30 minutes... 30 minutes pour s'évader,
se construire un petit nid douillet, un cocon empli de rêveries, de
fragilité en troubles se muant en une sérénité calme et
harmonieuse. Oui, Careful
porte bien son nom. L'homme qui se cache derrière ce bijou, Eric
Lyndley ressemble à un artisan de la pop de chambre façonnant son
diamant encore et encore, y laissant juste quelques aspérités comme
autant de traces d'une identité marquée, d'un charme certain, d'un
caractère (presque) affirmé. Cette histoire, c'est un peu celle de
Sufjan Stevens, de Perfume Genius ou
même de Mount Eerie. Alors pourquoi celle-ci plutôt qu'une
autre me direz-vous ? Pour rien de spécial je vous répondrais.
Juste une affaire de sensibilité, une musique simplement touchante à
défaut d'être révolutionnaire, une surprise que je n'attendais pas
venant d'un artiste que je ne connaissais pas édité sur le label
dont le nom m'était également étranger.
Ce bel ouvrage est ainsi
fait qu'il est emprunt de cette mélancolie qui font les beaux
albums. Point de grandiloquence ici bas, juste des mélodies
minimalistes, construites principalement autour d'une guitare
acoustique et d'une voix cristalline, presque enfantine. Des bribes
d'électroniques viennent se greffer délicatement et avec parcimonie
grâce à des beats discrets, des chœurs trafiqués, expérimentaux
et assumés ou des claviers analogiques. Du faussement tubesque
« It's funny » à un ''You love me'' enneigé
en passant par la douceur du groove bosselé de « Quite »,
on s'enferme dans un monde où la dureté du quotidien n'a pas cours,
on se replie, on régresse volontiers à l'image des dessins colorés
au trait grossi qui viennent recouvrir la froideur de la ville sur la
pochette de l'album. Alors certes les paroles sont parfois tristes,
mais cette tristesse semble apaisée, adoucie et donc lointaine. Du
carillonnant ''I had a kid'' à la ritournelle bricolée ''Frog went a'courting'', on chante, on pleure, on
écoute, happés...
Vous l'aurez compris,
qu'est-ce qu'il est bon de retomber en enfance parfois, de se
soulager de tout cette pression environnante. Et si la musique permet
cet état, Careful représente un de
ses secrets les plus précieux, assurément. Because I
am always talking... Encore et
encore... Pour se protéger de la nuit... A côté d'une lampe de
chevet... Juste pour 30 minutes ! Mais quelles jolies minutes !
Et puis recommencer, toujours... Pourvu que
l'on s'y perde un peu.
Gagoun
Because I am always
talking en trois mots : artisanal, rêveur, enneigé
L'album
est en écoute intégrale sur le bandcamp du groupe. Par ici la
musique
: http://songs.carefulmusic.com/album/because-i-am-always-talking
Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :
- Oh Light, Careful, Sounds Super Recordings , 2010 : Premier album d'Eric Lyndley découvert à l'occasion de la sortie évoquée ci dessus. On y retrouve les mêmes ingrédients pop, electro légère, folk et cette voix qui vous donne le frisson. Pour le coup, cet album est plus long que son successeur mais s'apprécie de la même manière.
- Clear Moon, MOUNT EERIE, P.W. Elverum & Sun, 2012 : En attendant la deuxième partie de ce diptyque entamé au début de l'année 2012 et qui s'annonce plus électrique, je voulais vous parler de ce joyau que représente ce premier volet. Phil Elverum y propose une collection de chansons pop à l'orée de l'ambient, voire même du black metal. Son style particulier est toujours là. Mais il est ici magnifié par une production moins lo-fi que d'ordinaire (mais pas plus plate pour autant), une voix d'une intensité rarement égalée (qui n'est pas sans rappeler celle d'Eric Lindley par certaines de ses intonations) et des mélodies extrêmement soignées venant se mêler aux claviers lunaires, aux guitares en clair/obscur et à la rythmique chancelante. Sublime!
- Typewriter, JOS. FORTIN, Shuffling Feet Records, 2012 : En voici un autre de petit bijou pop/folk jalousement caché et sorti cette année. Ici on ne parle plus de folktronica mais bien de folk pure et dure matinée de mélodies pop et bricolée dans une chambre par nos neuf musiciens canadiens. Parmi ceux-là on compte d'ailleurs des membres d'Evening Hymns que vous avez pu croisé si vous suivez un peu l'actualité du label clermontois Kütü Folk Records et qui sortent ce mois-ci un superbe album au passage. A l'image de Careful, Jos. Fortin nous propose un beau travail d'artisan qui se laisse écouter sans difficultés et qui risque fort de devenir addictif si vous aimez ces musiques boisées, artisanales et un peu enfantines. Une belle découverte!
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