Parlons encore d'artistes protéiformes, aux
étiquettes de facto aussi longues que celles des manteaux d'hiver où
les consignes de lavages figurent traduites en 36 langues, au
name-dropping impossible, ceux-là même qui comme Cock & Swan
(cf le mois dernier) donnent du fil à retordre à la critique. Il y
a parmi ceux-là, des qui au delà des genres, par pur liberté,
justifient à eux seuls l’appellation indé. Octobre nous en a
offert deux parfaits exemples.
D'un côté on a Zac Nelson, figure imposante de
l'expérimental foutraque et immersif, tour à tour math-rockeur,
"ambientiste", psychédélique... en groupe avec Robby
Moncrief (Who's Your Favorite Son, God?), avec Zach Hill (Chll Pll)
avec Kenseth Thibideau (Prints) ou en solo sous le nom d'Hexlove ou
tout simplement Zac Nelson... capable au final à chaque sortie, et
peu importe le style, de capter chez nous le même point hypnotique,
que l'album du nom (The Same Hypnotic Point
et ses répétitions chamaniques de percussions et d'ambient aérien)
illustrait déjà en 2011 sur Debacle avec talent. Aujourd'hui
il semble avoir définitivement fait du label une de ses adresses
favorites, et agrandi la table pour partager le pain avec ses amis
Michael RJ Saalman et Jocelyn Noir. Avec Biosexual (encore un nom à
ne pas taper avec des moufles... encore que bien orthographié la
magie d'internet et la forme de certains légumes suffirait à nous
surprendre) l'atmosphère semble un peu plus policée, les ardeurs
canalisées... en fait la pop d'avant-garde gorgée d'electronique
qu'il en ressort est bien moins inoffensive et disciplinée qu'elle
en a l'air. Des machines maîtrisées aux influences orientales
("Naked and Feeling It" et
son r'n'b asiatisant, "Fun Boy", "It's Me" et ses
samples de gong) et industrielles ("Silent Cuts", "Shine
My Noon") découlent des harmonies complexes et des placements
rythmiques improbables, qui font de The Window Wants the Bedroom un
album sensuel, sexy, qui réveille chez nous le sourire ultra-bright,
tandis qu'on devine sur le visage des musiciens le rictus pervers de
celui qui rend accroc son public au premier shoot...
De l'autre on a Jesse Allen, qui multiplie les
projets comme Nabilla les apparitions au zapping : membre de Cathode
Terror Secretion et de Cowards (auteur de l'excellentissime Forgotten
Resonance) et en solo avec
Hollow Seed ou encore Goldeater... fontaine à noise... autant de
dégâts auditifs que la fameuse guerre mondiale de 78. Au milieu de
tout ça Migrations in Rust se trouve être relativement plus doux.
Les précieux bruits blancs laissés au coffre (ou presque) sont
remplacés par de belles plages ambient spatiales, sur lesquelles vient
se poser, dans Two Shadows,
un groove nébuleux et lointain fait de pianos et d'envolées
mélodiques frissonnantes, d'un r'n'b sous-régime croisé au doom
(les poignants ''Two Shadows Cast'', ''Cradled Under Fern'', ''Behind
My Skin''). Les trente courtes minutes semblent s’étendre à
chaque écoute... et par instant nous échapper...immergés...
N'allez pas voir dans ces deux albums une forme de
repentance... plutôt deux pans de bruitisme décomplexé... et deux
flairs imparables pour Debacle et NNA Tapes, suffisamment habitués
des compositions radicales et des expérimentations scabreuses pour
avoir l'audace de sortir d'aussi beaux albums.
Riton
The
Window Wants the Bedroom en trois mots : sexy, souriant,
addictif
Two Shadows en
trois mots : poignant, spatial, immersif
Écouter
l'album de Biosexual sur bandcamp :
http://debaclerecords.bandcamp.com/album/the-window-wants-the-bedroom
Écouter
un petit extrait de l'album de Migrations in Rust :
https://soundcloud.com/nnatapes/nna065-a2/s-1SVA5
Si
vous aimez ces albums vous aimerez peut-être :
- Ripe Hymns, MICHAEL RJ SAALMAN, Crash Symbols, 2013 : Si vous vous demandez d'où viennent ces affinités electro chez Biosexual, pas besoin d'aller plus loin, Michael RJ Saalman en est grandement responsable (en plus de Jocelyn Noir et de son projet Alak). Il sortait qui plus est un album solo le même mois, dans lequel on reconnaît bien leu son particulier de The Window Wants the Bedroom. En plus de ça Ripe Hymns est un album réellement charmant d'electronica foutraque et bien torché.
- The Veiled Jewel, MIGRATIONS IN RUST, Razors and Medicine, 2010 : Un disque de transition en quelque sorte... où les bruits blancs se permettent encore quelques sursauts, le groove ne se montre pas encore... mais la sensibilité du projet bien présente en fait indéniablement un très beau disque d'ambient contemplatif.
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