samedi 1 décembre 2012

Résonances, LUMINOCOLOR, Laybell, Novembre 2012 (Par Riton)



       Mea culpa messieurs! Moi qui au soir du 29 avril 2010, au Grand Mix de Tourcoing, ne vous accordait que très peu de crédit face à un spectacle ambient, jazzy, trop exigeant peut-être, pour une première partie d'Efterklang (et avant Heather Woods Broderick)... l'appel du bar et le non-respect du méconnu pour un spectateur plus enclin à apprécier la pop grandiose des danois, exceptionnellement aussi hermétique qu'une boite en plastique de chez Tupperware, aussi fermé que votre musique est ouverte... Mais cette fois-ci comme à l'écoute du premier album (qui pourtant en se référant à Jim O'Rourke avait largement de quoi me plaire), l'impression de flottement aride gagnait ma réticence. On dit souvent que la première impression est la bonne mais il faut également savoir laisser sa chance une seconde fois.

       Discret et qualitatif, le collectif Laybell passe la deuxième cette année avec, entre l'electronica abstraite et sublimée des Two Left Ears et la folie noise-punk des Shiko Shiko (à paraître le mois prochain), ce nouvel album des Luminocolor, signant ainsi la neuvième sortie de son catalogue. Un grand coup dans la fourmilière de la part du duo Benoît Farine-Olivier Minne, qui semble aujourd'hui avoir pris le temps de peaufiner son univers, au croisement d'un naturalisme diffus, porté par les créations visuelles d'un certain Korby (artwork + clips + vidéos live), et de soubresauts post-technologiques.

       A l'image de cette boulette de papier (''Guapo''), arrachée au gré des vents et des eaux de son environnement d'accueil (pas bien urbain certes...), l'assemblage de glitchs mutins côtoie les field recordings, les programmations électroniques minutieuses baignent au milieu d'amas organiques de voix, d'instrumentations jazzy aériennes. Le saxophone virtuose et bavard s'époumone au fil de ce voyage jalonné de petites niches douillettes au fin fond de ces forets équatoriales immenses, construites ça et là pour ponctuer d'intenses moments chorégraphiques.

       Parmi la faune, une ribambelle de musiciens invités, amis (pour la plupart de la scène lilloise) énumérés un à un dans un respect remarquable, rappelant ainsi justement le sens accordé au mot ''collectif'' et cette volonté manifeste de ne pas faire les choses dans son coin : notons le disque Remixes & Collaboration sorti en 2011, des aller-retours constants au sein de Shiko Shiko et la participation récente au deuxième volume des Farfi(z)a Sessions, compilation ''100 % NPDC'' imaginée par le Noize Maker, dans lequel les groupes jouent leurs morceaux sur un orgue Farfisa des années 70. Respect également accordé avec un soin aux allures scientifiques dans la citation (''Musiques du Burundi'', ''Musiques du Vietnam''...), jusque dans le bel hommage donné au musicien éthiopien Getatchew Mekuria (''Tezeta'').

       Des lumières, des couleurs, un bol d'air frais et les résonances d'un monde plus beau qu'il n'y paraît... On dit souvent que la première impression est la bonne oui, mais on dit aussi qu'il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Heureusement j'ai grandi et vous davantage ! Encore un peu et je ratais quelque chose de grand!

Riton

Résonances en trois mots : exotique, minutieux, lumineux

En écoute et téléchargement gratuit : http://luminocolor.bandcamp.com/album/r-sonances

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Luminocolor, LUMINOCOLOR, Pilotti, 2008Les débuts discographiques de Luminocolor, plus expérimentaux et sombre que Résonances, mais pas moins extrêmement intéressants (et comme tous leurs disques, en téléchargement ici).

  • Lost and Safe, THE BOOKS, Tomlab, 2005 : Si Nick Zammuto et Paul De Jong ont à mon plus grand regret tourné la page de The Books, leur bibliothèque ne risque pas pour autant de prendre la poussière de si tôt, tant elle est inventive, fouillée, drôle, belle, bricolée et j'en passe, faite de brics, de brocs, de glitchs, de samples en tout genre... sans négliger à aucun moment les belles mélodies folk...

  • We Know About the NeedBRACKEN, Anticon, 2007 / Wolves And Wishes, DOSH, Anticon, 2008 : Petite sélection Anticon de circonstance ! Bracken, c'est le projet solo de Chris Adams de Hood. We Know About the Need est jusqu'à maintenant son seul album, sorte d'extension de la facette urbaine et électronique du post-rock de Hood (rappelons notamment la participation de Doseone à l'excellent Cold House), en tout aussi contemplatif. De son coté, Martin Chavez Dosh, alias Dosh, triture en solo et avec talent la batterie, les claviers et surtout tout ce qui lui passe sous la main pour un résultat (brillant sur cet album) entre bidouillages folk et electro.

An Almost Silent Life, DAKOTA SUITE, Glitterhouse Records, Novembre 2012 (Par Gagoun)



       Chris Hooson n'est pas un gai luron... Et moi qui voulait, pour une fois, vous parler de quelque chose de plus pop et léger à travers le dernier Phantom Buffalo (que je vous conseille vivement au passage), ben c'est raté. Ne me remerciez pas... Amis que la joie en musique ennuie profondément, amis pour qui le vide et la lenteur sont synonymes d'exutoire, voire de bien-être, amis dépressifs, soyez les bienvenus ! Ça fait rêver comme introduction non?!!?

       Si le monde dans lequel nous vivons a horreur du silence et de la tristesse de l'autre, l'homme qui se cache derrière Dakota Suite n'en a cure. Cela fait près de seize ans que le bonhomme traîne son spleen d'albums en albums sous le regard presque indifférent du monde de l'indie. Une discographie pléthorique à faire pâlir Robert Pollard (non j'exagère un peu là...), plusieurs pépites estampillées slowcore ou sadcore selon l'humeur, ça vous pose le contexte. Quelque part entre la folk de Mark Kozelek, l'ambiance épurée de Low et l'art du silence en musique cultivé par Mark Hollis en son temps, l'artiste accompagné de fidèles musiciens comme Quentin Sirjack, John Shepard et Dag Rosenqvist, qui vont et viennent au gré des musiques et des galettes, donne toujours l'impression de chercher l'émotion juste, sans éclats de voix, sans artifices.

       L'épure : voici un mot qui sied parfaitement à son œuvre et plus que jamais à ce An Almost Silent Life. Chris Hooson explique d'ailleurs sur le site de son label qu'il la recherche au maximum. De toutes les versions des morceaux qui ont été enregistrées pour l'album, il a donc choisi les plus dépouillées. Le résultat est vraiment très beau, sonne un peu comme l'éloge de la banalité de la vie. Son dernier album en date, The Side of her Inexhaustible Heart, ne faisait déjà pas dans les arrangements pompeux, oserais-je dire ''Muse-esques'', et la joie de vivre, entre musique classique de chambre et folk décharnée. Celui-ci redonne une place à la batterie, souvent feutrée, et aux instruments électriques mais s'articule essentiellement autour d'une guitare, du magnifique piano de Quentin Sirjak et de la voix fragile, à fleur de peau de Chris Hooson.

       On se prend alors à deviner les esquisses de mélodies, le murmure du chant, à prêter l'oreille à chaque détail qui prend toute son importance au sein de ces chansons aux structures faméliques, peu assurées mais qui révèlent, pour peu qu'on se laisse envahir par cet univers sombre, des trésors de mélancolie et de belle sincérité. Heureusement pour nous, l'homme se dit être dans une période heureuse. Il a le bien-être joliment noir quand même notre ami. Il faut dire qu'il a des tendances dépressives, ceci explique sans doute cela...

       Le morceau d'ouverture ''I see your tears'' est splendide par le spleen qu'il dégage tout comme le suivant, ''If You've Never Had To Run Away'', son piano mélancolique, sa basse mélodieuse. Cet album démarre très fort donc. Les ballades, très souvent acoustiques, s’enchaînent naturellement. Elles se font et se défont à la faveur de ses accords de guitare ouverts, amples, d'un piano délicat, de cordes discrètes, sur le fil, d'une batterie légèrement jazzy et d'autres petites surprises comme autant de trésors lâchés précieusement ça et là. Quelle beauté ce piano qui parcourt ''Everything Lies''! Et ce clavier quelque peu suranné sur l'instrumentale « Lumen »... D'ailleurs l'album lui même tend vers une épure et un silence qui convient parfaitement à l'ambiance générale. Ainsi la voix disparaît sporadiquement sur quelque morceaux dont le légèrement groovy ''Wanneer De Pijn Ons Doet Scheiden'' pour finalement disparaître presque totalement sur les deux dernières chansons, ne se faisant plus l'écho que de quelques accords de guitare sur la clôture ''Without You'', elle-même dominée par une batterie dénudée de tout apparat mélodique. Le sommet de l'album reste sans doute ''Don't Cry'', une simple ballade, toujours au piano qui s'étire quelque peu sur quelques mots, quelques notes, une esquisse de mélodie, une interprétation à fleur de peau et une sensibilité qui vont droit au cœur. Somptueux! Dans l'ensemble, les morceaux se font plus courts que sur l'opus précédent et l'ennui ne pointe jamais le bout de son nez. Attention tout est à relativiser, non Dakota Suite ne fait pas encore dans le format grindcore!

       Il est à noter que cet album a un frère presque jumeau puisque Chris Hooson a décidé de lui joindre une galette complémentaire joliment intitulée Accompanying music from other rooms et qui comporte quelques unes des versions alternatives de An Almost silent life. Il s'écoute par ici : http://dakotasuite.bandcamp.com/album/accompanying-music-from-other-rooms Chacun y trouvera sans doute son compte ou voudra simplement prolonger le plaisir.

       Voilà, en cette période grise, il me semble que le propos est de rigueur, la musique aussi. Si vous êtes dans un moment un peu morose, si le moral n'est pas terrible, Dakota Suite sera toujours là pour enfoncer le clou à coups de voix traînantes et de guitares fatiguées. Alors, merci qui?

Gagoun

An Almost Silent Life : touchant, dépressif, beau

Ecouter un extrait :http://www.youtube.com/watch?v=qDxasST_ADc&feature=player_embedded (ou écouter en intégralité sur spotify)

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être : 

  • This River Only Brings Poison, DAKOTA SUITE, Glitterhouse, 2003 : Difficile de faire un choix dans la longue discographie de Chris Hoosen tant celle-ci est constante, homogène et traverse le temps qui passe quoiqu'il arrive, reste toujours fidèle à un même idéal d'épure organique et de spleen quotidien. Tout juste on retiendra ce très bel album aux arrangements légèrement plus présents et aux mélodies un peu plus assurées. Tout ceci est bien entendu relatif, la lenteur est toujours de mise, la fragilité et l'épure également. Superbe donc!

  • ...Is With The Demon, TROY VON BALTHAZAR, Vicious Circle, 2012 : L'occasion pour moi d'évoquer un artiste qui me tient à cœur. Troy Von Balthazar est un personnage attachant, à l'image de sa musique. Le leader de Chokebore a véritablement entamé une carrière solo en 2005. Trois albums plus tard, il est devenu un songwriter magnifique et touchant, loin de la connivence avec Nirvana dans les années 90 et de l'image de rockstar naissante que cela laissait augurer. Contrairement à un précédent exercice tout en jolis arrangements, en bricolages pop, folk et rock, … Is with the demon se veut un album plus sombre, toujours mélancolique, de ballades épurées comme jamais, parfois approximatives, encore bricolées. L'hawaïen s'amuse avec ses guitares comme avec ses claviers d'enfants, ces mini pianos même si cette fois-ci, exit les boites à rythme basiques, binaires. Car Troy Von Balthazar est un grand enfant. Il le retranscrit d'ailleurs parfaitement sur scène en créant un univers intimiste, celui d'une chambre où se côtoient jouets musicaux et guitares devant le regard attendri des spectateurs. Mais si la naïveté pointe le bout de son nez, elle est toujours teintée d'une tendre mélancolie, de ces accords qui vont droit à la cible, de cette voix délicieusement fragile et haut perchée. Le monsieur aime régresser mais il aime aussi la gravité d'un Léonard Cohen. L'alchimie n'en est que plus belle et ce dernier album en date, sorti le mois dernier, en est la preuve. Écoutez simplement le single "Tiger vs Pigeon" puis plongez dans son univers.

  • You Were A Dick, IDAHO, Talitres, 2012 : Drôle de titre d'album quand on connaît le contenu de celui-ci... Car la musique de Jeff Martin n'est que délicatesse. L'artiste, qui n'avait rien sorti depuis longtemps, nous propose ici un bel album à l'univers proche de celui-de Dakota Suite, comme il a l'habitude de nous servir depuis les années 90. Alternant instrumentaux, ballades désarmantes tantôt amenées par une batterie plus ou moins traînante, tantôt par un piano chaleureux ou une guitare au son qui lui est propre, l'auteur est ici au sommet de son art. Sa voix, les intonations qu'elle prend vous transperce parfois. A l'exception d'un ''Space Beetween'' légèrement plus enlevé, cette œuvre est souvent contemplative, lente et confortable. Petit coup de cœur pour la simple et néanmoins magnifique ''Someone relate to''. Magnifique album de chevet, vraiment.

  • Autumn Birds Songs, JASON MOLINA, Graveface, 2011 : Un peu à l'image de Chris Hoosen, Jason Molina a une longue carrière de songwriter derrière lui, notamment à travers Songs : Ohia et Magnolia Electric Co. Un peu comme Chris Hoosen, Jason Molina ne respire pas la joie de vivre, a connu des soucis de santé, des soucis financiers et a dû arrêter la musique quelque temps. Cet album marque donc un retour espéré depuis 2009. Il revient sans crier gare, à notre grande et heureuse surprise, mais toujours de manière discrète et timide. Ainsi les huit chansons qui composent ce mini album, par ailleurs accompagné d'un livre illustré par William Schaff (qui a déjà œuvré avec Okkervil River, Gravenhurst ou encore Godspeed You Black Emperor!), sont totalement dénudées. Le duo guitare/voix bénéficie d'un traitement du son réellement lo-fi, comme si les morceaux, telles des ébauches écrites il-y-a plusieurs années, nous étaient envoyées à la face, brutes, sans artifices, comme si l'artiste reprenait tout à zéro, à l'essence même de sa musique folk, terriblement triste et bien entendue touchante. Le début d'un second souffle?

vendredi 2 novembre 2012

Epilogue, BLUENECK, Denovali, Octobre 2012 (Par Gagoun)



       Blueneck, c'est noir. Pas un noir teinté d'un vain espoir, d'une quelconque mélancolie, Blueneck c'est juste noir. Blueneck, c'est la suggestion, un appel au laisser-aller de l'âme. Son œuvre, Epilogue est la bande son d'un film imaginaire selon les dires de ses auteurs. Pas de mots ici, ils sauraient trop vers quelles contrées vous guider. Ainsi juste des instruments qui s'expriment, du silence, des murmures, des textures.

       Quelque part après la fin du monde, peu importe l'endroit et le temps, il n'y a plus rien ici bas. Juste le silence, le bruit du silence, la solitude, les grands espaces et quelques errants passant ça et là, eux même poursuivant un but qui n'existe pas, qui n'existe plus. Le calme après la tempête. Fini le stress des sociétés, fini la peur de la catastrophe, du déluge, ici tout n'est que désolation baignant dans une certaine quiétude que ne saurait tromper la magnificence électrique, lourde des villes abîmées et dépeuplées que nous traversons parfois. Si la batterie martèle, si les arpèges de guitare s'entrelacent ou se répondent, si la saturation laisse poindre le bout de son nez, ce n'est que pour nous rappeler un temps lointain, agité mais bien révolu. Car tout est désert. Tout est tranquille finalement. Le piano, encore une fois, mène la danse. Son épure, sa simplicité ne sont dérangées que par ces quelques voix lointaines, inoffensives, ses field recordings, ces claviers accompagnés d'une electro froide et légère rappelant toujours ces paysages urbains. Ici et là, quelques xylophones nous ramènent à l'état de l'enfance, là où tout n'était que découverte, simplicité et beauté. La quiétude toujours.

       Alors nous marchons, quelque part entre La Route de Cormac Mac Carthy et Into the Wild version Sean Penn, nous sommes tristes d'errer sans envie, sans Graal à atteindre, les plus jeunes sont nostalgiques de ce qu'ils n'ont pas connu, les amitiés, les amours, l'insouciance, l'inconscience même... Les plus âgés se rappellent leurs temples, leurs certitudes. Mais au moins, nous sommes tous fixés. Le pire a eu lieu, le monde est passé. Plus de pression, plus d'exigences, plus de vie à mener, juste la fin du regard de l'autre et la sérénité.

       À chaque interprétation, à toutes ces musiques cinématographiques, au retour rageur et porteur d'espoir de Godspeed You Black Emperor, à Farewell Poetry, à Her Name is Calla, Hrsta, Do make say think, Ólafur Arnalds et bien d'autres...

Gagoun

Epilogue en trois mots : triste, cinématographique, errant

En écoute dans son intégralité par ici : http://www.deezer.com/fr/album/5959155

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • The Fallen Host, BLUENECK, Denovali Records, 2009Deuxième album du groupe, c'est aussi un Blueneck dans une version plus classique auquel nous avons droit ici. Du post rock sans grande innovation mais incroyablement bien fait et touchant. Une voix cette fois-ci bien présente, haut perchée et mélancolique tout comme ces crescendos impressionnants et jouissifs. Toujours ce sens de la belle mélodie, de la tristesse. Blueneck fait bien partie de ses rares groupes qui arrivent encore à magnifier un genre qui a parfois tendance à se parodier lui-même.

  • Goodbye Ennemy Airship The Landlord is dead, DO MAKE SAY THINK, Constellation Records, 2000 : Aux grandes heures de Constellation, il y avait Do Make Say Think et ses paysages arides. Un groupe réellement à part... Si la rudesse du son, les formes épiques et les rythmiques alambiquées, parfois jazzy que proposent le groupe paraissent se situer à l'opposé d'un Blueneck plus sobre et léché, le potentiel cinématographique n'en demeure pas moins immense et constitue une belle porte d'entrée dans ce qui constitue, pour moi, la quintessence du genre « post-rock » : l'univers de Constellation.

  • Eleventh Trip, ALPHA, Don't touch, 2012 : Petit clin d’œil enfin à un autre genre éminemment cinématographique, le trip-hop, au moment où l'un de ses plus dignes représentants sort un superbe album, j'ai nommé Alpha. Ce n'est sûrement pas un hasard, si Duncan Atwood, chanteur de... Blueneck, prête sa voix à plusieurs morceaux. Point de hasard non plus si, encore une fois, le groupe dépasse les frontières du genre pour lorgner vers la pop, la folk et le post rock... Magnifique ! Sur ce, je vous laisse avec la plume de l'ami Lapin qui en parle excellemment bien par ici : http://www.indierockmag.com/article19992.html


Works for Abattoir Fermé 2007-2011, KRENG, Miasmah, Octobre 2012 (Par Riton)



       "Nous vous informons que certaines scènes du spectacle auquel vous allez assister pourraient heurter la sensibilité des plus jeunes ainsi que des personnes non averties".

       Des rituels occultes enflammés... Des symboles se dessinant sur les murs... des hommes et femmes nus, en transe, semblant lutter contre des forces invisibles... Textes malsains et incisifs sur fond de beats indus dronesques, sous les yeux et les oreilles de spectateurs curieux et ébahis. "Une plongée dans l'étrange et l'occulte" : voici ce que le collectif français d'artistes Materia Prima nous offrait samedi dernier à l'Aéronef de Lille (dans le cadre de l’évènement Hybris #1, organisé à l'occasion du festival Fantastic de Lille 3000... où jouait Secret Chiefs 3 et les belges du label Cheap Satanism, Joy As A Toy). En façade légèrement éloigné (notamment par son caractère nettement plus burlesque) de ce qui va suivre et pourtant tant à propos en ces instants de célébration des morts et surtout à la lumière des arts scéniques contemporains dans leurs acceptions les plus subversives et dérangeantes, totals, entre performances, musique et travail plastique.

       Ainsi de son coté (outre-Quiévrain) la compagnie malinoise d'Abattoir Fermé a fait le choix depuis 2007 d'intégrer à ses spectacles les talents de composition de Pepijn Caudron (lui-même originellement comédien), connu sous le nom de Kreng. Après deux albums "solos", déjà chez l'excellent label Miasmah (Jasper TX, Jacaszek, Simon Scott...), il était temps pour lui de compiler une partie de ces "accompagnements" dans un coffret digne de ce nom : plus de trois heures d'un ambient théâtral horrifique dont il a le secret (masterisé par Nils Frahm attention!) et qu'on s'imagine très bien, cramponné à son siège, voir s'animer sur les planches... Quatre pièces musicales différentes mais qui mises bout à bout (pour le peu que vous soyez assez maso et disponible pour tout écouter en une fois) semblent former un tout.

       Tourniquet, avec ses nappes inquiétantes et fantomatiques, transformées progressivement en une pulsation quasi martiale, nous dépeint des paysages particulièrement lynchéens... Ces sonorités qui nous renvoient à tous ces personnages en proie à leur propre condition, ces Henry Spencer, Laura Palmer, Dale Cooper, Fred Madison, Nikki Grace... coincés entre rêve/cauchemar et réalité. Leurs fantômes continueront à émaner de l'oeuvre, mais l'atmosphère se fera de plus en plus effrayante et funèbre.

       Mythobarbital (que l'on trouvait déjà, dans une version retravaillée, dans L'autopsie phénoménale de Dieu), orchestral et désolé, dans un style résolument grandiose et cinématique, nous plonge lentement vers les abîmes, jusqu'à n'entendre qu'un bruit sourd, le bourdonnement provenant de plaintes et le choc interminable du chaos.

       Retour à une surface faussement plus claire avec Snuff, ou l'espoir de mélodies néo-classiques se retrouve rapidement balayé manu-militari à coup de roulements de tambours pour nous renvoyer trembler, haletants, là ou Mythobarbital nous avait laissés.

       Monkey prolonge l'immersion, encore plus basse, plus inquiétante, au point de complètement dérailler et de laisser une electro bruitiste anxiogène prendre le dessus (en mode "Dominick Fernow sur le dancefloor"), aussi malsaine que rassurante, après l'épreuve passée...

       En conclusion et en guise de bonus, Monster! (issu d'un programme TV flamand, du genre de ceux qu'on ne voit pas en France...) s'amuse à rendre un hommage dégoulinant et complètement décalé aux séries Z d'horreur, plus conventionnel  balisé, mais tellement délectable... un peu comme ci Goblin avait douloureusement copulé avec John Carpenter et Alan Howarth.

       Plus qu'une compilation, un passeport pour l'effroi, un aller simple pour ceux qui aiment se faire frissonner et la bande son idéale en cette période (à juste titre merveilleusement bien anticipée en podcast par les camarades d'Indie Rock Mag). Souffle coupé rattrapé par l'enthousiasme et l'on se dit ainsi que le nombre de spectacles créés devraient permettre à l'avenir d'autres sorties de ce genre, que le sieur Kreng en a surement encore beaucoup en réserve, et que Mechelen n'est pas si loin, l'occasion peut-être un jour de vivre l'expérience "Abattoir Fermé" en direct, à nos risques et périls. Encore de longues et sombres nuits en perspective!

Riton

Works for Abattoir Fermé 2007 – 2011 en trois mots : sombre, théâtral, flippant

Ecouter en entier sur Deezer : http://www.deezer.com/fr/album/5255971

Si vous aimez ce(s) disque(s) vous aimerez peut-être :

  • L'autopsie phénoménale de Dieu, KRENG, Miasmah, 2009 : Avec ce premier long format, Pepijn Caudron nous expose la facette la plus jazz de son projet Kreng... mais un jazz qui se traîne  qui rampe, un jazz aux croisement du drone, de l'ambient, du néo-classique à filer la chair de poule à des canaris.

  • Grimoire, KRENG, Miasmah, 2011Grimoire, c'est en quelque sorte la bible de Kreng, un manifeste de terreur à la valeur occulte ajoutée, plus mystérieux encore que son prédécesseur... tout simplement merveilleux et troublant!

  • Host, ANTHEA CADDY & THEMBI SODDEL, Room40, 2012 : Violoncelle pour l'une, machines pour l'autre, triturés jusqu'à la moelle  Croisement de matière sonore, field recordings arrangés, et coups d'archets stridents constituent la recette d'un des disques (si pas LE disque) le plus inconfortablement exquis de l'année. Comment deux personnes si charmantes peuvent-elles nous rendre si mal à l'aise? Clairement à déconseiller aux plus fragiles!

mardi 2 octobre 2012

Real Pussy, KING CYST / The Wonderful World, IAN DRENNAN, Underwater Peoples, Septembre 2012 (Par Riton)




       J'suis vraiment pas content! On attendait en début de mois Ocean Roar, fameuse deuxième sortie de l'année pour Mount Eerie... et Monsieur décide à la dernière minute de le sortir fin août... Laisse moi te dire, Phil, que tu files un mauvais coton! Cet album, réellement génial, méritait amplement sa chronique, et toi tu gâches tout! C'était pour me punir de la dernière fois? Parce que j'ai préféré Rachel Evans à ton Clear Moon? Puisque c'est comme ça je retourne voir ailleurs!

       Tiens, Ian Drennan par exemple, bien qu'un peu excentrique, a l'air d'être un chic type. D'autant plus chic qu'on le retrouve... excusez du peu... omniprésent sur les deux dernières sorties du catalogue d'Underwater Peoples : un saxophone plus qu'entêtant en guise de fil conducteur pour deux des formations les plus atypiques du moment. Une curiosité dont on aurait déjà pu déceler les traces auparavant avec Big Troubles, la faute à un potentiel dévergondage déjà pas mal élevé, en dépit d'un shéma musical indie pop/shoegaze sauce Slumberland de bonne facture mais sans étincelles... celui de mecs capables de se vêtir de sachets ziploc remplis de spaghettis bolognaises pour on ne sait quelle raison, en guise de prémonitions à de futures gros problèmes musico-psychologiques. A savoir qu'en plus son acolyte bassiste Luka Uismani (à gauche sur la photo... et je ne saurais que trop conseiller ses excellentissimes albums solos sous le nom de No Demons Here : gratuits ici) occupe également la place de chanteur au sein de King Cyst... et qu'avec un nom pareil et un album intitulé "Real Pussy", je vous souhaite bonne chance pour trouver quelconque information (en dehors bien sûr de la fiche CD du label, quelques articles par-ci par là et cette chronique...), entre le pire ou le meilleur de Cock and ball Torture (le groupe), des sites de ventes de sex toys et autres cliniques à la sauvette... à première vue surprenant pour un ancien groupe de reprises instrumentales des Doors.

       Quoiqu'il en soit ça commence comme un album de chez Elephant 6 avec "Greedy Garden" et "Real Pussy" (et tout est prétexte à penser à Bill Doss), cocktail grésillant de psych-pop lo-fi, la fougue remplacée par une lenteur approximative confinant à l'euphorie, la nonchalence de Luka Uismani prenant place au milieu de rêves de verdure rougeoyante, de fous rires béats... Progressivement le trip en pleine ascension se déconstruit et devient à la fois plus contemplatif et dérangé. Le piano s'emballe face à un saxophone jazzy bien trop serein ("Ari Stern Living", "James Granato") et l'excursion se fait de plus en plus planante ("Djinn", "Master Of Nudity"). Ian Drennan, pourtant appelé à la hâte pour compléter ce projet, devient finalement l'élément perturbateur ("James Holt Living"), le libérateur d'endorphines, la petite folie chatouillant les oreilles, en prélude parfait à un album solo complémentaire mais plus qu'expérimental. Si "Elaine the Fair" laisse entrevoir un talent de songwriting plus que touchant, c'est du côté d'une orfèvrerie du grand n'importe quoi (qui semble, après la signature d'Eric Copeland, être devenu dada sur le label de Julian Lynch), du découpage capilotracté et impromptu que s'égare ce The Wonderful World. Les morceaux sont sans structures apparentes ou plutôt les multiplient : entre stridences agressives baignées dans l'écho et gimmicks mélodiques facheusement mémorisables, les boucles de sonorités concrètes balbutiantes (eau, bruits métalliques...) se mêlent aux quelques beats bien placés (non pas ça... laissons le concept à Death Grips), déplacés ("Miroir Fantastique"), aux synthétiseurs spatiaux et à ce saxophone inamovible... plus discret mais toujours présent, comme fondu dans le décor, comme si le passage de Real Pussy à The Wonderful World l'avait complètement imprégné.

       D'hommage en hommage, de la scène de Canterbury à tous ses héros du psychédélisme (Robert Wyatt, Kevin Ayers...), ces deux albums mis bout à bout offrent un voyage surprenant au bout duquel émanent des musiciens désincarnés, des instruments dématérialisés... et un Ian Drennan évanescent pas loin de s'imposer comme un maître en la matière.... une matière qui s'évapore... A défaut de, ça vaut bien un Mount Eerie, n'est-ce pas Phil?!

Riton

Real Pussy en trois mots : psychédélique, planant, rêveur

The Wonderful World en trois mots : expérimental, capilotracté, planant

Ecouter Real Pussy ici : http://www.deezer.com/fr/album/5633411 (ou sur Spotify)

Ecouter The Wonderful World ici : http://www.deezer.com/fr/album/5633401 (ou aussi sur spotify... et n'espérez rien trouver sur youtube à part un florilège des performances de son homonyme parachutiste)

Si vous aimez ces albums, vous aimerez peut-être :

  • Terra, JULIAN LYNCH, Underwater Peoples, 2011 : Si Terra peine à satisfaire, la faute à une durée trop courte et une impression permanente de patauger... Julian Lynch sait se faire entendre quand il s'agit de planer et de montrer son talent. Ses recherches en ethnomusicologie et tout le temps passé en Inde semblent avoir définitivement marqué sa musique et comme nous avons pu le voir, tout un pan du catalogue actuel de son label.

  • Limbo, ERIC COPELAND, Underwater Peoples, 2012 : Comme son nom l'indique, cet album est fait de bouts de ficelles (en imagineant qu'on remplace le bâton de limbo par un fil... c'est tout ce que j'avais), de ficelles bruitistes réassemblées, en saccade, presque dansantes, et surtout hypnotiques. Eric Copeland, quand il prend ses RTT de chez Black Dice et ne flirte pas avec Avey Tare au sein des Terrestrial Tones, c'est pour bruiter sur les dancefloor ardents, façon Otomo Yoshihide en soirée mousse.

  • Revolutionary Pekinese Opera, Ver. 1.28, GROUND ZERO, ReR Megacorp, 1996 : Et puisqu'il était question d'Otomo Yoshihide et que je ne vais pas partir comme ça sans expliquer, le voici avec son projet Ground Zero dans ce qu'on pourrait aisément appeler un opéra révolutionnaire japonais (et non chinois), dans lequel une partie de la culture nippone passe à la moulinette de cet adepte du turntablism et est réinterprétée à coup de collages (bruitages en pagaille : combats, voix et instruments traditionnels) complètement hallucinés, entre noise et free jazz (en somme un résultat bien plus violent que ce que Ian Drennan peut faire... mais à coup sûr influent)


Architecture of Loss, VALGEIR SIGURDSSON, Bedroom Community / Screws, NILS FRAHM, Erased Tapes Records, Septembre 2012 (Par Gagoun)




       Ça commence par un silence... Puis un bruit blanc qui vous emmène vers des trésors de dissonances mais aussi de mélodies fragiles, tantôt esquissées, tantôt appuyées. Ça commence par quelques notes qui se cherchent, forment le début d'un thème... Un piano à fleur de peau, la simplicité de la mélodie et le dépouillement de la musique. Deux sensibilités néoclassiques, deux artistes sur le fil, deux amoureux du son et de l'intime. D'un côté, Valgeir Sigurðsson, le Steve Albini islandais, que dis-je, le Lee Scratch Perry du Grand Nord!!! Le monsieur a produit à peu près tous les artistes de l'île, de Sigur Ros à Björk en passant par Múm ou encore l’adopté Ben Frost mais aussi bien d'autres comme Bonnie Prince Billy ou Feist plus récemment. Ça c'est pour le CV... Pour la composition, l'artiste n'est pas en reste non plus. De multiples collaborations et maintenant ce troisième album, son Architecture of Loss, sorti sur son label Bedroom Community. De l'autre côté de la rive, Nils Frahm, lui aussi, aime produire : son ami Peter Broderick ou le tout nouvel album du folkeux Will Samson (qui, au passage, vous est vivement recommandé par vos humbles serviteurs) entre autres perles. Nils Frahm, nous vous l'avions déjà présenté à l'occasion d'une chronique sur Oliveray, il est aussi l'auteur de plusieurs albums dont un particulièrement magique : Felt sorti l'an dernier. Enfin Nils Frahm, c'est un pianiste doué, au feeling simplement touchant, mettant régulièrement ses talents au service de nombreux artistes (Autre coïncidence du calendrier, l'allemand a participé au petit bijou pop des danois d'Efterklang sorti également ce mois-ci). A la surprise générale, le musicien sort donc un nouvel album ce mois, comme ça, sans crier gare, en libre téléchargement et qui bénéficiera d'une sortie physique prochainement via l'excellent label Erased Tapes Records. Un joli cadeau d'anniversaire que le pianiste nous offre là alors que c'est justement son anniversaire à lui... Mais peut-être se fait-il un peu plaisir lui même en nous proposant cette œuvre... En tout cas, celle-ci s'intitule Screws, en hommage aux broches qui ornent actuellement son pouce cassé à la suite d'une chute malencontreuse.

       Si Nils Frahm nous offre ici neuf petites perles de chambre, sobres et gorgées de mélancolie avec un piano pour seul protagoniste et les craquements du temps qui passe en toile de fond, Valgeir Sigurðsson, lui, se plaît à enrichir ses errances mélodiques à coup de tensions dissonantes, de percussions entêtantes, d'électronique étrange. Si le piano reste le fil conducteur, il doit néanmoins affronter plusieurs tumultes, accompagné parfois par un violon qui semble lui répondre sur "The Crumbling", prendre le dessus sur "Big Reveal" ou encore courir avec lui sur ''Plainsong". La sensibilité, la fragilité : voici ce qui caractérise l'ambiance de deux œuvres uniquement instrumentales et dont le feeling vaut bien toutes les paroles exprimées du monde. Ainsi Nils Frahm nous parle directement, nous chuchote sa tristesse tranquille, presque sereine. Les doigts effleurent les touches, ces dernières craquent, le souffle empli la pièce quand le piano, affublé de sa magnifique réverbe naturelle, ne s'en charge pas lorsqu'il hausse légèrement le ton. Le pianiste allemand nous entrouvre la porte de son intimité en ouvrant un simple micro posé ça ou là. Quelques thèmes récurrents, l'art de la note juste, des parties magnifiquement improvisées comme autant de divagations de l'âme. Celles là même nous sont proposées par le compositeur islandais, entre musique écrite et musique improvisée. Si les parties écrites traduisent cette même mélancolie presque rassurante, les parties improvisées produisent un effet plus noir, parfois hypnotique, toujours sombre, voire inquiétant. Naissent ainsi des drones étranges, des dissonances accrocheuses et des ambient nous arrachant à cette sérénité. Pour autant, rien de désagréable ici, un peu comme le cours d'une vie paisible parfois dérangée par des évènements plus sombres que les autres. Il faut dire que cette œuvre a été conçue comme une histoire puisqu'elle est à l'origine composée pour le ballet du chorégraphe américain Stephen Petronio. Au contraire l'album de Nils Frahm, si il s'écoute facilement d'une traite, n'a pas d'autre trame que celle que vous voudrez bien imaginer au fil de vos écoutes. Son auteur n'a d'ailleurs pas pris le temps de nommer ses morceaux baptisés simplement par la tonalité dans laquelle ils ont été exécutés. Seules les musiques d'ouverture et de fermeture s'intitulent sobrement "You" et "Me". Une volonté d'associer l'auditeur à son intimité?

       Au final si ce bijou n'est pas aussi travaillé que son prédécesseur Felt, il n'en est pas moins infiniment touchant et doté d'une spontanéité que l'on croise rarement dans la musique classique. Car nous parlons bien de musique classique ici, de musique néo classique plus précisément. Pas celle du passé, qui possède d'autres qualités, appartient au monde du patrimoine et des partitions mais bien celle du présent et de l'avenir. Une musique vivante en phase avec son temps, qui sait intégrer la philosophie Do It Yourself des punks, l'électronique/ambient de Brian Eno et le minimalisme d'Arvo Pärt. Une musique qui grandit et prend de plus en plus de place dans le petit monde indépendant. Nils Frahm et Valgeir Sigurðsson sont ainsi deux étoiles au milieu de cette vaste constellation. Ils accompagneront sans doute les longues soirées automnales et hivernales de certains d'entre nous. Jusqu'à la naissance de nouvelles étoiles...

Gagoun

Architecture of Loss en trois mots : mélancolique, ambient, fragile

Screws en trois mots : mélancolique, intimiste, minimaliste

L'album de Valgeir Sigurðsson est en écoute intégrale : ici

L'album de Nils Frahm est en écoute intégrale sur soundcloud : http://soundcloud.com/selftitledmag/sets/nils-frahm-screws/

Si vous aimez ces albums, vous aimerez peut-être :

  • Ekvílibríum, VALGEIR SIGURDSSON, Bedroom Community, 2007 : Premier album du compositeur islandais. Celui-ci est marqué notamment par l'intervention de Bonnie Prince Billy au chant sur un morceau. Plus accessible que l'album sorti ce mois-ci, il permet de découvrir une autre facette de l'artiste, plus mélodique, voire electro.

  • The Bells, NILS FRAHM, Kning Disk, 2009 : Moins lo-fi que Screws, sans ce son si particulier qui fait de Felt un album tellement spécial, The Bells reste un superbe moment de piano solitaire avec ce feeling, toujours et ces compositions minimalistes à la sensibilité exacerbée. A noter la très prenante "Down Down".

  •  By The Throat, BEN FROST, Bedroom Community, 2009 : A l'instar de son ''compatriote d'adoption'' qu'est Valgeir Sigurðsson (et qui participe d'ailleurs à cet album tiens tiens...), l'australien Ben Frost livre là une œuvre parfaitement anxiogène où la musique classique se mêle à l'electro/indus de manière très prenante. Les passages ambient ne sont pas sans rappeler ceux évoqués ci-dessus dans la chronique de l'islandais. Un artiste atypique pour une œuvre ensorcelante.

  • Et pourtant c'est arrivéJULES RUDE, Gorgone Productions, 2012 : Pour finir en toute discrétion, voici 21 petites minutes juste superbes dans la digne lignée d'un Nils Frahm. Celles-ci ont été composées cette année par un français, un lillois plus précisément (represent!!). Un vrai coup de cœur pour ces compositions simples et réellement touchantes. C'est dingue ce que l'ont peut faire ressentir avec un piano finalement. Un artiste à suivre de très près en tout cas...




samedi 1 septembre 2012

Because I Am Always Talking, CAREFUL, Circle Into Square Records , Août 2012 (Par Gagoun)



       30 minutes... 30 minutes pour s'évader, se construire un petit nid douillet, un cocon empli de rêveries, de fragilité en troubles se muant en une sérénité calme et harmonieuse. Oui, Careful porte bien son nom. L'homme qui se cache derrière ce bijou, Eric Lyndley ressemble à un artisan de la pop de chambre façonnant son diamant encore et encore, y laissant juste quelques aspérités comme autant de traces d'une identité marquée, d'un charme certain, d'un caractère (presque) affirmé. Cette histoire, c'est un peu celle de Sufjan Stevens, de Perfume Genius ou même de Mount Eerie. Alors pourquoi celle-ci plutôt qu'une autre me direz-vous ? Pour rien de spécial je vous répondrais. Juste une affaire de sensibilité, une musique simplement touchante à défaut d'être révolutionnaire, une surprise que je n'attendais pas venant d'un artiste que je ne connaissais pas édité sur le label dont le nom m'était également étranger.

       Ce bel ouvrage est ainsi fait qu'il est emprunt de cette mélancolie qui font les beaux albums. Point de grandiloquence ici bas, juste des mélodies minimalistes, construites principalement autour d'une guitare acoustique et d'une voix cristalline, presque enfantine. Des bribes d'électroniques viennent se greffer délicatement et avec parcimonie grâce à des beats discrets, des chœurs trafiqués, expérimentaux et assumés ou des claviers analogiques. Du faussement tubesque « It's funny » à un ''You love me'' enneigé en passant par la douceur du groove bosselé de « Quite », on s'enferme dans un monde où la dureté du quotidien n'a pas cours, on se replie, on régresse volontiers à l'image des dessins colorés au trait grossi qui viennent recouvrir la froideur de la ville sur la pochette de l'album. Alors certes les paroles sont parfois tristes, mais cette tristesse semble apaisée, adoucie et donc lointaine. Du carillonnant ''I had a kid'' à la ritournelle bricolée ''Frog went a'courting'', on chante, on pleure, on écoute, happés...

       Vous l'aurez compris, qu'est-ce qu'il est bon de retomber en enfance parfois, de se soulager de tout cette pression environnante. Et si la musique permet cet état, Careful représente un de ses secrets les plus précieux, assurément. Because I am always talking... Encore et encore... Pour se protéger de la nuit... A côté d'une lampe de chevet... Juste pour 30 minutes ! Mais quelles jolies minutes ! Et puis recommencer, toujours... Pourvu que l'on s'y perde un peu.

Gagoun

Because I am always talking en trois mots : artisanal, rêveur, enneigé

L'album est en écoute intégrale sur le bandcamp du groupe. Par ici la musique : http://songs.carefulmusic.com/album/because-i-am-always-talking

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Oh Light, Careful, Sounds Super Recordings , 2010 : Premier album d'Eric Lyndley découvert à l'occasion de la sortie évoquée ci dessus. On y retrouve les mêmes ingrédients pop, electro légère, folk et cette voix qui vous donne le frisson. Pour le coup, cet album est plus long que son successeur mais s'apprécie de la même manière.

  • Clear Moon, MOUNT EERIE, P.W. Elverum & Sun, 2012 : En attendant la deuxième partie de ce diptyque entamé au début de l'année 2012 et qui s'annonce plus électrique, je voulais vous parler de ce joyau que représente ce premier volet. Phil Elverum y propose une collection de chansons pop à l'orée de l'ambient, voire même du black metal. Son style particulier est toujours là. Mais il est ici magnifié par une production moins lo-fi que d'ordinaire (mais pas plus plate pour autant), une voix d'une intensité rarement égalée (qui n'est pas sans rappeler celle d'Eric Lindley par certaines de ses intonations) et des mélodies extrêmement soignées venant se mêler aux claviers lunaires, aux guitares en clair/obscur et à la rythmique chancelante. Sublime!

  • Typewriter, JOS. FORTIN, Shuffling Feet Records, 2012 : En voici un autre de petit bijou pop/folk jalousement caché et sorti cette année. Ici on ne parle plus de folktronica mais bien de folk pure et dure matinée de mélodies pop et bricolée dans une chambre par nos neuf musiciens canadiens. Parmi ceux-là on compte d'ailleurs des membres d'Evening Hymns que vous avez pu croisé si vous suivez un peu l'actualité du label clermontois Kütü Folk Records et qui sortent ce mois-ci un superbe album au passage. A l'image de Careful, Jos. Fortin nous propose un beau travail d'artisan qui se laisse écouter sans difficultés et qui risque fort de devenir addictif si vous aimez ces musiques boisées, artisanales et un peu enfantines. Une belle découverte!




Life Is People, BILL FAY, Dead Oceans, Août 2012 (Par Riton)



       "Bill Fay tes devoirs!", "Madame, Bill Fay des bétises!"... si Bill Fay avait été français, voilà le genre de petites blagues qu'il aurait pu subir dans son enfance. Heureusement pour lui, Bill Fay est anglais, et heureusement pour nous, Bill Fay de superbes chansons. Mais trêve de pantalonnades et parlons musique!

       Pour tout dire je ne pensais pas voir revenir Bill Fay un jour... je l'imaginais plutôt ermite à la barbe interminable, reclu du monde, animé par le souvenir de ces merveilleux disques de folk-rock majestueux sortis au début des années 70 (l'éponyme premier suivi du culte Time of Last Persecution)... ceux-là même sagement rangés dans ma discographie, au milieu des Kenneth Higney, Simon Finn... Et pourtant les compositions inédites du deuxième disque de Still Some Light (2009) avaient de quoi aiguiller sur un potentiel retour (et sur le retour d'un potentiel immense), laissant la part belle à l'introspection au piano, à la voix sensible et chevrotante, et à une production "maison" plus moderne. Difficile néanmoins d'envisager quelconque évolution lorsqu'un artiste comme Bill Fay est autant associé à une époque, aux sonorités d'instruments craquants sous le poids des bandes, au charme de dispositifs analogiques incontournables (allez trouver autre chose en 1970... autant essayer de boire un coca en terrasse pendant la Renaissance). Et pourtant... au delà de l'aspect sonore, musicalement exit les envolées progressives, focus sur l'essentiel, le calme plutôt que la tempête.

       On retrouve sur Life Is People certains titres de Still Some Light réarrangés (L'ouverture "There Is A Valley", un "City Of Dreams" méconnaissable et débarrassé de sa substance cheap originel et le magnifique et très gospel "Be At Peace With Yourself") offrant d'entrée la tonalité générale de l'album : ensemble de ballades pop épurées, discrètement orchestrées (des cordes, de la batterie, des choeurs...), mélancoliques sans tomber dans l'apitoiement, parfois même enjouées ("This World", sans étonnement très Wilco-esque, puisqu'accompagné de Jeff Tweedy... qui semble-t-il a joué un grand rôle dans le retour de Bill Fay, en l'invitant sur scène). L'ensemble est une plongée intimiste dans l'univers d'un écorché vif, pas épargné par l'insuccès immérité. L'artiste y donne de soi et expose sa foi, religieuse et humaine ("Jesus, Etc", "Thank You Lord"...). Des flots d'émotion brute se déversent sous les doigts de Fay. Décidemment il arrivera toujours à donner le frisson, comme aux premiers instants, notamment ceux de la dernière persécution.

       L'évidence est là, à travers ce disque, qu'à soixante ans passés Bill Fay ce que certains jeunes songwriters ne savent pas encore, ou tout simplement, sans trop médire, laisse parler l'expérience. Respect!

Riton

Life Is People en trois mots : sensible, brillant, frissonnant


Ecouter entièrement cet album : http://www.deezer.com/fr/music/bill-fay/life-is-people-5295191 (ou sur spotify)

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Time of the Last Persecution, BILL FAY, Deram, 1971 : Encore aujourd'hui l'album sur lequel repose le culte Bill Fay : cette pochette (et cette trogne de Charles Manson dépité, période Lie: The Love and Terror Cult... Oui, ce Charles Manson là) indissociable des morceaux lumineux et torturés qu'elle recouvre. Je conseille même de l'écouter avant d'écouter quoique ce soit d'autre de Bill Fay, même Life Is People (mais la logique veut que si vous lisiez ceci, vous l'ayez déjà écouté ou au moins lu la chronique... tant pis, on fera avec... à moins que vous ne connaissiez déjà et dans ce cas tout ce que j'aurais écrit n'aurait aucun sens)

  • Pass The Distance, SIMON FINN, Mushroom, 1970 / Through Stones, SIMON FINN, 10 to 1 Records, 2011 : On peut dire que Simon Finn et Bill Fay suivent à peu près le même type de carrière... mesestimés en leur époque et devenus cultes aujourd'hui (Simon Finn aurait été pour sa part, selon la légende, redécouvert par David Tibet de Current 93). D'une extrémité à l'autre de la carrière (de Pass The Distance à Through Stones) l'on passe d'un monument de l'Acid-Folk, déchiré et survolté (avec son inégalable "Jerusalem"), à une musique plus intimiste mais toujours psychédélique et pour le moins sublime. Le plus gros regret ne peut qu'être de l'avoir raté sur sa courte tournée de l'année dernière.

  • ImperfictionED ASKEW, Drag City, 2011 : Encore un drôle de bonhomme ayant commencé sa carrière au début des années 70. Aujourd'hui, on le retrouve sur Drag City avec une folk/Lo-fi toujours aussi crade et touchante. A en croire son bandcamp il est aujourd'hui plus qu'hyperactif, et ça n'est pas plus mal!

jeudi 2 août 2012

Never, MICACHU AND THE SHAPES, Rough Trade, Juillet 2012 (Par Riton)



       Micachu, attaque éclair!! Au delà de l'affligeante évidence de cette blague (mais avouez que ça vous fait rire!! allez, juste un peu!!), on ne peut qu'être d'accord sur le fait que l'artiste a dû un jour recevoir un sacré coup de jus, mettre les doigts dans la prise, embrasser un paratonnerre en pleine zone d'orages.... ou tout simplement aiguiser son goût pour la loufoquerie au berceau. En tout cas si elle est principale maître à bord de son projet (ou du moins, en formant The Shapes, accompagnée du batteur Marc Pell et de la claviériste Raisa Khan), elle n'est décidément pas seule dans sa tête : un véritable monde décalé, univers pastiche hilarant, peuplé d'on ne sait quoi... mais peuplé... traduit en musique à l'aide d'une pop-électro-punk-lo-fi un brin expérimentale, une pop faites de bruits familiers où la dissonance sert de mélodie et inversement. On comprend tout de suite que le fameux Matthew Herbert (connu pour ses assemblages sonores pour le moins atypiques et ingénieux) aie eu le coup de coeur et décidé de l'adouber dès ses premiers pas en la signant sur Accidental Records et en produisant ensuite Jewellery en 2009.

       Trois ans plus tard voici Never, imprimé rose sur papier toilette, qui semble dire à tord "vite fait, bien torché". Bien torché, à coup sûr, et aussi absorbant qu'un rouleau de Moltonel ("résistant et largement plus moelleux"), mais vite fait sûrement pas! Ainsi même si Jewellery portait déjà un sacré de pied dans la fourmilière avec son contenu agité, probablement le plus agressif et rock jusqu'à maintenant, ici Mica Levi, à la dégaine de punkette british androgyne, enfile avec ses amis les doc' et continue à marcher dans le sillage des sonorités testées en live avec le prestigieux London Sinfonietta (Chopped & Screwed en 2011... en quelque sorte hachuré et ralenti, issu de techniques bien connues du Djing). La musique sonne la plupart du temps comme celle d'une vieille bande enregistrée usée et freinée par l'âge, procurant à l'ensemble un brin de nostalgie ("Nothing", avec Wesley Patrick Gonzales du groupe Let's Wrestle... ce groupe lui-même nostalgique des années 90 si bien décrit par la Blogothèque), une sorte de longue plongée dans le vide ("Fall") au milieu de morceaux courts, aux motifs parfois insipides, pesants, ("Heaven") mais particulièrement entêtants. Ces miniatures de pop concrète ne ramènent pas directement à des objets (bien que ci et à on puisse en reconnaître... entre autres un aspirateur), mais à des textures, des matériaux, des sensations, qui posent Mica Levi en véritable virtuose de la débrouille, armée notamment de sa Chu, une guitare préparée bien décidée à ne sortir que des martèlements métalliques et distordus, et de nombreux instruments insolites.

       Et pour montrer qu'elle n'est pas comme les autres, Micachu illustre cette fois en intégralité les 14 morceaux de son album par une série de clip vidéos colorés, aux décors animés type Point & Clic d'aventure en flash (ou type plan de maison dessiné par des enfants daltoniens) et des jeux d'acteurs et chorégraphies à faire pâlir Francis Huster et le cours Florent réunis. On y voit les musiciens en grande forme revêtant leurs plus beaux habits du dimanche et une poignée d'invités, notamment quelques uns de leurs amis fêtards, Wesley Patrick Gonzales cité plus haut, en travesti au maquillage putassier digne de la Divine de Glen Milstead, ou encore un chien de race poney aussi charpenté que Loana en 2012.

       L'album a beau s'appeler Never, ce serait un tord de ne l'avoir jamais écouté. Encore que ça grille un peu les neurones... moi en tout cas j'en garde un exemplaire dans mon pokedex dans ma discothèque!

Riton

Never en trois mots : fou, foutraque, foufou

Ecouter et regarder en intégralité : http://www.youtube.com/watch?v=WixeZDjP2po&feature=bf_prev&list=PL5FCF8E26A1A4B2A4 (ça commence par "Easy" et ça s’enchaîne tout seul)

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Jewellery, MICACHU, Rough Trade, 2009 / Chopped & Screwed, MICACHU & THE SHAPES AND LONDON SINFONIETTA, Rough Trade, 2001 : D'un côté un premier album rentre-dedans et déjà très original, bordé de relans punk épileptiques, et de l'autre un album live qui changera la face des productions de Micachu. Indispensable pour les amateurs!

  • Paper Television, THE BLOW, Tomlab, 2006 : Duo electro-pop composé de Jona Bechtolt (aka YACHT) et de Khaela Maricich, conjuguant esprit DIY et belles mélodies... à classer entre Postal Service, pour le songwriting électro de talent, Micachu, pour la folie, et une sorte de R'n'B de qualité.

  • CuTe HoRSe CuT, GABLE, Load Records, 2011 : L'un des groupes les plus tordus de l'hexagone a attendu 2011 avant de sortir un album capable d'égaler ses prestations scéniques plus que dantesques, inégalables, après pourtant un certain nombre d'enregistrements. En tout cas ils ne volent pas leur réputation, on rigole, on bouge, on s'étonne des possibilités immenses de leur armada d'instruments maison...plus bluffant que Patrick Bruel sur une table de poker!


Advaitic Songs, OM, Drag City, Juillet 2012 (Par Gagoun)



       Ok, je vais vous épargner la blague douteuse et facile consistant à vous faire croire que je vais vous exposer mon amour immodéré pour quelque chanson entonnée délicatement par les supporters du stade Vélodrome. Parce qu'OM, bien que moins populaire qu'André-Pierre Gignac, est aussi un groupe phare de la scène stoner/doom actuelle et c'est bien entendu cela qui nous intéresse.

       OM, c'est comme une prière, OM, c'est le son originel dans les religions hindouistes et bouddhistes. OM introduit les mantras, elle est une syllabe appelant à la méditation, à une certaine forme de transe. Vous voyez où je veux en venir... Enfin, où veulent en venir nos deux américains. Car oui, OM c'est aussi deux musiciens: le batteur de plomb venu remplacé Chris Hakius en 2009 et le pilier, bassiste et prêcheur en chef Al Cisneros. Le groupe, fort d'une seule section rythmique, a ainsi été fondé en 2003 sur les cendres du légendaire groupe stoner Sleep et son cultissime Dopesmoker, album/morceau de bravoure d'une heure hypnotique qui, au passage, vient tout juste d'être remasterisé et réédité dans une version assez intéressante pour les amateurs non adeptes du « c'était mieux avant... » et je rajouterais « ...quoiqu'il arrive ». Depuis cet album testamentaire, les deux survivants de ce groupe important n'ont cessé de creuser le sillon de la répétition à outrance, l'apologie de la lourdeur, de l'efficacité et enfin du riff sabbathien qui tourne encore et encore jusqu'à l'hallucination auditive pour peu que l'on se perde dans ses méandres. Quelques bribes de paroles scandées suffisent comme des prières et cette atmosphère mystique est bien présente, toujours. En ce sens, OM reste un groupe atypique, reconnaissable entre mille et qui se démarque de bon nombre de ses frères de musique souvent portés par le côté obscur de la force, le trip acide dans tous les sens du terme, Satan et ses acolytes. OM est au dessus de tout cela, OM est serein, habité par cette force portée par une unique basse, lourde, sans concessions, fuzzée ou non. L'essentiel n'est plus là, l'essentiel est dans l'alchimie, l'élévation, le groove. Si beaucoup ont regretté le départ de l'ex batteur de Sleep, Emil Amos est pourtant un maître en la matière. Sûrement plus « démonstratif » que son prédécesseur, le musicien manie parfaitement épure rythmique, lourdeur efficace et breaks en tous genres.

       Ainsi ces Advaitic Songs confirment le virage ou plutôt l'évolution, amorcée en 2009 sur God is good. Après avoir épuré leur son au maximum durant trois albums, le groupe laisse à nouveau la lumière entrer en invitant d'autres instruments à évoluer en leur sein. Pas de guitare comme on pourrait le penser de prime abord dès que l'on parle d'un groupe de stoner classique. Ici ce sont les cordes, les pianos et les instruments traditionnels qui ont la part belle. Cithare, harmonium, tambours et autres percussions viennent enrichir cet univers quasi religieux. Rassurez vous, rien de pompeux ici, les arrangements sont sobres, le son donne chair à ces instruments. Comme sur le précédent album, le petit prodige, musicien « touche à tout » et chanteur exceptionnel, se contentant de quelques chœurs discrets et bien sentis ici, Robert Aiki Aubrey Lowe aka Lichens est de la partie. De stoner, il ne reste finalement que la section rythmique, toujours implacable, la basse se faisant ronde et capable de faire vibrer n'importe qui avec trois notes, la batterie assumant pleinement ce rôle particulier, ce groove au fond du temps, à la fois lent et dansant (la deuxième partie presque dub de ''Gethsemane'' est par exemple à tomber), s'effaçant même parfois au profit de percussions traditionnelles sur les morceaux d'ouverture et de fermeture de l'album. Le chant d'Al Cisneros se fait, quant à lui, mieux amené dans chaque structure de chaque morceau mais aussi plus mélodieux que jamais (parfois, on jurerait entendre Roger Waters, si si!). ''Sinai'' voit son introduction enrichie par le sample d'un chant musulman, généralement entonné lors de pèlerinages à la Mecque. L'introductive ''Addis'' se voit, quant à elle, servie par une incantation, celle d'une voix de femme, une prière encore.

       Au final l'ambiance OM est toujours là, traînant en longueur, en épure. Tout est mystique, hypnotique. Ce qui nous était suggéré auparavant est ici explicité, magnifié par les arrangements et les interventions diverses. Une évolution des plus logiques donc pour un groupe qui réussit à se renouveler en se libérant d'un genre pourtant très codifié sans en renier son essence. Fragile équilibre que celui-ci. Le propos, pour sa part, transcende. L'élévation de l'esprit n'est pas qu'une affaire de trips acides et fumettes de rigueur, elle est aussi une façon de vivre, elle se trouve au plus profond de son être, de sa spiritualité, au delà des querelles de religion. Ses cinq longues chansons d'Aïvata prônent ainsi l'unité de l'être, entre sa spiritualité et son corps. Et cette spiritualité n'a pas de chapelle, elle se trouve finalement en chacun de nous, sans distinction de croyance, et l'athée que je suis, aime cette idée, aime cette musique qui allie mysticisme et efficacité rock car de toute manière, quelques soient nos croyances, quelque soit notre rapport au monde, cet album est une invitation au voyage, à l'échappé belle et même au headbanding.
Gagoun

Advaitic Songs en trois mots : mystique, transcendantal, efficace

  
Un aperçu alléchant par ici: http://soundcloud.com/biz-3-publicity/om-state-of-non-return
 

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • PilgrimageOM, Southern Lord Records, 2007 : L'autre facette d'OM, plus épurée, plus électrique, plus monolithique et magnifiée par la production d'un Steve Albini en grande forme. Vous aurez aussi la chance de faire connaissance avec la fluidité du groove de Chris Hakius, maître en stoner.

  • Sleep's Holy Mountain, SLEEP, Earache Records, 1992 : Deuxième album de Sleep, il installe les codes d'un genre qui allait faire des émules après la séparation d'un groupe finalement méconnu et mésestime durant son activité. Son crade, guitares et basses énormissimes, batterie parpaing, compos au ralenti, un Al Cisneros déchainé et un Matt Pike alternant les riffs à la Black Sabbath et les solos furieux, un must du genre. Un must qui annonce le monument que sera Dopesmoker.

  • Dopethrone, ELECTRIC WIZARD, Rise Above Records, 2000 : Dans l'univers du stoner, Dopethrone est un peu l'anti-Advaitic Songs. C'est une peu la face sombre du stoner. Jus Osborn et ses comparses livrent ici une des œuvres les plus intenses du genre. Noires, violentes, lourdes, sabbathiennes et terriblement psychédéliques, ces longues plaintes sataniques reviennent à l'essence d'un rock primitif et vous assomment à tel point qu'il fut, pendant une période, le seul album du genre avec Dopesmoker (on y revient décidément) à pouvoir m'endormir aisément les soirs un peu moroses, au fond de mon lit.

  • Naam, NAAM, Tee Pee Records, 2009 : Voici là une bien bonne surprise à l'époque que ce premier album éponyme du trio de Brooklyn. L'ambiance générale qui se dégage de cette œuvre est proche de l'atmosphère mystique d'OM (certaines lignes de basses aussi!). L'ouverture de l'album, ''Kingdom'' est un morceau fleuve de 16 minutes absolument passionnant et annonçant la couleur de ce qui va suivre. Tout y passe : stoner fuzzé et efficace, grunge/rock pêchu, chant parfois monocorde, parfois plus enlevé et noyé par des tonnes de réverbe, accalmies quasi religieuses baignées de cithare et autres effets psychédéliques, percussions tribales et j'en passe. Passée la première impression d'être assailli de toute part par une musique puissante et qui s'en va dans tous les sens, la cohérence et l'addiction vous apparaîtra pour ne plus vous lâcher.