Bienvenue dans ma contradiction! Coincé
entre le j'en-foutisme sportif et l'élan patriotique, entre
l'agressivité et les envies festives, voilà comment j'occupais mon
mois de juin. « Allez
la France!! ». « Pendant ce temps là le pire des
drames au monde n'a plus le droit à l'écran! ». Danser,
chanter, ou tout envoyer chier ?... les couleurs de OOIOO ou le
metal hors-normes de Wreck & Reference ?... Désolé mais ma
cohérence montre enfin ses limites!
Bien efficace justement
ce Want pour qui veut se
frotter les oreilles au verre pilé ! Violent mais surtout, avec
Mamaleek, Botanist (tous deux également chez Flenser), Terra
Tenebrosa, Locrian, Horseback, le catalogue de Throatruiner, et j'en
passe parmi ce qui se fait de plus excitant en terme de musiques
extrêmes aujourd'hui. Visqueux, malsain et inconfortable atypisme
dans lequel nous plonge Ignat Frege et Felix Skinner... le liquide
sombre et hostile du bain de No Youth (2012)
a eu le temps de bien macérer.
Tout était déjà très bon, même excellent, et le temps et les
douches n'auront pas eu raison du son particulier imprégné
jusqu'aux os. A peine remis de la trêve de deux ans qu'un coup sec
derrière la nuque, sans crescendo introductif, nous envoie faire un
tour au musée du cadavre. L'odeur couplée aux conditions estivales
incommode.
Peut-être l'écoute
du dernier OOIOO, Gamel,
est plus appropriée. Au souvenir du passé les polyrythmies
endiablées du groupe de l'ex-batteuse des Boredoms Yoshimi P-We, le
tropi-kraut aux chœurs déchaînés du -moins froid que son nom-
Taïga, les fantaisies
rêveuses et perchées de Gold & Green,
ou bien le math-noise tribal d'Armonico Hewa
, semblent de suite bien plus de saison. Gamel,
en référence non pas à l'écuelle du chien mais aux ensembles
instrumentaux de Bali et Java. Et pourtant du chien, cet album en a !
Un peu de bonheur dans la joie, les sens en aboie, métallophones et
percussions imposent le climat de fête. On imagine clairement tout
sourire le melting pot de chorégraphies traditionnelles et
d'extravagances contemporaines. Les jams ethno-bruitistes de la
rencontre assomment littéralement.
Du côté de
Wreck And Reference, la rage se calme un peu en compagnie du piano
(''Apollo Beneath The Whip'') et se mue progressivement en
mélancolie. De la violence le duo fait mine de s'engouffrer dans un
post-metal savoureusement désespéré (un ''Bankrupt'' rappelant
Isis) pour masquer une fois de plus sa singularité de duo improbable
sans basse ni guitare... usant en réalité hors-conventions de
ficelles allant du black à l'indus en passant par le doom et le
noise-rock. Beaucoup pour une simple config' batterie-synthé mais le
résultat est si remarquable, capable de prendre aux tripes après
les avoir réduites en bouilli de terreur. Sous couvert d'être moins
massif sur le papier que la moyenne, les américains s'efforcent de
remplir l'espace en redoublant d'une intensité qu'ils nous font
boire au verre.
L'intensité n'est
pas non plus en reste avec Gamel. Une régularité
impressionnante au service d'une atmosphère des plus religieuses...
prisonniers de l'écoute, les japonais nous apportent la transe
mystique sur un plateau d'argent... et la véritable essence d'OOIOO,
moins pour alimenter les jambes, les bras et le bassin, que ce qui
doit finalement signifier cet amour des oiseaux sur (comme ici) un
grand nombre de leurs pochettes : élever l'esprit.
Les changements
d'humeur et le lunatisme musicale ont vraisemblablement leur
utilité! Voici deux albums qui dans ma discothèque de 2014
auront une place de millésime pour l'un, et d'objet sacré pour
l'autre.
Riton
Want
en trois mots : intense, désespéré, singulier
Gamel
en trois mots : intense, mystique, ensoleillé
Si
vous aimez ces albums vous aimerez peut-être :
- No Youth, WRECK
AND REFERENCE, Flenser, 2012 : Totalement épique et
(sur)prenant, à mi-chemin entre noise, black et ambient, ce premier
album du duo américain ! En plus de montrer qu'il n'y a pas
besoin de trois guitares 7 cordes quand on fait du metal pour en mettre plein la tronche
dans les moments les plus énervés...
- Kurdaitcha, MAMALEEK,
Enemies List Home Recordings, 2011 : Du black metal lo-fi
sur le label de Giles Corey, cela ne peut-être que génial. Et en
effet, un mélange de rage et de désespoir plutôt grandiose. Pas
étonnant de voir le groupe débarquer sur Flenser pour son nouvel
album en juillet.
- Taïga, OOIOO, Thrill Jockey, 2006 : Tous
les albums sont bons, ou presque, mais celui-ci est particulièrement
excellent, et dans bien des points, notamment dans le mysticisme et
l'utilisation des instruments (les tropiques en plus), proche de
Gamel.