Ok, je vais vous épargner la blague
douteuse et facile consistant à vous faire croire que je vais vous
exposer mon amour immodéré pour quelque chanson entonnée
délicatement par les supporters du stade Vélodrome. Parce qu'OM,
bien que moins populaire qu'André-Pierre Gignac, est aussi un groupe
phare de la scène stoner/doom actuelle et c'est bien entendu cela
qui nous intéresse.
OM, c'est comme une
prière, OM, c'est le son originel dans les religions hindouistes et
bouddhistes. OM introduit les mantras, elle est une syllabe appelant
à la méditation, à une certaine forme de transe. Vous voyez où je
veux en venir... Enfin, où veulent en venir nos deux américains.
Car oui, OM c'est aussi deux musiciens: le batteur de plomb venu
remplacé Chris Hakius en 2009 et le pilier, bassiste et prêcheur
en chef Al Cisneros. Le groupe, fort d'une seule section rythmique, a
ainsi été fondé en 2003 sur les cendres du légendaire groupe
stoner Sleep et son cultissime Dopesmoker,
album/morceau de bravoure d'une heure hypnotique qui, au passage,
vient tout juste d'être remasterisé et réédité dans une version
assez intéressante pour les amateurs non adeptes du « c'était
mieux avant... » et je rajouterais « ...quoiqu'il
arrive ». Depuis cet album testamentaire, les deux survivants
de ce groupe important n'ont cessé de creuser le sillon de la
répétition à outrance, l'apologie de la lourdeur, de l'efficacité
et enfin du riff sabbathien qui tourne encore et encore jusqu'à
l'hallucination auditive pour peu que l'on se perde dans ses
méandres. Quelques bribes de paroles scandées suffisent comme des
prières et cette atmosphère mystique est bien présente, toujours.
En ce sens, OM reste un groupe atypique, reconnaissable entre mille
et qui se démarque de bon nombre de ses frères de musique souvent
portés par le côté obscur de la force, le trip acide dans tous les
sens du terme, Satan et ses acolytes. OM est au dessus de tout cela,
OM est serein, habité par cette force portée par une unique basse,
lourde, sans concessions, fuzzée ou non. L'essentiel n'est plus là,
l'essentiel est dans l'alchimie, l'élévation, le groove. Si
beaucoup ont regretté le départ de l'ex batteur de Sleep,
Emil Amos est pourtant un maître en la matière. Sûrement plus
« démonstratif » que son prédécesseur, le musicien
manie parfaitement épure rythmique, lourdeur efficace et breaks en
tous genres.
Ainsi ces Advaitic
Songs confirment le virage ou plutôt l'évolution, amorcée en
2009 sur God is good. Après avoir épuré leur son au maximum
durant trois albums, le groupe laisse à nouveau la lumière entrer
en invitant d'autres instruments à évoluer en leur sein. Pas de
guitare comme on pourrait le penser de prime abord dès que l'on
parle d'un groupe de stoner classique. Ici ce sont les cordes, les
pianos et les instruments traditionnels qui ont la part belle.
Cithare, harmonium, tambours et autres percussions viennent enrichir
cet univers quasi religieux. Rassurez vous, rien de pompeux ici, les
arrangements sont sobres, le son donne chair à ces instruments.
Comme sur le précédent album, le petit prodige, musicien « touche
à tout » et chanteur exceptionnel, se contentant de quelques
chœurs discrets et bien sentis ici, Robert Aiki Aubrey Lowe aka
Lichens est de la partie. De stoner, il ne reste finalement que la
section rythmique, toujours implacable, la basse se faisant ronde et
capable de faire vibrer n'importe qui avec trois notes, la batterie
assumant pleinement ce rôle particulier, ce groove au fond du temps,
à la fois lent et dansant (la deuxième partie presque dub de ''Gethsemane'' est par exemple à tomber), s'effaçant
même parfois au profit de percussions traditionnelles sur les
morceaux d'ouverture et de fermeture de l'album. Le chant d'Al
Cisneros se fait, quant à lui, mieux amené dans chaque structure de
chaque morceau mais aussi plus mélodieux que jamais (parfois, on
jurerait entendre Roger Waters, si si!). ''Sinai'' voit
son introduction enrichie par le sample d'un chant musulman,
généralement entonné lors de pèlerinages à la Mecque.
L'introductive ''Addis'' se voit, quant à elle, servie
par une incantation, celle d'une voix de femme, une prière encore.
Au final l'ambiance OM
est toujours là, traînant en longueur, en épure. Tout est mystique,
hypnotique. Ce qui nous était suggéré auparavant est ici
explicité, magnifié par les arrangements et les interventions
diverses. Une évolution des plus logiques donc pour un groupe qui
réussit à se renouveler en se libérant d'un genre pourtant très
codifié sans en renier son essence. Fragile équilibre que celui-ci.
Le propos, pour sa part, transcende. L'élévation de l'esprit n'est
pas qu'une affaire de trips acides et fumettes de rigueur, elle est
aussi une façon de vivre, elle se trouve au plus profond de son
être, de sa spiritualité, au delà des querelles de religion. Ses
cinq longues chansons d'Aïvata prônent ainsi l'unité de l'être,
entre sa spiritualité et son corps. Et cette spiritualité n'a pas
de chapelle, elle se trouve finalement en chacun de nous, sans
distinction de croyance, et l'athée que je suis, aime cette idée,
aime cette musique qui allie mysticisme et efficacité rock car de
toute manière, quelques soient nos croyances, quelque soit notre
rapport au monde, cet album est une invitation au voyage, à
l'échappé belle et même au headbanding.
Gagoun
Advaitic Songs en
trois mots : mystique, transcendantal, efficace
Un aperçu alléchant par ici: http://soundcloud.com/biz-3-publicity/om-state-of-non-return
Un aperçu alléchant par ici: http://soundcloud.com/biz-3-publicity/om-state-of-non-return
Si vous aimez cet
album, vous aimerez peut-être :
- Pilgrimage, OM,
Southern Lord Records, 2007 : L'autre facette d'OM, plus épurée,
plus électrique, plus monolithique et magnifiée par la production
d'un Steve Albini en grande forme. Vous aurez aussi la chance de
faire connaissance avec la fluidité du groove de Chris Hakius, maître en stoner.
- Sleep's Holy Mountain, SLEEP, Earache Records, 1992 : Deuxième album de Sleep, il installe les codes d'un genre qui allait faire des émules après la séparation d'un groupe finalement méconnu et mésestime durant son activité. Son crade, guitares et basses énormissimes, batterie parpaing, compos au ralenti, un Al Cisneros déchainé et un Matt Pike alternant les riffs à la Black Sabbath et les solos furieux, un must du genre. Un must qui annonce le monument que sera Dopesmoker.
- Dopethrone, ELECTRIC WIZARD, Rise Above Records, 2000 : Dans l'univers du stoner, Dopethrone est un peu l'anti-Advaitic Songs. C'est une peu la face sombre du stoner. Jus Osborn et ses comparses livrent ici une des œuvres les plus intenses du genre. Noires, violentes, lourdes, sabbathiennes et terriblement psychédéliques, ces longues plaintes sataniques reviennent à l'essence d'un rock primitif et vous assomment à tel point qu'il fut, pendant une période, le seul album du genre avec Dopesmoker (on y revient décidément) à pouvoir m'endormir aisément les soirs un peu moroses, au fond de mon lit.
- Naam, NAAM, Tee Pee Records, 2009 : Voici là une bien bonne surprise à l'époque que ce premier album éponyme du trio de Brooklyn. L'ambiance générale qui se dégage de cette œuvre est proche de l'atmosphère mystique d'OM (certaines lignes de basses aussi!). L'ouverture de l'album, ''Kingdom'' est un morceau fleuve de 16 minutes absolument passionnant et annonçant la couleur de ce qui va suivre. Tout y passe : stoner fuzzé et efficace, grunge/rock pêchu, chant parfois monocorde, parfois plus enlevé et noyé par des tonnes de réverbe, accalmies quasi religieuses baignées de cithare et autres effets psychédéliques, percussions tribales et j'en passe. Passée la première impression d'être assailli de toute part par une musique puissante et qui s'en va dans tous les sens, la cohérence et l'addiction vous apparaîtra pour ne plus vous lâcher.
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