujours. Michel Cloup possède cette impudeur dans les mots, dans l'expression qui vaut ainsi tous les lyrismes du monde. D'autant plus que les deux protagonistes savent aussi s'exprimer avec leurs instruments. On en revient alors toujours à l'essentiel : l'envie de se défouler au détour d'un riff efficace ou d'un rythme accrocheur, des mélodies à tomber ou des expérimentions psychédéliques proprement hypnotiques. Michel Cloup Duo fait du rock, tout simplement, celui qui est né quelque part entre Slint et le Neil Young électrique des années 90. Et c'est bon. C'est bon d'écouter la langue de Molière valorisée ainsi, c'est bon de s'époumoner sur ''Sortir, boire et tomber'', son refrain exutoire, son solo final prenant et sa batterie lourde. C'est bon de respirer, de prendre une bouffée d'air fais sur ''Nous vieillirons ensemble''. C'est bon aussi de se laisser envahir par le caractère magnétique de ce morceau fleuve tout en retenue qu'est ''Minuit dans tes bras #2''. Des beaux moments, il y en a plein dans cette aventure humaine, on pourrait la détailler morceau par morceau, minute par minute mais le but n'est pas là. Cet album laisse tellement de place à l'imaginaire et à l'interprétation de chacun qu'il serait inapproprié de vouloir lui donner un sens figé et définitif en y apposant des mots. Mieux vaut vous laisser guider par les siens, évocateurs, par ses mélodies qui l'accompagnent, par son cœur qui pulse.

       Au final voici un bien bel album qui vient conclure en beauté cette superbe année 2013 si vous êtes adeptes du téléchargement. Pour les amateurs de CD et autres vinyles, voici un bon moyen de commencer 2014.

Gagoun

Minuit dans tes bras en trois mots: rock, intime, aventureux

Un petit aperçu par ici: http://www.deezer.com/artist/4719440

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Notre Silence, MICHEL CLOUP DUO, MC, 2011 : Ces deux-là n'en sont évidemment pas à leur coup d'essai. Déjà responsables de quelques uns des meilleurs albums français de ce ces deux dernières décennies avec Diabologum pour Michel Cloup et Expérience ce dernier et Patrice Cartier, ils nous proposent déjà, dès 2011, petit chef d’œuvre, dans la droite lignée de son successeur évoqué ci dessus, moins jusqu'au-boutiste peut-être mais tout aussi évident et touchant. Ecoutez "L'Enfant" et vous comprendrez...

  • En France, en transe, ULAN BATOR, Acid Cobra Records, 2013 : En voilà un autre groupe francophone important, pour ne pas dire culte. Et dire qu' Ulan Bator a retrouvé de sa superbe à travers ce récent effort est un doux euphémisme. Cet album est cathartique, noisy à souhait, la production est dantesque. Un vrai album de rock, un vrai, encore.

  • Mendelson, MENDELSON, Ici d'ailleurs, 2013 : Même label, des affinités assumées entre Pascal Bouaziz et Michel Cloup à travers leurs différentes collaborations, pas étonnant de retrouver cet album monstre dans les références d'une œuvre de Michel Cloup. Il s'agit là d'un triptyque, véritable ovni dans le petit monde de la ''chanson'' française. Mendelson va très loin dans cet album, Mendelson casse les codes de la chanson en français, étire le temps, expérimente pour mieux réinventer la musique. Totalement captivant! Seul l'avenir nous le dira mais m'est avis que cet album fera date dans l'histoire du rock français.