mercredi 4 décembre 2013

Moondog Mask, HOBOCOMBO, Trovarobato, Novembre 2013 (Par Riton)



       "En fin de compte, il s'agit de ramener la musique (ou l'art?) à son premier sens : construire des relations, imaginer de nouveaux mondes, créer quelque chose qui n'est pas ici", c'est ce que suggère en premier lieu le teaser de Moondog Mask, sur fond de "Desert Boogaloo", l'une des cinq compositions de ce nouvel album de onze morceaux... Parce qu'une fois n'est pas coutume et en bon groupe "dédicacé à et inspiré par", la musique de Louis Thomas Hardin se trouve extrêmement présente dans celles des italiens. Une musique qui respire le Moondog à plein nez, où les réinterprétations de titres de l'artiste en disent long sur la passion et le talent avec lesquels elles sont exécutées! Sauf que visiblement l'amour d'Hobocombo (probablement une référence au morceau "Be a Hobo"... non rien à voir avec Charlie Winston...) porté à son mentor ne se mesure plus en reprises, bien plus nombreuses sur Now that it's the opposite, it's twice upon a time qu'ici, mais dans cette fameuse volonté "d'aller plus loin à partir de" et de balayer du revers l'appellation de simple tribute band.

       Ainsi le trio formé par Andrea Belfi (batteur de talent du trio de rock instrumental Rosolina Mar, vu aux cotés de Mike Watt et David Grubbs et cette année avec Aidan Baker et Erik Skodvin au sein de B/B/S), Rocco Marchi (de Mariposa, aussi chez Trovarobato), et Francesca Baccolini, a fait le pari de vêtir le costume du maître avec une nouvelle paire de baskets, appareillé le rock vicieux de la scène italienne (et le folklore de son pays en transparence, par l'utilisation de fields de Roberto Leydi), une patte jazzy élégante et les voyages esthétiques de l'artiste new-yorkais au look viking. Hobocombo foule la sixième avenue, de laquelle Moondog voyageait inlassablement au rythme d'instruments qu'il fabriquait lui-même, d'une science de la composition d'avant-garde, jazz, classique et d'influences amérindiennes.

       Les reprises sont personnelles, les compositions du Moondog... il s'agit autant de se fondre que d'actualiser... Comme lorsqu'ils font de "Theme & Variations" (sur l'album Moondog and his Friends, de 1953) une introduction méconnaissable mais qui ne perd rien de son intensité ou reprennent le thème de ''To a Sea Horse'' pour en faire une version électrique totalement prenante et survoltée, où les siffles tiennent place de chant, la contrebasse et la guitare substituent le piano d'origine. Quand à "Utsu", originellement ancré dans la ville (sur On The Streets Of New York en 1953), il se transforme en exploration sylvestre, mystique au groove enveloppant poursuit par les oscillations folles du Korg MS-10. Seuls les canons (''Canon #6 (vivace)'' et ''Canon #18 (adiagetto)'' ) semblent inchangés mais entièrement à leur place... parfaites interludes vers une americana revisitée, exotique pour Baltic Dance, aérienne pour Response, détonante pour Five Reasons, en conclusion rêvée.

       Une réécriture ultra libre et libérée, audacieuse, qui transcende le propos, qui prouve que si certains ne portent le masque qu'en de grandes occasions, les Hobocombo portent celui-ci en permanence. Nul doute que si le prochain album est entièrement fait de compositions, il ne sera que plus parfait... il ne sera que plus Moondog...

       Par contre, s'il existe un scandale à propos de ce groupe, c'est d'apprendre au moment d'écrire ceci, que j'aurais pu les voir le mois-dernier... constat que le plus magnétique des sons, qui constitue mine de rien le troisième groupe italien chroniqué sur le blog (après Blue Willa, rencontré le mois dernier dans un bar lillois pour un excellent concert devant... deux personnes), ne fera jamais le poids face à une mauvaise stratégie de communication!

Riton

Moondog Mask en trois mots : Exotique, élégant, magnétique


Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Now that It's the Opposite, It's Twice Upon a Time, HOBOCOMBO, Trovarobato, 2011 : Le jour ou tout a basculé! Hobocombo synthétisait en quelques reprises son attachement à Moondog... que des reprises mais un avant-gout remarquable et extrêmement stimulant à ce que Moondog Mask exprime aujourd'hui.


  • Elpmas, MOONDOG, Kopf, 1992 : Il serait dommage de ne pas parler d'un album de Louis Thomas Hardin... bien que depuis longtemps installé en Europe, il retourne en 1992 traîner ses instruments en Amérique du Sud (du moins virtuellement), pour un album des plus doux et exotiques, évoquant la foret amazonienne et une conscience politique, écologique, en guerre contre les travers du progrès.

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