"Bill
Fay tes devoirs!", "Madame, Bill Fay des bétises!"...
si Bill Fay avait été français, voilà le genre de petites blagues
qu'il aurait pu subir dans son enfance. Heureusement pour lui, Bill
Fay est anglais, et heureusement pour nous, Bill Fay de superbes
chansons. Mais trêve de pantalonnades et parlons musique!
Pour tout dire je
ne pensais pas voir revenir Bill Fay un jour... je l'imaginais plutôt
ermite à la barbe interminable, reclu du monde, animé par le
souvenir de ces merveilleux disques de folk-rock majestueux sortis au
début des années 70 (l'éponyme premier suivi du culte Time of
Last Persecution)... ceux-là même sagement rangés dans ma
discographie, au milieu des Kenneth Higney, Simon Finn... Et pourtant
les compositions inédites du deuxième disque de Still Some Light
(2009) avaient de quoi aiguiller sur un potentiel retour (et sur le
retour d'un potentiel immense), laissant la part belle à
l'introspection au piano, à la voix sensible et chevrotante, et à
une production "maison" plus moderne. Difficile néanmoins
d'envisager quelconque évolution lorsqu'un artiste comme Bill Fay
est autant associé à une époque, aux sonorités d'instruments
craquants sous le poids des bandes, au charme de dispositifs
analogiques incontournables (allez trouver autre chose en 1970...
autant essayer de boire un coca en terrasse pendant la Renaissance).
Et pourtant... au delà de l'aspect sonore, musicalement exit les
envolées progressives, focus sur l'essentiel, le calme plutôt que
la tempête.
On
retrouve sur Life Is People certains titres de Still Some
Light réarrangés (L'ouverture
"There Is A Valley", un "City Of Dreams"
méconnaissable et débarrassé de sa substance cheap originel et le
magnifique et très gospel "Be At Peace With Yourself")
offrant d'entrée la tonalité générale de l'album : ensemble de
ballades pop épurées, discrètement orchestrées (des cordes, de la
batterie, des choeurs...), mélancoliques sans tomber dans
l'apitoiement, parfois même enjouées ("This World", sans
étonnement très Wilco-esque, puisqu'accompagné de Jeff Tweedy...
qui semble-t-il a joué un grand rôle dans le retour de Bill Fay, en
l'invitant sur scène). L'ensemble est une plongée intimiste dans
l'univers d'un écorché vif, pas épargné par l'insuccès immérité.
L'artiste y donne de soi et expose sa foi, religieuse et humaine
("Jesus, Etc", "Thank You Lord"...). Des flots
d'émotion brute se déversent sous les doigts de Fay. Décidemment
il arrivera toujours à donner le frisson, comme aux premiers
instants, notamment ceux de la dernière persécution.
L'évidence
est là, à travers ce disque, qu'à soixante ans passés Bill Fay ce
que certains jeunes songwriters ne savent pas encore, ou tout
simplement, sans trop médire, laisse parler l'expérience. Respect!
Riton
Life Is People en trois mots : sensible, brillant, frissonnant
Ecouter
entièrement cet album :
http://www.deezer.com/fr/music/bill-fay/life-is-people-5295191
(ou sur spotify)
Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :
- Time of the Last Persecution, BILL FAY, Deram, 1971 : Encore aujourd'hui l'album sur lequel repose le culte Bill Fay : cette pochette (et cette trogne de Charles Manson dépité, période Lie: The Love and Terror Cult... Oui, ce Charles Manson là) indissociable des morceaux lumineux et torturés qu'elle recouvre. Je conseille même de l'écouter avant d'écouter quoique ce soit d'autre de Bill Fay, même Life Is People (mais la logique veut que si vous lisiez ceci, vous l'ayez déjà écouté ou au moins lu la chronique... tant pis, on fera avec... à moins que vous ne connaissiez déjà et dans ce cas tout ce que j'aurais écrit n'aurait aucun sens)
- Pass The Distance, SIMON FINN, Mushroom, 1970 / Through Stones, SIMON FINN, 10 to 1 Records, 2011 : On peut dire que Simon Finn et Bill Fay suivent à peu près le même type de carrière... mesestimés en leur époque et devenus cultes aujourd'hui (Simon Finn aurait été pour sa part, selon la légende, redécouvert par David Tibet de Current 93). D'une extrémité à l'autre de la carrière (de Pass The Distance à Through Stones) l'on passe d'un monument de l'Acid-Folk, déchiré et survolté (avec son inégalable "Jerusalem"), à une musique plus intimiste mais toujours psychédélique et pour le moins sublime. Le plus gros regret ne peut qu'être de l'avoir raté sur sa courte tournée de l'année dernière.
- Imperfiction, ED ASKEW, Drag City, 2011 : Encore un drôle de bonhomme ayant commencé sa carrière au début des années 70. Aujourd'hui, on le retrouve sur Drag City avec une folk/Lo-fi toujours aussi crade et touchante. A en croire son bandcamp il est aujourd'hui plus qu'hyperactif, et ça n'est pas plus mal!
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