jeudi 10 octobre 2013

Secret Angles, COCK & SWAN, Hush Hush Records, Septembre 2013 (Par Riton)



       Si comme pour le précédent album (le merveilleux Stash, sorti l'an dernier) le coup de foudre a été immédiat, l'exercice de la chronique, lui, s'est tout de suite montré plus réticent. Non pas que le disque se passe de commentaires... il ne cesse en fait de nous enfoncer dans le flou plus que ce que le groupe a déjà pu le faire jusqu'à maintenant (au moins autant que cette phrase, c'est dire...). Pas seulement à cause de la pochette (admirez la cohérence, entre ce mois-ci et le mois dernier!), qui ne fait que nous donner un aperçu de l'atmosphère dans laquelle on se plongera, (et pas non plus à cause du nom du groupe, qui, précisons le pour ceux que le doute habite, n'a rien de salace... contrairement à ce qu'une vague faute de frappe sur google aurait pu faire penser...) mais pour bien d'autres raisons.

       D'une part parce qu'il est bien vain d'essayer de les étiqueter... du moins d'arriver à rendre justice en un terme aux superpositions minutieuses de styles qui font la richesse de leur musique depuis les débuts (l'EP Marshmallow Sunset en 2007 et l'album Unrecognize en 2010, sur le Dandelion Gold maison). On croise en permanence la dream pop, l'ambient folk lo-fi, l'electronica cuivrée, le trip-hop... le tout sublimé sur Stash par la présence de William Ryan Fritch (de Vieo Abiungo et du Skyrider Band) et ses accents acoustiques tribaux. Ainsi le jeu du name-dropping et des influences s'avère également peu aisé (puis il faudra bien justifier la relative pauvreté de mon après-chronique...).

       D'autre part parce qu'écouter le duo, c'est prendre le risque de l'aventure. Jamais dans le lisse, toujours dans l'inédit... Alors on vit chaque album comme le premier, le coq et le cygne éloignant les corbeaux, foulant ici fièrement les terres du contraste. Ola Hungerford et Johnny Goss égrainent chaque pan de leur musique à la chaleur d'instruments affublés malgré eux d'une chape de plomb morose et synthétique. La basse ronde et voluptueuse (une bonne Precision fait plus de miracles que les chemins de Compostelle) subit les assauts répétitifs d'un spleen latent capricieux.

       Décor planté vite immergé par les échanges complices et copieux des musiciens... La basse, toujours, caresse la batterie dans le sens de la plume, jusque dans ses emballements syncopés, ses patterns jazzy au groove redoutable partagés entre rigueur métronomique et folies passagères. Pendant ce temps la voix cristalline émane de loin, comme noyée dans le brouillard épais des quelques boucles et nappes de clavier analogique... sur lesquelles les clarinettes viennent surligner le caractère sombre et étourdissant. L'hypnose se prolonge dans les relents de mélodies ethniques, indélébiles (la sitar électrique de Nicolas Gonzalez sur ''Red Touch'' et ''Inner Portal'', ou l'instrumental dub de ''Night Rising''), comme si la dimension chamanique de Stash les avait envoyés là où ils souhaitaient aller... toujours plus haut! Une manière bien à eux d'aider un coq et un cygne qui ensemble peineraient normalement à décoller.

       C'était donc ça leurs angles secrets?! Ça valait le coup de se creuser les méninges sur ces drôles d'oiseaux! Et finalement la seule chose à rester flou, c'est notre cerveau choqué entre deux oreilles amoureuses.

Riton

Secret Angles en trois mots : hypnotique, voluptueux, bouleversant

Écouter l'album en intégralité (il est aussi possible, pour encore quelques temps, de le télécharger à prix libre) : http://hushhushrecords.bandcamp.com/album/secret-angles

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Marshmallow SunsetCOCK & SWAN, Dandelion Gold, 2007 : Si ces débuts s'avèrent nettement plus lo-fi, ce premier EP possède déjà ce petit truc attachant que l'on retrouve partout dans leur courte discographie (en 10 ans d'existence, ce n'est peut-être pas quantitatif, mais extrêmement qualitatif) et cette recette musicale bercée entre acoustique et électronique.

  • StashCOCK & SWAN, Lost Tribe Sound, 2012 : William Ryan Fritch accueille le groupe sur son propre label pour une série d'anciens et de nouveaux morceaux, sur lesquels viennent se mêler tout un tas d'instruments acoustiques : la batterie d'Adam Kozie du groupe Pollens mais aussi le violoncelle, le vibraphone, les flûtes, le saxophone et le marimba de l’hôte. La musique de Cock & Swan prend ici une toute autre dimension... et c'est réellement brillant!! Un des ''Must listen'' de 2012.

From Tomorrow, THE OSCILLATION, Hands in the Dark, Septembre 2013 (Par Gagoun)



       La rentrée et son lot de bonnes surprises... Pendant que les pauvres petits écoliers retrouvent les livres et les bancs de l'école, les amateurs de musique que nous sommes déballent leurs cadeaux de noël en avance : les nombreuses sorties qui ont patiemment attendu l'été que les enfants et les grands enfants aient finis de partir s'amuser loin de leur disquaire favori, leur webzine préféré, leur chaine hi fi, leur radio cassette (si! si!) leur platine vinyle, leur gramophone (pour les très très grands enfants !), débarquent en masse dans la musicosphère. Alors ce mois ci il y avait du choix, vraiment. Le monstre immersif que représente le dark jazz de Dale Cooper Quartet and The Dictaphones, les réminiscences 90's de Monsieur Justin Broadrick et son projet Jesu... J'en passe, beaucoup même...

       Car le sujet de cette chronique est tout ailleurs. Il est à chercher du côté du décidément excellent label français Hands in The Dark Records, déjà responsable de bon nombre de tueries cette année dont vous pourrez trouver quelques exemples dans ces pages. Je pense à Mayerling parmi d'autres. Ici il est question de basse, d'une bonne grosse basse vrombissante dont les lignes hypnotiques restent dans la tête des heures durant. Ici il est question d'une batterie métronomique, répétitive mais incroyablement humaine et chaleureuse, avec ses aspérités et son groove implacable. Ici il est question de psychédélisme, de murs de sons, de guitares distordues, de claviers aux motifs simples et entêtants. Ici on est chez l'anglais Demian Castellanos et son projet The Oscillation dont voici le troisième album. Vous l'aurez compris, on parle un peu de krautrock, un peu de rock garage et de beaucoup de rock psychédélique, celui de Syd Barrett et consorts.

       From Tomorrow est donc une belle surprise, de celles qui savent faire du neuf avec du vieux, autrement dit à créer un son nouveau à partir d'influences assumées et digérées. Mieux, The Oscillation se démarque clairement de cette mode du rock psychédélique à tendance krautrock et ''fuzz qui tue'' par un vrai talent de composition, un feeling hors du commun et une capacité à créer mais aussi se diversifier au sein d'une même entité cohérente. Pas de linéarité ici. Alors oui le groupe fait bien partie de la même scène que Wooden Shjips, Moon Duo et autres White Hills mais il ne représente finalement que lui même.

       La première partie, du dyptique ''Corridor'' à ''The Descent'', est presque entièrement instrumentale. Passé l'introduction chantée, espèce de blues trip qui pose les bases du genre, l'hypnose s'insinue dans notre cerveau, emmenée par la basse répétitive, les quelques notes de clavier, les vagues de drones et toujours cette batterie ample et entêtante. Dub? Qui a dit dub? Vient ensuite ''No place to go'', sorte de claque qui vient nous réveiller de cette léthargie dans laquelle le groupe avait pourtant pris un malin plaisir à nous installer. Le tempo s'accélère, le riff de guitare appuie sur notre tête engourdie, ça envoie du lourd, dans une énergie presque punk mais on est toujours en plein trip. Homogène, je vous dis. Le reste c'est un peu ''les montagnes russes de l'émotion''. Moins linéaire, la deuxième partie est tout aussi passionnante grâce à des morceaux comme ''All you want to be'', peut-être le meilleur moment de l'album, qui donne envie de se taper la tête contre le mur d'en face, mais avec bonheur bien sûr. La fin de l'album nous propose même quelques accalmies : ''Dreams burn down'' est une chanson lente et dénuée de percussions, comme si Radiohead avait pris le chemin vaporeux de la dream pop après Ok Computer plutôt que celui de l'électro. Impensable dans n'importe quel autre groupe du genre mais pourtant tellement évident à l'écoute. Enfin tout grand disque se doit d'avoir un grand morceau en guise de clôture. The Oscillation ne déroge pas à la règle, ''Out of touch'' est une superbe ballade, pleine de psychédélisme et un peu bancale, comme on les aime. Cette fois-ci c'est le clavier qui prend la belle part avec sa mélodie fantomatique mais toujours hypnotisante. Le morceau final se veut tout en retenue et vient éteindre doucement, comme dans un rêve, un voyage riche, tortueux mais naturel entamé il y a trente cinq minutes en temps terrestre, bien plus en temps ''The Oscillation''.

       Finalement le groupe de Demian Castellanos nous propose là son œuvre la plus construite, la plus concise aussi. L'équilibre est parfait entre longs jams entêtants et musique écrite, compositions chantées, entre transe hallucinatoire répétitive et exutoire primaire propre au rock. Ainsi se termine cette chronique mais pas forcément le voyage... Avis aux amateurs ! Un long road trip aux sonorités psychédéliques vous attend... Place au podcast ! Parce que la musique vaut souvent mieux qu'un long discours...

Gagoun

From tomorrow en trois mots : entêtant, psychédélique, rock'n roll

En écoute intégrale par ici: http://theoscillation.bandcamp.com/releases

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Veils, THE OSCILLATION, All time low productions, 2011 : Deuxième album absolument impressionnant du groupe anglais. Si From tomorrow marque par sa maîtrise et le son qu'il arrive à créer comme une entité nouvelle, Veils est, au contraire, une œuvre dont les influences sont plus explicites mais dont le contenu est aussi totalement débridé, hors format. Certainement moins facile d'accès que son successeur, il peut s'avérer tout aussi jouissif une fois que l'on s'est donné la peine d'y jeter une oreille.

  • Chaudelande volume 2, GNOD, Tamed Records, 2012: Encore un album fleuve, celui-ci est complètement jusqu'au-boutiste dans sa volonté d'hypnotiser, pour ne pas dire d'assommer l'auditeur par la répétition. En seulement trois morceaux allant de dix à quinze minutes chacun, le groupe anglais propose ici, comme c'est le cas dans toute leur longue discographie d'ailleurs, une ode à la noirceur en musique. C'est crade, lo-fi, dronesque, cosmique et trippant, un vrai bon défouloir! Bon allez cette fois-ci j'arrête vraiment de causer, place à la musique!