jeudi 5 décembre 2013

Oiseaux-Tempête, OISEAUX-TEMPETE, Sub Rosa, Novembre 2013 (Par Gagoun)



       Alors là, pour le coup, en voilà un vrai coup de cœur! Entier, total, sans concessions. Oiseaux-Tempête, c'est en quelque sorte du post-rock, du free rock, de l'ambient, une œuvre éminemment actuelle et politique mais surtout un long voyage comme on en fait plus, avec ses péripéties, ses accalmies, ses rencontres et ses intempéries. Au départ de l'aventure il y a Frédéric D. Oberland, l'homme multipliant les projets de grande qualité comme Le Réveil des Tropiques ou encore Farewell Poetry, collectif sonore et visuel prouvant à lui tout seul qu'on peut être français, faire du post-rock dans les années 2010 et avoir encore des émotions nouvelles à faire passer. C'est simple, le groupe est une des meilleures choses qu'il m'ait été donné d'entendre dans le genre, toute époque confondue. Et de la même manière cet éponyme d'Oiseaux-Tempête, je le place bien volontier entre un Dirty Three et un Godspeed dans ma discothèque. Enfin là je m’égare, point trop de name-dropping tout de même. Car si les influences sont clairement là, le groupe possède avant tout son propre son, sa propre identité. Il y a cette basse entêtante menée par Stéphane Pigneul et qui ne dépareillerait pas dans un groupe de rock psyché, voire krautrock par moments. Il y a aussi le jeu de batterie de l'excellent Ben Mac Connell, tout en nuance, en harmonie avec les envolées du groupe, les moments de tension ou en retenue dans de magnifiques instants d'errance musicale. Et puis il y a ces guitares et ces claviers discrets, emprunts d'un lyrisme à fleur de peau et ces field recordings en toile de fond qui ancrent la musique dans la vie, sur une terre.

       Avec cet album monstre, on se ballade donc à travers la vieille Europe en crise, une Europe majestueuse par son passé comme l’aîné à qui l'on doit un respect presque naturel, une Europe sur le déclin aussi, malade et incapable de se réinventer, enfermant ainsi tous ses habitants dans un cercle sans fin, sans espoir et sans avenir. Chacun d'entre nous pourra s'identifier à cet album, à sa manière, en construisant son propre voyage, sa propre expérience. Cette œuvre possède un pouvoir d'évocation impressionnant en laissant libre cours à l'imagination de son aventurier.

       Avec le thème d'ouverture, on entre dans le vif du sujet : batterie et basse répétitives, guitares hurlantes. Le cadre est posé. S'en suit un moment de grâce, une variation du thème sur quelques accords et notes jouées au violon et à la guitare qui imposent une dimension mélancolique qui ne quittera plus le décor. D'entrée on est happé. La suite alternera à merveille ces moments de quiétude et ces tempêtes sonores. Dans les passages ambient, on retrouve une volonté d'expérimentation à travers laquelle les mélodies sont effleurées, elles se précisent pour mieux nous échapper ensuite (''Sophia's Shadow'', ''Silencer''). Ces esquisses ornent ainsi des dialogues et autres sons enregistrés par Stéphane C., vidéaste et documentariste faisant partie intégrante du groupe (présageant par ailleurs des performances visuelles alléchantes en live), à travers l'Europe et plus particulièrement la Grèce. Les passages plus pêchus font également merveille grâce au groove impeccable de Stéphane Pigneul et à l'inventivité rythmique de Ben Mac Connell (''Buy gold (Beat song)'', ''Kyrie Elison''). Au milieu de tout ça, une guitare, une basse et une batterie viennent accompagner le temps qui passe inexorablement à travers des thèmes lancinants et arides à la beauté incomparable (''La traversée'', ''Nuage noir''). L'équilibre entre l'improvisation née des séances d'enregistrement et les parties écrites et autres collages est parfait, invoque le meilleur de chaque manière d'écrire : la fragilité, l'inattendue et le sentiment d’interaction accru entre des musiciens qui s'écoutent pour mieux évoluer ensemble d'une part, la capacité à surprendre, à secouer l'auditeur, à créer des arrangements d'autre part. Autrement dit on ne s'ennuie pas une seule seconde à l'écoute de ces moments de vie. Et puis il y a ce point d'orgue, ce final apocalyptique que représente « Ouroboros » qui, après une première partie calme, presque éreintée, s'envole dans un dernier souffle vers une pluie électrique à l'intensité prenante, comme si l'album entier avait préparé ce moment précis. Après une légère accalmie, l'achèvement viendra, en deuxième lame de ''Call John Carcone'', sa noise et sa batterie survoltée. Nous venons d'assister à la fin de notre ère. Ne reste plus que le silence et une nouvelle société à construire, ailleurs...

       Au final Oiseaux-Tempête porte bien son nom. C'est là le premier album de ce projet franco-américain et c'est un coup de maître. Il est la bande son idéale de notre monde : sombre, mélancolique, violent, beau, morcelé, incertain. Et si jamais la fin de notre ère est réellement proche, souhaitons juste qu'elle soit à l'image de ce chef d’œuvre.

Gagoun

Oiseaux-Tempête en trois mots: Post-rock, mélancolique, free



Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • The Freemartin Calf (an original soundtrack), JAYNE AMARA ROSS, FREDERIC D. OBERLAND, GASPARD CLAUS, Gizeh Records, 2013 : Outre Farewell Poetry dont j'ai déjà évoqué plusieurs fois la qualité dans ces pages, ses membres multiplient les projets. Ici on retrouve donc la réalisatrice et poétesse Jayne Amara Ross dans un projet qui lui est très personnel puisqu'elle a confectionné le film expérimental de 40 minutes qui accompagne la bande son. Ou plutôt est-ce l'inverse... Car les projets de cette superbe scène parisienne sont autant visuels, cinématographiques que sonores, musicaux. Aussi ce sont ces mots qui font la trame de l’œuvre sur une musique de Frédéric D. Oberland accompagnée par le violon de Gaspar Claus. A mi chemin entre l'ambient, la musique néo classique et la musique expérimentale, cette œuvre respire la beauté et la fragilité, à l'image du pendant le plus calme de ce que nous propose Oiseaux-Tempête par ailleurs.


  • Le Réveil des Tropiques, LE RÉVEIL DES TROPIQUES, Music Fear Satan, 2012 : Toujours des membres du collectif, on retrouve là Frederic D. Oberland mais aussi Stéphane Pigneul ou encore Stéphane C. pour l'artwork. Ici point de mélancolie ou de « post quoique ce soit », il s'agit juste de bon vieux rock : psychédélique et à tendance kraut s'il vous plaît. Si ce groupe diffère d'Oiseaux-Tempête, on peut déceler malgré tout une même envie d'invitation au voyage et surtout une même volonté d'expérimenter et d'improviser ensemble. Une autre facette du collectif à découvrir d'urgence.

mercredi 4 décembre 2013

Moondog Mask, HOBOCOMBO, Trovarobato, Novembre 2013 (Par Riton)



       "En fin de compte, il s'agit de ramener la musique (ou l'art?) à son premier sens : construire des relations, imaginer de nouveaux mondes, créer quelque chose qui n'est pas ici", c'est ce que suggère en premier lieu le teaser de Moondog Mask, sur fond de "Desert Boogaloo", l'une des cinq compositions de ce nouvel album de onze morceaux... Parce qu'une fois n'est pas coutume et en bon groupe "dédicacé à et inspiré par", la musique de Louis Thomas Hardin se trouve extrêmement présente dans celles des italiens. Une musique qui respire le Moondog à plein nez, où les réinterprétations de titres de l'artiste en disent long sur la passion et le talent avec lesquels elles sont exécutées! Sauf que visiblement l'amour d'Hobocombo (probablement une référence au morceau "Be a Hobo"... non rien à voir avec Charlie Winston...) porté à son mentor ne se mesure plus en reprises, bien plus nombreuses sur Now that it's the opposite, it's twice upon a time qu'ici, mais dans cette fameuse volonté "d'aller plus loin à partir de" et de balayer du revers l'appellation de simple tribute band.

       Ainsi le trio formé par Andrea Belfi (batteur de talent du trio de rock instrumental Rosolina Mar, vu aux cotés de Mike Watt et David Grubbs et cette année avec Aidan Baker et Erik Skodvin au sein de B/B/S), Rocco Marchi (de Mariposa, aussi chez Trovarobato), et Francesca Baccolini, a fait le pari de vêtir le costume du maître avec une nouvelle paire de baskets, appareillé le rock vicieux de la scène italienne (et le folklore de son pays en transparence, par l'utilisation de fields de Roberto Leydi), une patte jazzy élégante et les voyages esthétiques de l'artiste new-yorkais au look viking. Hobocombo foule la sixième avenue, de laquelle Moondog voyageait inlassablement au rythme d'instruments qu'il fabriquait lui-même, d'une science de la composition d'avant-garde, jazz, classique et d'influences amérindiennes.

       Les reprises sont personnelles, les compositions du Moondog... il s'agit autant de se fondre que d'actualiser... Comme lorsqu'ils font de "Theme & Variations" (sur l'album Moondog and his Friends, de 1953) une introduction méconnaissable mais qui ne perd rien de son intensité ou reprennent le thème de ''To a Sea Horse'' pour en faire une version électrique totalement prenante et survoltée, où les siffles tiennent place de chant, la contrebasse et la guitare substituent le piano d'origine. Quand à "Utsu", originellement ancré dans la ville (sur On The Streets Of New York en 1953), il se transforme en exploration sylvestre, mystique au groove enveloppant poursuit par les oscillations folles du Korg MS-10. Seuls les canons (''Canon #6 (vivace)'' et ''Canon #18 (adiagetto)'' ) semblent inchangés mais entièrement à leur place... parfaites interludes vers une americana revisitée, exotique pour Baltic Dance, aérienne pour Response, détonante pour Five Reasons, en conclusion rêvée.

       Une réécriture ultra libre et libérée, audacieuse, qui transcende le propos, qui prouve que si certains ne portent le masque qu'en de grandes occasions, les Hobocombo portent celui-ci en permanence. Nul doute que si le prochain album est entièrement fait de compositions, il ne sera que plus parfait... il ne sera que plus Moondog...

       Par contre, s'il existe un scandale à propos de ce groupe, c'est d'apprendre au moment d'écrire ceci, que j'aurais pu les voir le mois-dernier... constat que le plus magnétique des sons, qui constitue mine de rien le troisième groupe italien chroniqué sur le blog (après Blue Willa, rencontré le mois dernier dans un bar lillois pour un excellent concert devant... deux personnes), ne fera jamais le poids face à une mauvaise stratégie de communication!

Riton

Moondog Mask en trois mots : Exotique, élégant, magnétique


Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Now that It's the Opposite, It's Twice Upon a Time, HOBOCOMBO, Trovarobato, 2011 : Le jour ou tout a basculé! Hobocombo synthétisait en quelques reprises son attachement à Moondog... que des reprises mais un avant-gout remarquable et extrêmement stimulant à ce que Moondog Mask exprime aujourd'hui.


  • Elpmas, MOONDOG, Kopf, 1992 : Il serait dommage de ne pas parler d'un album de Louis Thomas Hardin... bien que depuis longtemps installé en Europe, il retourne en 1992 traîner ses instruments en Amérique du Sud (du moins virtuellement), pour un album des plus doux et exotiques, évoquant la foret amazonienne et une conscience politique, écologique, en guerre contre les travers du progrès.

mardi 19 novembre 2013

Stars are our Home, BLACK HEARTED BROTHER, Slumberland Records, Octobre 2013 (Par Gagoun)



       Pas mal ce p'tit groupe... En voilà un qui passera certainement inaperçu au milieu de ce foisonnant et passionnant mois d'octobre. Et pourtant derrière ce Black hearthed brother se cachent Neil Halstead et Rachel Goswell, soit deux membres incontournables des cultissimes Slowdive, Mark Van Hoen des warpiens Seefeel et le moins connu Nick Holton.

       Pas étonnant dès lors de retrouver au sein de ce premier album une myriade d'éléments éparses, parfois déroutants mais qui font sens une fois l'album digéré. Au programme, du shoegaze bien sûr, de la pop indie, de la dream pop et de l'électro. Alors il est vrai qu'ici tout n'est pas toujours parfait, l'électro n'est pas toujours d'un goût merveilleux, l'hymne fédérateur qu'est ''UFO'' débarque un peu comme un cheveu sur la soupe mais il y a aussi de petites perles qui restent en tête, surtout en début d'album (''This is how it feel'', ''Got your love'') et puis quelques morceaux plus pêchus (''My Baby just sailed away'') qui envoient du gros son. Si cet album ne révolutionnera pas le genre, il s’avérera être tout de même, et finalement à ma grande surprise, un bon compagnon du quotidien, du genre fidèle sans en avoir l'air.

       Alors oui, pour une fois, la semi réussite nuancée aura eu raison du coup de cœur béat d'admiration au sein de ce blog. Mais il est bon aussi parfois de critiquer... Comme ça... Gratuitement... Il est surtout bon, nécessaire même, d'évoquer l'actualité des grands de ce monde et Neil Halstead en fait clairement partie. L'âge d'or est passé mais le bonhomme se rappelle à notre bon souvenir, celui des années 90 (''(I Don't Mean To) Wonder''), pour le meilleur et pour le pire. Lui, au moins, ne fait pas semblant. Cet album, au moins, n'a pas la prétention d'être ce qu'il n'est pas, à savoir génial. Autrement dit Black hearthed brother n'est pas Arcade fire et c'est tant mieux!  

       Gagoun

Stars are our home en trois mots : nostalgique, dreamy, inégal

En écoute intégrale par ici: http://www.deezer.com/album/6961807

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Palindrome HunchesNEIL HALSTEAD, Brushfire Records, 2012: Une carrière solo très discrète pour l'ancien Slowdive mais mimi tout plein. Exit les couches de guitares sursaturées remplissant l'espace et étouffant la pop. Fini les expérimentations noisy. Pas non plus d'électro à l'horizon. Les mélodies éclatent ici par leur simplicité. Neil Halstead propose une folk très classique dans sa forme et d'une naïveté absolument touchante dans son interprétation. Très bel album!

  • Dept. Of Disappearance, JASON LYTLE, Anti-Records, 2012 : Dans la catégorie pop/folk avec un zest d'électro, la palme revient à Jason Lytle. Un des meilleurs albums du genre de ces deux dernières années. C'est très simple ici, l'ex Granddaddy reprend les mêmes recettes qu'avec son défunt groupe et nous pond une petite merveille. Toujours cette voix à fleur de peau, ces mélodies mélancoliques voires graves mais toujours légères, presque enfantines. Un must!

The Window Wants the Bedroom, BIOSEXUAL, Debacle Records / Two Shadows, MIGRATIONS IN RUST, Octobre 2013 (Par Riton)




       Parlons encore d'artistes protéiformes, aux étiquettes de facto aussi longues que celles des manteaux d'hiver où les consignes de lavages figurent traduites en 36 langues, au name-dropping impossible, ceux-là même qui comme Cock & Swan (cf le mois dernier) donnent du fil à retordre à la critique. Il y a parmi ceux-là, des qui au delà des genres, par pur liberté, justifient à eux seuls l’appellation indé. Octobre nous en a offert deux parfaits exemples.

       D'un côté on a Zac Nelson, figure imposante de l'expérimental foutraque et immersif, tour à tour math-rockeur, "ambientiste", psychédélique... en groupe avec Robby Moncrief (Who's Your Favorite Son, God?), avec Zach Hill (Chll Pll) avec Kenseth Thibideau (Prints) ou en solo sous le nom d'Hexlove ou tout simplement Zac Nelson... capable au final à chaque sortie, et peu importe le style, de capter chez nous le même point hypnotique, que l'album du nom (The Same Hypnotic Point et ses répétitions chamaniques de percussions et d'ambient aérien) illustrait déjà en 2011 sur Debacle avec talent. Aujourd'hui il semble avoir définitivement fait du label une de ses adresses favorites, et agrandi la table pour partager le pain avec ses amis Michael RJ Saalman et Jocelyn Noir. Avec Biosexual (encore un nom à ne pas taper avec des moufles... encore que bien orthographié la magie d'internet et la forme de certains légumes suffirait à nous surprendre) l'atmosphère semble un peu plus policée, les ardeurs canalisées... en fait la pop d'avant-garde gorgée d'electronique qu'il en ressort est bien moins inoffensive et disciplinée qu'elle en a l'air. Des machines maîtrisées aux influences orientales ("Naked and Feeling It" et son r'n'b asiatisant, "Fun Boy", "It's Me" et ses samples de gong) et industrielles ("Silent Cuts", "Shine My Noon") découlent des harmonies complexes et des placements rythmiques improbables, qui font de The Window Wants the Bedroom un album sensuel, sexy, qui réveille chez nous le sourire ultra-bright, tandis qu'on devine sur le visage des musiciens le rictus pervers de celui qui rend accroc son public au premier shoot...

       De l'autre on a Jesse Allen, qui multiplie les projets comme Nabilla les apparitions au zapping : membre de Cathode Terror Secretion et de Cowards (auteur de l'excellentissime Forgotten Resonance) et en solo avec Hollow Seed ou encore Goldeater... fontaine à noise... autant de dégâts auditifs que la fameuse guerre mondiale de 78. Au milieu de tout ça Migrations in Rust se trouve être relativement plus doux. Les précieux bruits blancs laissés au coffre (ou presque) sont remplacés par de belles plages ambient spatiales, sur lesquelles vient se poser, dans Two Shadows, un groove nébuleux et lointain fait de pianos et d'envolées mélodiques frissonnantes, d'un r'n'b sous-régime croisé au doom (les poignants ''Two Shadows Cast'', ''Cradled Under Fern'', ''Behind My Skin''). Les trente courtes minutes semblent s’étendre à chaque écoute... et par instant nous échapper...immergés...

       N'allez pas voir dans ces deux albums une forme de repentance... plutôt deux pans de bruitisme décomplexé... et deux flairs imparables pour Debacle et NNA Tapes, suffisamment habitués des compositions radicales et des expérimentations scabreuses pour avoir l'audace de sortir d'aussi beaux albums.

Riton

The Window Wants the Bedroom en trois mots : sexy, souriant, addictif

Two Shadows en trois mots : poignant, spatial, immersif

Écouter l'album de Biosexual sur bandcamp : http://debaclerecords.bandcamp.com/album/the-window-wants-the-bedroom

Écouter un petit extrait de l'album de Migrations in Rust : https://soundcloud.com/nnatapes/nna065-a2/s-1SVA5

Si vous aimez ces albums vous aimerez peut-être :

  • Ripe HymnsMICHAEL RJ SAALMAN, Crash Symbols, 2013 : Si vous vous demandez d'où viennent ces affinités electro chez Biosexual, pas besoin d'aller plus loin, Michael RJ Saalman en est grandement responsable (en plus de Jocelyn Noir et de son projet Alak). Il sortait qui plus est un album solo le même mois, dans lequel on reconnaît bien leu son particulier de The Window Wants the Bedroom. En plus de ça Ripe Hymns est un album réellement charmant d'electronica foutraque et bien torché.

  •  The Veiled JewelMIGRATIONS IN RUST, Razors and Medicine, 2010 : Un disque de transition en quelque sorte... où les bruits blancs se permettent encore quelques sursauts, le groove ne se montre pas encore... mais la sensibilité du projet bien présente en fait indéniablement un très beau disque d'ambient contemplatif.

jeudi 10 octobre 2013

Secret Angles, COCK & SWAN, Hush Hush Records, Septembre 2013 (Par Riton)



       Si comme pour le précédent album (le merveilleux Stash, sorti l'an dernier) le coup de foudre a été immédiat, l'exercice de la chronique, lui, s'est tout de suite montré plus réticent. Non pas que le disque se passe de commentaires... il ne cesse en fait de nous enfoncer dans le flou plus que ce que le groupe a déjà pu le faire jusqu'à maintenant (au moins autant que cette phrase, c'est dire...). Pas seulement à cause de la pochette (admirez la cohérence, entre ce mois-ci et le mois dernier!), qui ne fait que nous donner un aperçu de l'atmosphère dans laquelle on se plongera, (et pas non plus à cause du nom du groupe, qui, précisons le pour ceux que le doute habite, n'a rien de salace... contrairement à ce qu'une vague faute de frappe sur google aurait pu faire penser...) mais pour bien d'autres raisons.

       D'une part parce qu'il est bien vain d'essayer de les étiqueter... du moins d'arriver à rendre justice en un terme aux superpositions minutieuses de styles qui font la richesse de leur musique depuis les débuts (l'EP Marshmallow Sunset en 2007 et l'album Unrecognize en 2010, sur le Dandelion Gold maison). On croise en permanence la dream pop, l'ambient folk lo-fi, l'electronica cuivrée, le trip-hop... le tout sublimé sur Stash par la présence de William Ryan Fritch (de Vieo Abiungo et du Skyrider Band) et ses accents acoustiques tribaux. Ainsi le jeu du name-dropping et des influences s'avère également peu aisé (puis il faudra bien justifier la relative pauvreté de mon après-chronique...).

       D'autre part parce qu'écouter le duo, c'est prendre le risque de l'aventure. Jamais dans le lisse, toujours dans l'inédit... Alors on vit chaque album comme le premier, le coq et le cygne éloignant les corbeaux, foulant ici fièrement les terres du contraste. Ola Hungerford et Johnny Goss égrainent chaque pan de leur musique à la chaleur d'instruments affublés malgré eux d'une chape de plomb morose et synthétique. La basse ronde et voluptueuse (une bonne Precision fait plus de miracles que les chemins de Compostelle) subit les assauts répétitifs d'un spleen latent capricieux.

       Décor planté vite immergé par les échanges complices et copieux des musiciens... La basse, toujours, caresse la batterie dans le sens de la plume, jusque dans ses emballements syncopés, ses patterns jazzy au groove redoutable partagés entre rigueur métronomique et folies passagères. Pendant ce temps la voix cristalline émane de loin, comme noyée dans le brouillard épais des quelques boucles et nappes de clavier analogique... sur lesquelles les clarinettes viennent surligner le caractère sombre et étourdissant. L'hypnose se prolonge dans les relents de mélodies ethniques, indélébiles (la sitar électrique de Nicolas Gonzalez sur ''Red Touch'' et ''Inner Portal'', ou l'instrumental dub de ''Night Rising''), comme si la dimension chamanique de Stash les avait envoyés là où ils souhaitaient aller... toujours plus haut! Une manière bien à eux d'aider un coq et un cygne qui ensemble peineraient normalement à décoller.

       C'était donc ça leurs angles secrets?! Ça valait le coup de se creuser les méninges sur ces drôles d'oiseaux! Et finalement la seule chose à rester flou, c'est notre cerveau choqué entre deux oreilles amoureuses.

Riton

Secret Angles en trois mots : hypnotique, voluptueux, bouleversant

Écouter l'album en intégralité (il est aussi possible, pour encore quelques temps, de le télécharger à prix libre) : http://hushhushrecords.bandcamp.com/album/secret-angles

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Marshmallow SunsetCOCK & SWAN, Dandelion Gold, 2007 : Si ces débuts s'avèrent nettement plus lo-fi, ce premier EP possède déjà ce petit truc attachant que l'on retrouve partout dans leur courte discographie (en 10 ans d'existence, ce n'est peut-être pas quantitatif, mais extrêmement qualitatif) et cette recette musicale bercée entre acoustique et électronique.

  • StashCOCK & SWAN, Lost Tribe Sound, 2012 : William Ryan Fritch accueille le groupe sur son propre label pour une série d'anciens et de nouveaux morceaux, sur lesquels viennent se mêler tout un tas d'instruments acoustiques : la batterie d'Adam Kozie du groupe Pollens mais aussi le violoncelle, le vibraphone, les flûtes, le saxophone et le marimba de l’hôte. La musique de Cock & Swan prend ici une toute autre dimension... et c'est réellement brillant!! Un des ''Must listen'' de 2012.

From Tomorrow, THE OSCILLATION, Hands in the Dark, Septembre 2013 (Par Gagoun)



       La rentrée et son lot de bonnes surprises... Pendant que les pauvres petits écoliers retrouvent les livres et les bancs de l'école, les amateurs de musique que nous sommes déballent leurs cadeaux de noël en avance : les nombreuses sorties qui ont patiemment attendu l'été que les enfants et les grands enfants aient finis de partir s'amuser loin de leur disquaire favori, leur webzine préféré, leur chaine hi fi, leur radio cassette (si! si!) leur platine vinyle, leur gramophone (pour les très très grands enfants !), débarquent en masse dans la musicosphère. Alors ce mois ci il y avait du choix, vraiment. Le monstre immersif que représente le dark jazz de Dale Cooper Quartet and The Dictaphones, les réminiscences 90's de Monsieur Justin Broadrick et son projet Jesu... J'en passe, beaucoup même...

       Car le sujet de cette chronique est tout ailleurs. Il est à chercher du côté du décidément excellent label français Hands in The Dark Records, déjà responsable de bon nombre de tueries cette année dont vous pourrez trouver quelques exemples dans ces pages. Je pense à Mayerling parmi d'autres. Ici il est question de basse, d'une bonne grosse basse vrombissante dont les lignes hypnotiques restent dans la tête des heures durant. Ici il est question d'une batterie métronomique, répétitive mais incroyablement humaine et chaleureuse, avec ses aspérités et son groove implacable. Ici il est question de psychédélisme, de murs de sons, de guitares distordues, de claviers aux motifs simples et entêtants. Ici on est chez l'anglais Demian Castellanos et son projet The Oscillation dont voici le troisième album. Vous l'aurez compris, on parle un peu de krautrock, un peu de rock garage et de beaucoup de rock psychédélique, celui de Syd Barrett et consorts.

       From Tomorrow est donc une belle surprise, de celles qui savent faire du neuf avec du vieux, autrement dit à créer un son nouveau à partir d'influences assumées et digérées. Mieux, The Oscillation se démarque clairement de cette mode du rock psychédélique à tendance krautrock et ''fuzz qui tue'' par un vrai talent de composition, un feeling hors du commun et une capacité à créer mais aussi se diversifier au sein d'une même entité cohérente. Pas de linéarité ici. Alors oui le groupe fait bien partie de la même scène que Wooden Shjips, Moon Duo et autres White Hills mais il ne représente finalement que lui même.

       La première partie, du dyptique ''Corridor'' à ''The Descent'', est presque entièrement instrumentale. Passé l'introduction chantée, espèce de blues trip qui pose les bases du genre, l'hypnose s'insinue dans notre cerveau, emmenée par la basse répétitive, les quelques notes de clavier, les vagues de drones et toujours cette batterie ample et entêtante. Dub? Qui a dit dub? Vient ensuite ''No place to go'', sorte de claque qui vient nous réveiller de cette léthargie dans laquelle le groupe avait pourtant pris un malin plaisir à nous installer. Le tempo s'accélère, le riff de guitare appuie sur notre tête engourdie, ça envoie du lourd, dans une énergie presque punk mais on est toujours en plein trip. Homogène, je vous dis. Le reste c'est un peu ''les montagnes russes de l'émotion''. Moins linéaire, la deuxième partie est tout aussi passionnante grâce à des morceaux comme ''All you want to be'', peut-être le meilleur moment de l'album, qui donne envie de se taper la tête contre le mur d'en face, mais avec bonheur bien sûr. La fin de l'album nous propose même quelques accalmies : ''Dreams burn down'' est une chanson lente et dénuée de percussions, comme si Radiohead avait pris le chemin vaporeux de la dream pop après Ok Computer plutôt que celui de l'électro. Impensable dans n'importe quel autre groupe du genre mais pourtant tellement évident à l'écoute. Enfin tout grand disque se doit d'avoir un grand morceau en guise de clôture. The Oscillation ne déroge pas à la règle, ''Out of touch'' est une superbe ballade, pleine de psychédélisme et un peu bancale, comme on les aime. Cette fois-ci c'est le clavier qui prend la belle part avec sa mélodie fantomatique mais toujours hypnotisante. Le morceau final se veut tout en retenue et vient éteindre doucement, comme dans un rêve, un voyage riche, tortueux mais naturel entamé il y a trente cinq minutes en temps terrestre, bien plus en temps ''The Oscillation''.

       Finalement le groupe de Demian Castellanos nous propose là son œuvre la plus construite, la plus concise aussi. L'équilibre est parfait entre longs jams entêtants et musique écrite, compositions chantées, entre transe hallucinatoire répétitive et exutoire primaire propre au rock. Ainsi se termine cette chronique mais pas forcément le voyage... Avis aux amateurs ! Un long road trip aux sonorités psychédéliques vous attend... Place au podcast ! Parce que la musique vaut souvent mieux qu'un long discours...

Gagoun

From tomorrow en trois mots : entêtant, psychédélique, rock'n roll

En écoute intégrale par ici: http://theoscillation.bandcamp.com/releases

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Veils, THE OSCILLATION, All time low productions, 2011 : Deuxième album absolument impressionnant du groupe anglais. Si From tomorrow marque par sa maîtrise et le son qu'il arrive à créer comme une entité nouvelle, Veils est, au contraire, une œuvre dont les influences sont plus explicites mais dont le contenu est aussi totalement débridé, hors format. Certainement moins facile d'accès que son successeur, il peut s'avérer tout aussi jouissif une fois que l'on s'est donné la peine d'y jeter une oreille.

  • Chaudelande volume 2, GNOD, Tamed Records, 2012: Encore un album fleuve, celui-ci est complètement jusqu'au-boutiste dans sa volonté d'hypnotiser, pour ne pas dire d'assommer l'auditeur par la répétition. En seulement trois morceaux allant de dix à quinze minutes chacun, le groupe anglais propose ici, comme c'est le cas dans toute leur longue discographie d'ailleurs, une ode à la noirceur en musique. C'est crade, lo-fi, dronesque, cosmique et trippant, un vrai bon défouloir! Bon allez cette fois-ci j'arrête vraiment de causer, place à la musique!

dimanche 1 septembre 2013

To The Happy Few, MEDICINE, Captured Tracks, Août 2013 (Par Gagoun)



       Les zicos qui regardent leurs pompes en jouant se portent bien cette année. On a des héritiers, des gars qui réinventent le genre comme True Widow ou Disappears. Et puis on a les papas, les revenants, ceux que l'on croyait mort avec la décennie 90 et qui réapparaissent dans notre quotidien musical sans crier gare. On passera sur le retour de My Bloody Valentine, non pas qu'il soit inintéressant mais tout a déjà été dit et écrit partout (sauf ici, enfin jusqu'à maintenant...) et vous avez, et c'est un euphémisme, suffisamment de matière pour vous faire votre propre idée sur ce nouvel objet de toutes les médiatisations indé et de toutes les passions. On se penchera plutôt sur un petit frère plus discret (pas difficile), un vilain petit canard pourtant infiniment talentueux, créatif et touchant. Après MBV, c'est donc Medicine, l'un des tous meilleurs groupes shoegaze nineties, qui revient après 18 ans d'absence nous proposer ce To The Happy Few étonnant d'inventivité, là où n'importe quel autre groupe culte se serait contenté d'appliquer une recette qui a déjà fait ses preuves, histoire d'assurer le coup pour un retour attendu et épié par tous les amateurs. Suivez mon regard virtuel... Qu'ont fait tous les membres de ces groupes ayant fait vœu de silence des années durant avant de revenir en musique? Sont-ils partis vivre tous ensemble sur une île déserte ou dans une (grande) cabane au fond de la forêt amazonienne? Se sont-ils cryogénisés dans une capsule à l'abri du monde, du temps (et des fans)? Leur horloge vitale se serait-elle arrêtée soudainement, les laissant là immobiles, bras ballants pendant que la vie vit sa vie? Mystère... En tout cas ils sont nombreux, ces groupes à reprendre les choses là où ils les avaient laissées à l'époque de leur gloire, comme si rien ne s'était passé entre temps, comme si ils ne s'étaient pas nourris de leurs expériences de vie, d'écoutes, ressassant le passé, le « c'était mieux avant ». Pour le meilleur et pour le pire : il peut être bon parfois de se lover dans une ambiance, une période, un souvenir. On appelle ça le revival et il est bien légitime, parfois même excitant, de voir ces mythes redevenir réalité et se réapproprier leur époque. On a, je pense, tous des exemples en tête et ce dans tous les styles de musique.

       Alors quand l'un de ces grand groupes idolâtrés réapparaît pour nous proposer quelque chose de nouveau, inscrit dans le temps présent tout en gardant les ingrédients du passé qui en ont fait l'identité, je ne vous explique pas les dégâts ! Bienvenue en 2013 Medicine! Les chants harmonisés, éthérés, bien en retrait dans le mix sont toujours là, les murs de guitares fuzzés aussi mais à petites doses. Car c'est bien là la nouveauté apportée par ce nouvel album. Si le shoegaze est avant tout un genre dérivé de la pop, une pop malade, noyée sous les couches de bruit, ici c'est la mélodie qui reprend le dessus. Comme sur les deux premiers albums, le son est crade, presque lo fi mais les claviers et la guitare claire prennent une place plus importante que par le passé. Une œuvre moins agressive donc avec également une basse, mélodique et groovy à souhait comme unique repère quand les structures éclatent, quand la rythmique devient folle... Encore un nouvel aspect de la musique des américains : là où Medicine aimait, auparavant, prendre son temps pour installer un tempo, une ambiance allant jusqu'à étirer ces derniers sur de longues minutes provocant l'hypnose à coup sûr, le groupe prend désormais un malin plaisir à désorienter l'auditeur par ces changements de rythmes au premier abord difficiles et ces structures de chansons complexes, presque à l'image d'un groupe de math rock. Logique à une époque où les frontières sont troubles, les repères inexistants, les gens paumés, les valeurs craquelées, morcelées.

       Alors oui Medicine est bien un groupe de 2013. Il ne renie pas pour autant son passé, sait appuyer certains passages, certaines textures dream pop et noisy, ne sacrifie jamais la mélodie au détriment de l'expérimentation. D'ailleurs les harmonies vocales de Brad Laner et Beth Thompson sont magnifiques, le talent de composition du groupe éclate littéralement sur cet album et prouve que Medicine est avant tout un grand groupe de pop. Qui a dit que les shoegazers étaient de piètres musiciens cachant leur manque d'inventivité derrière des murs de sons faciles et sans saveurs? Un bon coup de pompe au cul ouais!

Gagoun

To The Happy Few en trois mots : rêveur, déroutant, pop

En écoute intégrale par ici: http://www.deezer.com/fr/album/6716445


Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Her Highness, Medicine, American recordings, 1995 : Cet album est un must, il est totalement représentatif de l'époque shoegaze longuement évoqué ci-dessus. Le groupe est au top, les guitares sonnent de manière impressionnante et l'ambiance y est magnifiquement hypnotique. Parfait pour les nostalgiques 90's!

  • Circumbulation, TRUE WIDOW, Relapse, 2013 : On a failli vous en parler le mois dernier, voici une occasion de nous rattraper! Encore une pépite pour le groupe américain... Du shoegaze oui mais du côté obscur de la force. Si les textures et autres voix éthérées sont bien présentes, elles sont cette fois mises au service d'un stoner doom répétitif et ensorcelant. En tout cas cet album est une beauté noire et épurée à côté de laquelle vous ne pouvez pas passer. Un des très grands crus de cette année 2013.

Deep Trip, DESTRUCTION UNIT, Sacred Bones Records, Août 2013 (Par Riton)



       C'est indéniable, Sacred Bones excelle dans le jeu du chat et de la souris avec nos sens. Depuis 2007, son catalogue partagé entre voyages mystiques, crasse urbaine et occultisme latent, est constamment agrémenté de nouveaux bijoux... des petits bijoux qui se révèlent être de parfaites armes sonores contondantes qui ne se contentent pas d'élimer nos tympans mais aussi de malmener les esprits. C'est triste à dire mais j'ai bien peur que les amateurs du label ne fassent pas de vieux os... de toute façon c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleurs sourds!

       Le petit dernier, Deep Trip, en rajoute une couche (il faudra d'ailleurs en changer souvent au cours de l'écoute) en mode unité de destruction massive, ravageur au point qu'il serait purement indécis pour les frangins Ryan et Rusty Rousseau d'essayer de se dédouaner de toutes responsabilités. Introduction toute en larsens, guitares vrombissantes suivis des blast beats inopinés d'un batteur qui semble dire "Coucou c'est moi, vous allez m'entendre!"... il leur faudra tout de même un sacré alibi pour panser nos acouphènes. Tant d'énergie d'un coup c'était suspect mais pas de raison de se méfier et surtout pas la force... les jambes coupées en même temps que l'herbe sous nos pieds. Bonne technique que de mettre sur les rotules pour mieux maîtriser... faire passer la pilule (entre autres substances) des nuages de fumées qui planent sur le reste du disque. Car si la fougue pointe son nez avant tout, l'ensemble se montre rapidement bien plus surprenant que le synth-punk bas du front (ou encore que l'ensemble de la discographie de The Reatards, dans lequel jouait Ryan Rousseau) des deux premiers albums, à l'époque où Alicja Trout et le célèbre et malheureusement défunt Jay Lindsey dit "Reatard" composaient un Destruction Unit réunissant alors à lui seul les trois quarts du vivier de musiciens de la scène indépendante de Memphis (Ryan Rousseau a rencontré Alicja Trout au sein des Black Sunday, qui elle-meme a joué avec Jay Lindsey dans C.C Riders, Lost Sounds, Nervous Patterns, qui lui-même a joué avec Ryan Rousseau dans les Reatards... sans compter les projets individuels, les groupes d'un soir et j'en passe...).

       Assommés, les membres engourdis, l'album nous plonge la tête dans l'aquarium, brasse les chaleurs rocheuses traversées par le groupe lors de son déménagement à Tempe, au pied du désert de l'Arizona. L'on retrouve par instants le psychédélisme aride de Sonoran mais chaque remontée se fait de plus en plus violente sous le poids des bourdonnements électriques de la production enregistrée par Ben Greenberg de The Men. Le trip profond chatouille l'intérieur, sans pitié, harassant, parfois aux limites du malsain (certaines sonorités tiennent presque du mélange hardcore/black metal...), proche de ce à quoi pourrait ressembler l'atmosphère dérangée et bordélique d'une salle de shoot échangiste : entre joie, pesanteur et interdit. Les oreilles déjà bien arrangées, on en prend aussi plein les yeux avec cet artwork en illusion d'optique... perturbant!

       En résumé "une odyssée spirituelle de dégoût intérieur sadomasochiste faite de chansons sur l'amour et la liberté", c'est pas moi qui le dit mais je plussoie! Encore merci à Sacred Bones et rendez-vous déjà pris le mois prochain avec la Nature Noire de Crystal Stilts... ce sera sûrement un peu plus doux mais on ne sera pas dépaysé!

Riton

Deep Trip en trois mots : destructeur, noisy, planant

Écouter l'album en entier : http://www.deezer.com/fr/album/6746810

Si vous aimez cet album vous aimerez peut-être :

  • Void, DESTRUCTION UNIT, Jolly Dream Records, 2013 : Le disque qui précède Deep Trip et également le plus enfumé de toute la discographie. Après des morceaux comme "Druglore" ou "Smoke Dreams", on comprend pourquoi ils sont aussi perchés.

  • The HorrorPOP. 1280, Sacred Bones Records, 2011 : Ça c'est qu'on appelle exceller dans le garage/post-punk glauque! Imps of Perversion, le petit (mais costaud) nouveau, sorti ce mois-ci chez Sacred Bones, bien que relativement plus calme, vaut également son pesant de noix de cajou.

  • Leave HomeTHE MEN, Sacred Bones Records, 2011 : La machine de guerre de Peter Greenberg et ses amis signant son album le plus rageur, électrique, aux croisées du punk (A l'instar de Deep Trip on se demande quand même parfois si l'on est pas tombé chez les punk coreux), de la noise, du garage, et probablement le meilleur au regard de ce qui est venu après...

samedi 10 août 2013

The Afternoon Exchange, THE AFTERNOON EXCHANGE, Digitalis Recordings, Juillet 2013 (Par Riton)



       Connaissez-vous le rapport entre Asian Dub Fondation, Shamen, Carter the Unstoppable Sex Machine, Bentley Rhythm Ace, Utah Saints, Stereo MC's, Sunscreem et Bomb the Bass? Personne? Oui? Non? ... Et bien tous ces groupes sont britanniques! Reste à savoir pourquoi l'américain Jim Donadio, plus connu sous le nom de Prostitutes, a fait le choix de les mentionner en titres (dans cet ordre là) de son nouvel album. Encore que sa musique, et plus que jamais avec le récent Crushed Interior (et son artwork en friches) sorti aussi chez Digitalis, évoque rapidement la froideur et la grisaille historique d'outre-manche. Sauf qu'ici rien à voir... autant dans les groupes cités que dans la lumière renvoyée par The Afternoon Exchange, en contraste total avec la rugosité et le mécanisme de ses aspirations originelles. Au moment où pour ma part j'aurais le plus tendance à me rapprocher des machines (les climatiseurs avant tout!) que de la nature étouffante, écrasée sous le poids du soleil (on est du Nord ou on ne l'est pas! Je veux bien comprendre qu'on puisse aimer le beau temps mais de là à être aussi trempé en permanence qu'en temps de pluie y'a des limites...) Jim Donadio profite de l'été pour se mettre dans le bain et faire une courte pause dans ses activités. Mais s'il cesse un temps de donner corps et âme (et surtout corps) à l'electro-noise indus il n'est pas du genre à vendre ses fesses pour suivre la tendance.

       Ici il n'est question que de relever la tête, se rapprocher de l'organique comme pour aller au centre-aéré. On est encore loin d'enfiler le maillot mais on se repose. On se repose et on rêve, au départ d'une longue plage monolithique (qu'on aurait pas pensé un jour associée à un groupe comme Asian Dub Fondation...) rapidement immersive. Ce ne sont pas les différentes oscillations de synthés qui vont perturber les compositions... et encore moins la basse, étonnamment très présente (on se souvient à juste titre de son intervention dans Psychedelic Black, sur l'excellent ''Flipped Pieces of Coin''), qui repart comme elle vient et l'inverse. Malgré cela les notes sont discrètes, le son est timide, moins ample que sur les productions drone habituelles. C'est la chaleur ressentie d'un espace confiné, cotonneux, d'un ambient psyché à la sauce bedrock. On sent un certain confort dans la moiteur et l'esprit peu à peu s'évapore... sans pour autant partir très loin, comme semblent nous le rappeler, tout comme la basse, les guitares auxquelles on se raccroche sur ''Sunscreem'' et ''Bomb The Bass''. On a beau rêver on ne traverse que très rarement le plafond de la pièce (pratique pour qui comme moi prendraient facilement des coups de soleil à Charleroi).

       Une bien belle ballade entre éther et terre!! (ou la frontière ténu s'exprime visuellement entre kitsch estival et inconnu troublant... à un détail près la pochette d'un single pour cours de Zumba). Un seul regret : que ça ne soit pas assez long! Un avantage tout de même : c'est rapide à réécouter... alors qu'est-ce qu'on attend?!

Riton

The Afternoon Exchange en trois mots : ensoleillé, rêveur, psyché

Écouter sur le bandcamp (plutôt fourni) de Digitalis : http://digitalisrecordings.bandcamp.com/album/the-afternoon-exchange

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Psychedelic BlackPROSTITUTES, Stabudown, 2012 : La face B antithétique parfaite pour The Afternoon Exchange, sortie un an plus tôt : une dose de psychédélisme sombre et froid (c'est un peu écrit dessus en même temps) qui finit par nous absorber, à coup d'electro minimaliste et légèrement sale.

  • Of PsalmsDATE PALMS, Root Strata, 2010 : Et si on mettait le nez dehors ? Il fait encore plus étouffant avec Gregg Kowalsky et Marielle Jakobsons mais leur ambient psyché aux extraits naturels de paysages arides est pour ainsi dire très prenant. Peu importe la température, il y a les guitares de l'un et le violon de l'autre, doublé du talent de chacun... ça en fait des raisons de rester cramer au soleil.

The Fever Logic L.P, ENSEMBLE ECONOMIQUE, Not not fun Records, Juillet 2013 (Par Gagoun)



       Ce qui est bien avec la musique, c'est qu'on peut voyager sans partir en vacances. Avec quelques sons glaciaux, on pourrait presque se préserver de la chaleur. Ce n'est pas parce qu'on est en juillet, qu'il fait beau qu'on a pas le droit de s'échapper dans une humeur maussade, rêveuse de temps en temps. Pour ces moments, je vous propose cet Ensemble Economique.

       Faut dire qu'il porte bien son nom : épure, répétitions, ambient, éther. Voici comment on pourrait qualifier la musique de Brian Pyle, l'homme qui se cache derrière ce patronyme et donc derrière ce Fever Logic L.P. Le tout est homogène, difficile de distinguer une chanson d'une autre, on se retrouve facilement happé par ces nappes synthétiques, ces boucles rythmiques. Un comportement extatique au milieu de cette cold wave... Et cette voix : envoûtante, majestueuse et mélodique, elle possède le charme d'un serpent hypnotiseur, d'un gourou prêchant son chemin retord et séduisant. Sauf que dans des chapelles comme celle là, on voudrait bien s'y réfugier tous les jours. En défiant toute logique, le ressenti, rien que le ressenti...

       Aussi sous ces couches sonores se cachent de vraies mélodies entêtantes, un aspect pop qui rend accessible et d'autant plus accrocheur l'ensemble, prenant des allures de dream pop en plus de son fil conducteur abstrait et ambient. L'équilibre est parfait, il nous rappelle au bon souvenir de Lee Noble, chroniqué il y a peu dans nos pages. Pas étonnant d'ailleurs que les deux enchanteurs se soient déjà retrouvés sur un split de très bonne facture. Alors voilà, encore une belle sortie pour Not not fun Records qui nous séduit une fois de plus au travers de ces six longs morceaux rêveurs gagnant en finesse et en beauté avec le temps.


       Un échappatoire, un album qui le distingue de ses prédécesseurs puisqu'il nous permet de découvrir la superbe voix de son grand manitou, jusqu'alors caché derrières ses synthétiseurs et autres machines. Alors oui on peut aussi fêter l'été dans le froid et le clair obscur, loin des contrées tropicales. Du moins l'espace d'un instant...


Gagoun

The Fever Logic L.P en trois mots : hypnotique, rêveur, éthéré



Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Psychical, ENSEMBLE ECONOMIQUE, Not not fun Records, 2010 : Toujours fasciné par la psyché humaine, Brian Pyle livre ici une œuvre tout aussi hypnotique, entièrement instrumentale aux accents rythmiques légèrement plus prononcés donnant un côté presque tribal au tout. Fascinant, justement!

  • Motion ForeverENSEMBLE ECONOMIQUE/LEE NOBLE, Hands in the dark, 2012 : le fameux split L.P évoqué plus haut donc ! Quatre morceaux pour Lee Noble, entre ballades éthérées et ambient analogique. Deux morceaux pour Ensemble Economique dont les échos plus synthétiques et les quelques mots osés dans la langue de Molière se marient parfaitement avec l'univers du premier et participent à la cohérence mais aussi à l'évolution progressive d'un tout profondément mélancolique et finalement magnifique.

lundi 1 juillet 2013

Return To Annihilation, LOCRIAN, Relapse Records, Juin 2013 (Par Gagoun)



       Allez hop hop, on change un peu de son. Une fois n'est pas coutume, il s'agit là de parler d'un trio venu tout droit de Chicago et qui a enregistré ce nouvel album au fameux Electrical Audio Studios. Sauf que là, point de maître Albini et rien à voir avec Jesus Lizard, Slint et autres Shellac. L'enregistrement est assuré ici par Greg Norman ce qui peut vous donner une indication du ton de l'album puisque celui-ci à déjà œuvrer pour Pelican ou Russian Circles. Car Locrian est bien un groupe de metal.

       De leur doom/ambient originel, il ne reste cependant plus que ces drones et surtout cette voix hurlée et lointaine qui sonne comme une menace sous-jacente au développement de la luminosité relative à l'instrumentation. Si la lourdeur est toujours de mise tant la batterie écrase quand elle se décide enfin à se lancer, Return ton annihilation se veut beaucoup moins dissonant, lent et malsain que ces prédécesseurs  Plus nuancé aussi... De la noise oui mais aussi beaucoup de mélodies épiques pleines d'espoir et superbement inspirées, des percussions qui galopent parfois, groovent lentement d'autres fois, des passages plus aérés et ambient ou encore des textures sonores enveloppantes, quelques claviers et guitares acoustiques, vous l'aurez compris on nage ici dans un post rock musclé, un metal qui expérimente et franchit les frontières de ses propres codes.

       D'ailleurs si chicagoan se dit beaucoup influencé par le rock progressif des années 70. Si les influences proclamées de Yes ou Genesis me paraissent moins évidentes, celles de Pink Floyd et surtout King Crimson sont assez prégnantes et c'est une bonne chose. Ici pas de constructions rythmiques et mélodiques virtuoses, d'influences free jazz, juste un goût pour les sons de ce bon vieux moog, pour une progression lente et épique, un certain penchant pour l'expérimentation et les albums conceptuels, narratifs. Le dernier morceau, "Obsolete Elegies" est aussi le sommet absolu de cet opus, emprunt d'une mélodie prenante, entraînante sur une rythmique lourde avant de s'éteindre dans un magma sonore statique, presque paralysant. Puis dans un dernier souffle, le morceau repart avec force et puissance pour l'assaut final de ce disque. D'une efficacité redoutable! Il y a quelque chose du géant "Starless" de King Crimson là dedans.

       Magnifique voyage que ce Return to annihilation au final. Sans révolutionner le genre, Locrian nous livre ici une oeuvre de toute beauté, une surprise à laquelle on ne s'attendait pas forcément et qui mérite bien un petit coup de projecteur dans nos pages. Comme un contre-point à la musique proposée ce mois-ci par Riton, en juillet vous en aurez pour tous les goûts et pour toutes les humeurs.

Gagoun

Return to annihilation en trois mots : épique, lourd, progressif

Ecouter l'album de Locrian sur leur bandcamp: http://locrian.bandcamp.com/album/return-to-annihilation

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • The Clearing & The Final Epoch, Locrian, Relapse Records, 2012 : Plus crade, noisy et noir, cet album reflète l'autre facette de Locrian. Déjà cet opus transcendait les genres du métal mais était aussi beaucoup plus ancré dans ce dernier avec son doom à toute épreuve et ses passages black metal saisissants.

  • Make All The Hell Of Dark Metal Bright , KWAIDAN, Bathetic Records, 2013 : Décidément, voici un label à l'honneur ce mois-ci. L'autre projet d'André Foisy, leader de Locrian donc, se veut dans la même veine que ce que peut produire le groupe chicagoan. Des ambitions doomesques et post rock, presque à la manière d'un Barn Owl, Kwaidan met cependant l'accent sur les drones, les ambiances hallucinées, presque psychédéliques plutôt que les percussions, minimalistes ici. Dark!

  • Black CurtainJODIS, Hydra head Records, 2012 : pour finir, on ouvre l'horizon vers le doom majestueux de Jodis. Derrière ce nom se cache Aaron Turner, leader d'Isis qui nous prouve ici quelle magnifique voix claire il a. Cet album est une ode à la lenteur et au silence. Le groove destructuré, lent et au fond du temps de Tim Wyskida, par ailleurs batteur de Khanate, hypnotise et berce. Il accompagne superbement la fin d'une époque puisque c'est le dernier album à sortir sur Hydra Head, qui fermera ses portes à l'issue de ce chant du cygne... Quelle fin!

29, COUGH COOL, Bathetic Records, Juin 2013 (Par Riton)



       En juin on a pu entendre environ 354 reprises de Téléphone (on peut très bien rêver d'un autre monde sans irriter son semblable!!), 139 versions ska de "Smells Like Teen Spirit", 58 "I Love Rock'n'Roll" hésitants... il était donc plus sain de fêter la musique chez soi, au pied de la chaîne  que dans les rues, et de préférer entre autres Bathetic au pathétique. Deux très belles sorties pour le label le meme mois : une bonne dose de drone/post-rock avec le premier album de Kwaidan, side-project d'André Foisy de Locrian (décidément peu avare de son talent au vu de la qualité de Return to Annihilation sorti le 24 juin dernier chez Relapse et que Gagoun semble avoir beaucoup apprécié) et de Neil Jendon et Mike Weis de Zelienople, et - ce qui retiendra ici notre attention – un grand bon de vingt ans en arrière fait de crachottements, de bricolage et de mélodies nostalgiques avec ce deuxième album des philadiens de Cough Cool.

       Bienvenue sur les traces de la Lo-fi! Celle qui prend au tripes sans en faire des (bre)tonnes, celle qui ne s'embarrasse pas d'enluminures. C'est le le rock décomplexé, qui ne finit pas ses chansons (les dernières notes abruptes de "Cross" et de "Knew It Was", le fade out de "It's Night nd St. Ex", le mélange des deux sur "Velvet", le dérapage contrôlé de "Keeping Perfect Time''...) qui ne finit pas ses albums non plus d'ailleurs... (Imaginez si je faisais pareil et ne terminais pas ma chronique) Peu importe la chute tant qu'on a le contenu! Un beau contenu! C'est le rock rafistolé au Chatterton... Pourquoi avoir un batteur quand on peut utiliser à la place une boucle quelconque ou bien une boite à rythme sorti d'on ne sait quel grenier miteux? (aussi curieux et excitant que lorsque Chris Knox jouait le luthier sauvage pour les Tall Dwarfs). Et c'est aussi le rock qui grésille, qui décrasse les oreilles au coton-piqueur : dur à l'extérieur, fait d'imperfections, des bandes essuyées au papier de verre d'un duo de mecs à la cool occupé à gratter en répèt' en buvant des sodas... doux à l'extérieur parce que ceux-ci savent écrire de jolies pop songs redoutables, prêts à cueillir des fleurs et les offrir avec les dents (comme celles de la pochette – enfin peut-être pas les roses à cause des épines et tout... - laide à souhait faut le dire, sorte de carte postale idéale pour hipsters romantiques).

       Un bon compromis finalement! On ne s'essuie pas les pieds avant d'entrer, un peu sale sur soi mais si attachant... d'autant plus avec toute l'eau qu'on a mis dans son vin depuis Buy Some Dust en 2009. Pas bête d'avoir viré une de ces 36 couches de poussières au dessus du son! C'est parfait, ça croustille comme en 90!

Riton

29 en trois mots (et pas l'inverse) : cool, attachant, Lo-fi

Ecouter intégralement : http://www.deezer.com/fr/album/6616710

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-etre :

  • Lately, COUGH COOL, Bathetic Records, 2011 : Premier vrai album de Cough Cool, déjà sur Bathetic (après un petit passage chez Debacle notamment, pour un EP éponyme), lorsque Dan Svizeny était encore seul aux commandes et nourissait sa musique d'un peu plus de reverbs shoegaziennes qu'aujourd'hui.

  • Johnny Hawaii/Cough Cool Split Tape, JOHNNY HAWAII/COUGH COOL, Hands In The Dark/Ateliers Ciseaux/La Station Radar, 2012 : Un Cough Cool plus crade et maladif que jamais, en compagnie (sur l'autre face) d'un Johnny Hawaii from Marseille, qui met un peu de sable et de psyché dans cette excellente cassette.

  • Nice, SPECULATOR, Underwater Peoples, 2011 : Nick Ray des Cool Angels spécule sur le bruit pour faire de son rock un hommage particulièrement bien pensé au top 40 des années 80... à tel point qu'on a l'impression d'écouter la cassette qui tourne en boucle depuis 30 ans dans le meme auto-radio de la meme voiture du collégien d'époque.

vendredi 7 juin 2013

Drifters/Love Is The Devil, DIRTY BEACHES, Zoo Music // Cut Up, MAYERLING, Hands in the Dark, Mai 2013 (Par Riton)




       En mai, fais ce qu'il te plaît! Courir nu sous la pluie, manger avec les doigts (mais pas les deux en même temps, c'est sale) et même chroniquer deux albums de plus d'une heure chacun (on avait pas fait ça depuis octobre 2012). Un double album d'1h15, un ''simple'' d'1h03 (presque 4), ça fait 2h18 (presque 19). Forcément moins long que l'excellent nouveau Mendelson à lui seul, peu importe le sens d'écoute ça fait un sacré pavé... Mais on peut se rassurer en se disant que c'est plus digeste que pour un lecteur d'avaler (et comprendre) Finegans Wake en à peine une semaine ou pour un cinéphile d'organiser une "soirée" Cure for Insomnia. Autant de musique d'un coup ça demande de l'attention, de la disponibilité, au risque de passer outre... Sauf que pour le coup, sans vouloir passer pour l'une des figures masochistes du dessus, il faut simplement reconnaître que le cru des albums élastiques du moment est tout simplement bluffant (les derniers Witxes, Eluvium et le Mendelson en témoignent également). Alors quand on tombe sur des disques aussi bons que ceux-là on s'accroche druement, on persiste. Il est temps de se laisser faire et de confirmer (pour cette fois) le vieil adage disant que plus c'est long plus c'est bon.

       D'un album à l'autre l'ennui ne point jamais. Il viendrait presque à se faire attendre dans ces univers insaisissables tous deux bercés par la volonté de s'émanciper des genres : Entre Montréal (Drifters) et Berlin (Love Is the Devil, enregistré gratuitement, la nuit, chez Anton Newcombe), Alex Zhang Hungtai s’entête à dépasser l'image trop simpliste de garage rockeur vintage qui lui colle aux basques (notamment depuis Badlands en 2011, à contrario de ses nombreuses collaborations : avec Xiu Xiu, Ela Orleans, U.S. Girls...), quand Sylvain Bombled, à Besançon, pousse les envies d'expérimentations vers une electro-nirique bien loin de ses aspirations punk rock génériques de jeunesse (Second Rate, Generic, Napoleon Solo...). Des espaces en mouvance, aucunes frontières, symptômes de musiciens qui sans cesse cherchent à aller plus loin.

       Vintage, la musique de Dirty Beaches n'en demeure pas moins actuelle, mais elle se situe ici plus du coté sombre et ultra lo-fi de la force que des productions gominées d'Hanni El Khatib... plus discret et humble jusque dans l'attitude de crooner modéré, penché sur son micro à incanter dans l'écho, léger déhanché (''Casino Lisboa'') à l'appui. Les quelques décrochements vocaux rockab' perturbent l’acharnement sonore des boucles de guitare, synthé et boite à rythme, comme chez Alan Vega et Suicide en leur temps (repris sans surprise dans ce live à Bergen) : nervosité doublée paradoxalement de nonchalance venant préfigurer l'atmosphère évaporée de Love Is The Devil, ''Au revoir mon visage'' annonçant même une volonté malsaine pour l'artiste d'effacer ses propres traits... Le temps d'un Landscapes in the Mist vaporeux, au saxophone presque plaintif, il disparaît complètement au profit de la transe ambient, du jazz éthéré et pluvieux de ''Greyhound at Night'', au synthétique ''Woman'' en passant par le néo-classique (''Love is The Devil'', ''I Don't Know How to Find My Way Back to You'' et le final ''Berlin'') et la folk (''Alone in The Danube River'', et le très beau ''Like the Ocean We Part''). Effectivement insaisissable... à la complexité déroutante, comme ce premier Mayerling. On reste en suspension, en sphères rêveuses plus lumineuses que là ou nous a laissé ce deuxième disque de Dirty Beaches. Les mots en prose de Fred Debief (qu'on ne manquera jamais de soutenir) introduisent à merveille le voyage sur un ''Pure As Gold'' gracile, au ''grenier à notes'' aussi envoûtant que tout ce qui suivra. Chaque morceau se construit de petites montées épiques, de progressions qui prennent une dimension hallucinante (le chant de Sylvain Bombled sur ''Salomon's Ring'', ou les 17 minutes en roue libre d'effets noisy et du violoncelle de Sebastien Lemporte sur le morceau titre de conclusion). Persiste au centre un mécanisme rigoureux (''La Mort n'en saura rien'', ''Shaggy Shadows''), un froid étrangement confortable (le superbe ''Ghost River'') : Cut Up est le clair-obscur maîtrisé, qui doit autant au kraut, à l'electronica allemande qu'à une personnalité unique... un vol au dessus de cités fantômes à la beauté glaciale ou la vision vertigineuse rappelle les sols du Cycle d'Escher (au regard de l'artwork signé Bertrand Beal)... vides... comme le terrain des déambulations d'Alex Zhang Hungtai... ces villes gigantesques tellement peuplées et pourtant si froides qu'il, en amoureux de cinéma (Wrong Kar Wai et David Lynch en tête), se plaît à repeindre : la décadence nocturne (Night City) ou les tournes mélancoliques et rêveuses de The Hippo (2010) ou celles qui venaient tout récemment contrebalancer avec le délire architectural du Waterpark d'Edmonton au Canada (à faire passer l'Aqualud du Touquet-Paris-Plage pour une piscine municipale) et aujourd'hui ce double-album, qui aux cotés du Cut Up de Mayerling ne peine à se faire passer pour une vrai-fausse bande originale.

       Voilà donc l'immensité des perspectives qu'offrent ces deux albums qui peinaient à priori à s'entendre et qui finalement s’accommodent bien. Ce n'était pas si long mais vraiment intense!

Riton

Drifters/Love Is The Devil et Cut Up en trois mots : froid, chaleureux, cinématique

Ecouter Drifters/Love Is The Devil : http://www.deezer.com/fr/album/6545971
Ecouter Cut Up sur le site du label : http://handsinthedarkrecords.tumblr.com/HITD018

Si vous aimez Drifters/Love Is The Devil, vous aimerez peut-être :

  • Badlands, DIRTY BEACHES, Zoo Music , 2011 // Water Park OST, DIRTY BEACHES, A Records , 2013 : Quand d'un coté on se retrouve avec un disque de rock 50's passé à la moulinette lo-fi/noise et de l'autre la bande son planante d'un court métrage sur une institution du parc de loisirs canadien, on ne peut que se rendre compte de l'étendue et de la complexité du talent du taïwanais d'origine!

  • U.S. GIRLS ON KRAAK, U.S. GIRLS, (K-RAA-K)³, 2011 : Des allures de cheerleader sous crack pour Megan Remy, amie d'Alex Zhang Hungtai : pop de campus US, electro, noise, bidouilles et son qui crachotte (avec en prime une reprise de haute volée de Brandi et Monica, qui rappelle un peu dans l'esprit la récente reprise de No Scrubs des TLC par Scout Niblett)... dommage qu'elle n'aie pas continué dans cette voie...


Si vous aimez Cut Up, vous aimerez peut-être :

  • DuplexAPPARAT, Shitkatapult, 2003 : Album magique d'electronica allemande, un des plus beaux de Sascha Ring. Écouter des morceaux comme ''Contradiction'' ou ''Wooden'' ne peut en tout cas que renforcer le rapprochement fait auprès de Mayerling.

  • Acting OutJUDITH JUILLERAT, Autoproduction, 2012 : Après un très beau premier album solo (Soliloquy) chez Shitkatapult en 2005 (pas un hasard de la retrouver ici donc, juste en dessous d'Apparat qui plus est), Judith Juillerat, de Besançon comme Mayerling (et Fred Debief aussi), remet le couvert un peu tardivement mais avec une pop froide, électronique et ambient, en chant français et anglais, d'une richesse telle qu'on en redemande déjà!