C'est indéniable, Sacred
Bones excelle dans le jeu du chat et de la souris avec nos sens.
Depuis 2007, son catalogue partagé entre voyages mystiques, crasse
urbaine et occultisme latent, est constamment agrémenté de nouveaux
bijoux... des petits bijoux qui se révèlent être de parfaites
armes sonores contondantes qui ne se contentent pas d'élimer nos
tympans mais aussi de malmener les esprits. C'est triste à dire mais
j'ai bien peur que les amateurs du label ne fassent pas de vieux
os... de toute façon c'est dans les vieux pots qu'on fait les
meilleurs sourds!
Le petit dernier, Deep
Trip, en rajoute une
couche (il faudra d'ailleurs en changer souvent au cours de l'écoute)
en mode unité de destruction massive, ravageur au point qu'il serait
purement indécis pour les frangins Ryan et Rusty Rousseau d'essayer
de se dédouaner de toutes responsabilités. Introduction toute en
larsens, guitares vrombissantes suivis des
blast beats inopinés d'un batteur qui semble dire "Coucou c'est
moi, vous allez m'entendre!"... il leur faudra tout de même un
sacré alibi pour panser nos acouphènes. Tant d'énergie d'un coup
c'était suspect mais pas de raison de se méfier et surtout pas la
force... les jambes coupées en même temps que l'herbe sous nos
pieds. Bonne technique que de mettre sur les rotules pour mieux
maîtriser... faire passer la pilule (entre autres substances) des
nuages de fumées qui planent sur le reste du disque. Car
si la fougue pointe son nez avant tout, l'ensemble se montre
rapidement bien plus surprenant que le synth-punk bas du front (ou
encore que l'ensemble de la discographie de The Reatards, dans lequel
jouait Ryan Rousseau) des deux premiers albums, à l'époque où
Alicja Trout et le célèbre et malheureusement défunt Jay Lindsey
dit "Reatard" composaient un Destruction Unit réunissant
alors à lui seul les trois quarts du vivier de musiciens de la scène
indépendante de Memphis (Ryan Rousseau a rencontré Alicja Trout au
sein des Black Sunday, qui elle-meme a joué avec Jay Lindsey dans
C.C Riders, Lost Sounds, Nervous Patterns, qui lui-même a joué avec
Ryan Rousseau dans les Reatards... sans compter les projets
individuels, les groupes d'un soir et j'en passe...).
Assommés, les
membres engourdis, l'album nous plonge la tête dans l'aquarium,
brasse les chaleurs rocheuses traversées par le groupe lors de son
déménagement à Tempe, au pied du désert de l'Arizona. L'on
retrouve par instants le psychédélisme aride de Sonoran
mais
chaque remontée se fait de plus en plus violente sous le poids des
bourdonnements électriques de la production enregistrée par Ben
Greenberg de The Men. Le trip profond chatouille l'intérieur, sans
pitié, harassant, parfois aux limites du malsain (certaines
sonorités tiennent presque du mélange hardcore/black metal...),
proche de ce à quoi pourrait ressembler l'atmosphère dérangée et
bordélique d'une salle de shoot échangiste : entre joie,
pesanteur et interdit. Les oreilles déjà bien arrangées, on en
prend aussi plein les yeux avec cet artwork en illusion d'optique...
perturbant!
En résumé "une
odyssée spirituelle de dégoût intérieur sadomasochiste faite de
chansons sur l'amour et la liberté", c'est pas moi qui le dit
mais je plussoie! Encore merci à Sacred Bones et rendez-vous
déjà pris le mois prochain avec la Nature Noire
de Crystal Stilts... ce sera sûrement un peu plus doux mais on ne
sera pas dépaysé!
Riton
Deep
Trip en trois mots : destructeur, noisy, planant
Écouter
l'album en entier : http://www.deezer.com/fr/album/6746810
Si
vous aimez cet album vous aimerez peut-être :
- Void, DESTRUCTION UNIT, Jolly Dream Records, 2013 : Le disque qui précède Deep Trip et également le plus enfumé de toute la discographie. Après des morceaux comme "Druglore" ou "Smoke Dreams", on comprend pourquoi ils sont aussi perchés.
- The Horror, POP. 1280, Sacred Bones Records, 2011 : Ça c'est qu'on appelle exceller dans le garage/post-punk glauque! Imps of Perversion, le petit (mais costaud) nouveau, sorti ce mois-ci chez Sacred Bones, bien que relativement plus calme, vaut également son pesant de noix de cajou.
- Leave Home, THE MEN, Sacred Bones Records, 2011 : La machine de guerre de Peter Greenberg et ses amis signant son album le plus rageur, électrique, aux croisées du punk (A l'instar de Deep Trip on se demande quand même parfois si l'on est pas tombé chez les punk coreux), de la noise, du garage, et probablement le meilleur au regard de ce qui est venu après...
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