samedi 2 juillet 2011

Bon Iver, BON IVER, Jagjaguwar/4AD, Juin 2011 (Par Gagoun)



       Raaaaah le voici! L'un des albums les plus attendus de cette année 2011, j'ai nommé Bon Iver de... Bon Iver. Alors cette chronique ne vous ouvrira sans doute pas la porte sur une obscure découverte venue d'un petit label non moins obscur, mais quand le résultat est à la hauteur de l'attente, ce qui soit dit en passant est plutôt rare, il mérite d'être salué.

       Petit rappel, Justin Vernon, alias Bon Iver, est l'auteur d'un des plus beaux bijoux folk de notre ère moderne. En 2008, le jeune homme, amoureux éconduit et par ailleurs inconnu du grand public, part s'isoler quelques mois dans une cabane dans le Wisconcin avec sa guitare et de quoi enregistrer. Il revient à la civilisation avec dix chansons toutes plus belles les unes que les autres pour les poster sur le net. Alors repéré par le label Jagjaguwar, ce dernier décide de signer l'homme/groupe et de diffuser l'album. C'est la découverte de For Emma, forever ago par le grand public. La suite, ce sont des critiques dithyrambiques, une aura autour de la création de l’œuvre, des collaborations multiples (plus ou moins réussies), des morceaux ornant des épisodes de séries télé, une reprise de "Flume" par Peter Gabriel sans compter les nombreux groupes qui se réclament désormais de l'influence du chanteur compositeur.

       Trois ans plus tard, ce serait un euphémisme de dire que cet album était attendu. Alors comment succéder à un album sorti de nul part, créé dans des conditions particulières ? Bon Iver est-il l'homme d'un album ? Un coup de génie et puis s'en va ? Et bien la réponse est non, sans hésiter. Le tour de force est ici d'autant plus important que l'homme arrive une nouvelle fois à nous surprendre en ne créant pas un For Emma, forever ago the return mais bien un album nouveau, de nouveaux ingrédients, sans pour autant se renier. Je m'explique : Le son évolue sur cet album éponyme, prend de l'ampleur, gagne en électricité. Le jeune homme grandit. La folk épurée laisse place à une pop/rock teinté de guitares acoustiques discrètes mais surtout d'arrangements faits de cordes, de cuivres, de guitares électriques et de claviers très typés 80's. Car c'est là l'une des particularités de l'album. Une production tout droit sortie des années disco, plutôt osée voire risquée mais qui fonctionne parfaitement ici. Le morceau de clôture "Beth/Rest", son piano en delay, son vocoder en sont une parfaite illustration. Non ne fuyez pas car tous les ingrédients sont parfaitement intégrés et servent les compositions de manière très juste, comme dans un écrin soyeux. On y retrouve aussi ce qui fait le son Bon Iver d'antant : des arpèges lumineux et accrocheurs, des voix de têtes doublées, une invitation à se transcender tout en douceur, une mélancolie à la fois grave et pleine d'espoir. L'entrée en matière "Perth" et la légère "Holocène" sont juste splendides. Le tout forme un ensemble très cohérent, les morceaux s'enchainant de manière fluide tout comme les ambiances. L'album évolue ainsi de la lumière à l'opacité, de la mélodie à l'abstraction avec en point d'orgue l’entraînante "Calgary", qui vient casser quelque peu le confort construit à coup de nappes de claviers dans lequel nous étions installés.

       C'est bien simple, Bon Iver invente et réinvente un son et un style qui lui sont propres. Difficile alors de l'étiqueter, de mettre des mots sur cette œuvre. Suffit juste de l'écouter, de se laisser emporter par cet artiste touchant et terriblement talentueux. Comme une nouvelle naissance, un vrai nouveau départ après l'OVNI que constituait For Emma, forever ago, ce n'est pas pour rien que l'album porte le nom se son créateur. Il faudra compter avec le bonhomme à l'avenir, sans aucun doute. A écouter... en boucle !
Gagoun

Bon Iver en trois mots : soyeux, novateur, beau


En écoute intégrale : http://www.deezer.com/fr/music/bon-iver/bon-iver-1129655

Le clip de "Calgary" : http://www.youtube.com/watch?v=0KrmxavLIRM

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être : 

  • For Emma, forever ago, BON IVER, Jagjaguwar, 2008 : Un des plus beaux albums de folk de ces dernières années donc. Infiniment touchantes et personnelles, les compositions boisées de Bon Iver sont finement arrangées par ces camarades Christy Smith, Randy Pingrey et John Dehaven à son retour du Wisconcin. Entre fragilité et envolées lumineuses, cet album est juste beau.

  • Sevens Swans, SUFJAN STEVENS, Sounds Familyre, 2004 : Un album épuré, empli de mélodies lumineuses et fragiles pour l'un des auteurs les plus créatif de sa génération. Un an avant Illinoise, autre chef d’œuvre folk contemporain...

  • Snowbeast, LUKE TEMPLE, Minimum Music/Differ-Ant, 2008 : Avant d'être le leader d'Here we go magic, Luke Temple nous a gratifié entre autres de ce très bel album folk tout en retenue et en fragilité. Avec ses éléments électro discrets, ses arrangements finement ciselés et sa voix haut perchée, l'artiste fait partie de cette génération d'artistes folk émergente et très prometteuse.

  • Siskiyou, SISKIYOU, Constellation Records, 2010 : Colin Huebert et Erik Arnesen, deux ex membres de Great Lake Swimmers se réclament ouvertement de l'influence de Bon Iver. Et cela s'entend ! Un album efficace, plein de petites perles folk bricolées à la maison pour un résultat encourageant bien qu'un peu court dans la durée. En attendant un second album... Avec impatience !

Unknown Mortal Orchestra, UNKNOWN MORTAL ORCHESTRA, Fat Possum, Juin 2011 (Par Riton)



       Portland...Aaaah...Portland! A peine quittée que cette ville revient au galop. Ne me prenez surtout pas pour un monomaniaque (bon, si un peu quand même...) mais cette ville exerce sur moi une attraction hors du commun. Le fait est que le premier album des portlandais d'Unknown Mortal Orchestra (UMO pour les intimes) est une petite tuerie et que passer à côté aurait été l'hérésie du siècle (ou du moins l'une des hérésies du siècle, après le slap et le visual kei... oui j'aime me faire des amis). Derrière ce nom énigmatique et à rallonge se cache Ruban Nielson, néo-zélandais exilé aux Etats-Unis et ancien membre des très bons Mint Chicks. Je dis bien "se cache", car le groupe communique beaucoup plus sur sa musique que sur son line-up et trouver des informations relève d'un véritable jeu de piste virtuel. Le hasard faisant bien les choses, la Nouvelle-Zélande est également un de mes berceaux fétiches en matière de création musicale rock, la scène de Dunedin et le label Flying Nun Records en tête.

       De l'eau a coulé sous les ponts depuis le split des Mint Chicks et Ruban Nielson passe d'une pop énergique saupoudrée de noise rock et de punk à une psych-pop lo-fi groovante à souhait et inédite. Inédite... tant la musique d'Unknown Mortal Orchestra sonne fraiche et pimpante, sortie de nulle part ou du moins échappée du gloubi boulga d'influences des scènes dans lesquelles Ruban Nielson a posé le pied. Une basse ronde, très ronde, épaulée par une rythmique implacable (le monsieur derrière les fûts a mangé un métronome... tartiné de feeling), une guitare inventive et un chant légèrement saturé à l'unisson (Ruban Nielson et son instrument donnent l'impression de ne faire qu'un)... tels sont les ingrédients de ce petit bijou. Rares sont les albums de ce genre capables de faire autant bouger la tête... et d'encourager en prime de petites parties de air music en solitaire que l'on se surprend à executer, casque vissé sur les oreillles, volume élévé... Pensez à "How Can U Luv Me" et sa ligne de basse dantesque à faire frémir le bassin, aux solos de guitare de "Ffunny Ffrends" et "Thought Ballune" et aux fabuleuses et presques sexuelles descentes de toms de "Jello and Juggernauts". Comme pour parfaire la découverte, le groupe cloture par le très Elephant-sixien "Boy Witch" (on croirait presque entendre les Olivia Tremor Control ou les Sunshine Fix) et offre un atterrissage en douceur aux 29 minutes et neuf morceaux de l'album.

       Quoi? Seulement 29 minutes? Oui, cela a été ma première réaction... la réticence du premier regard, frustration initiale de n'avoir sous la main qu'un simple EP... mais il n'en est évidemment rien : les tubes s’enchaînent sans l'once d'une déception et se terminent chaque fois par l'incommensurable plaisir d'avoir atteint le coït suprême, le petit frisson d'après match donnant l'envie de recommencer.

       Jusqu'alors inconnu, cet orchestre peut se targuer d'avoir sorti un premier album véritablement mortel, un disque à écouter sans cesse avec la touche repeat enfoncée... Alors? Heureuse?


Riton

Unknown Mortal Orchestra en trois mots : inédit, frais, jouissif


Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être : 

  • Family PortraitFAMILY PORTRAIT, Underwater Peoples, 2011 : Court de 29 minutes, cet album d'un des derniers élèves de l'école Julian Lynch souffre également du syndrome de l'EP mais n'en démérite pas non plus. Bien au contraire, il présente ici un mélange d'indie rock rêveur, aérien et légèrement groovy, bien appréciable... suffisamment pour être remarqué et sortir de son presque-anonymat. Prometteur!

  • Orange You GladJULIAN LYNCH, Old English Spelling Bee, 2009 : Probablement un des meilleurs albums de ce maître du shoegaze/ambient lo-fi et bancal... musique planante et grosse basse au programme!

  • Black Foliage : Animation Music Volume 1, OLIVIA TREMOR CONTROL, The Blue Rose Records Company, 1999 : si je devais établir un top 50 des meilleurs albums indie, cet album ferait surement partie des dix premiers... Olivia Tremor Control, c'est l'incarnation parfaite du collectif Elephant 6, la ville d'Athens (aux Etats-Unis, pas en Grèce) à sa plus grande forme : un des groupes pop les plus dérangés de sa génération... les Beach boys sous acide, les Beatles en syncope... le tout en mode lo-fi... tout simplement parfait!

  • Age Of The SunTHE SUNSHINE FIX, Emperor Norton, 2002 : The Sunshine Fix, projet solo de Bill Doss d'Olivia Tremor Control, n'est pas le groupe le plus connu du collectif Elephant 6 mais n'en est pas moins excellent. Age Of The Sun est en fait indispensable : idéal pour les réveils en douceur et les couchers de soleil.