samedi 1 septembre 2012

Life Is People, BILL FAY, Dead Oceans, Août 2012 (Par Riton)



       "Bill Fay tes devoirs!", "Madame, Bill Fay des bétises!"... si Bill Fay avait été français, voilà le genre de petites blagues qu'il aurait pu subir dans son enfance. Heureusement pour lui, Bill Fay est anglais, et heureusement pour nous, Bill Fay de superbes chansons. Mais trêve de pantalonnades et parlons musique!

       Pour tout dire je ne pensais pas voir revenir Bill Fay un jour... je l'imaginais plutôt ermite à la barbe interminable, reclu du monde, animé par le souvenir de ces merveilleux disques de folk-rock majestueux sortis au début des années 70 (l'éponyme premier suivi du culte Time of Last Persecution)... ceux-là même sagement rangés dans ma discographie, au milieu des Kenneth Higney, Simon Finn... Et pourtant les compositions inédites du deuxième disque de Still Some Light (2009) avaient de quoi aiguiller sur un potentiel retour (et sur le retour d'un potentiel immense), laissant la part belle à l'introspection au piano, à la voix sensible et chevrotante, et à une production "maison" plus moderne. Difficile néanmoins d'envisager quelconque évolution lorsqu'un artiste comme Bill Fay est autant associé à une époque, aux sonorités d'instruments craquants sous le poids des bandes, au charme de dispositifs analogiques incontournables (allez trouver autre chose en 1970... autant essayer de boire un coca en terrasse pendant la Renaissance). Et pourtant... au delà de l'aspect sonore, musicalement exit les envolées progressives, focus sur l'essentiel, le calme plutôt que la tempête.

       On retrouve sur Life Is People certains titres de Still Some Light réarrangés (L'ouverture "There Is A Valley", un "City Of Dreams" méconnaissable et débarrassé de sa substance cheap originel et le magnifique et très gospel "Be At Peace With Yourself") offrant d'entrée la tonalité générale de l'album : ensemble de ballades pop épurées, discrètement orchestrées (des cordes, de la batterie, des choeurs...), mélancoliques sans tomber dans l'apitoiement, parfois même enjouées ("This World", sans étonnement très Wilco-esque, puisqu'accompagné de Jeff Tweedy... qui semble-t-il a joué un grand rôle dans le retour de Bill Fay, en l'invitant sur scène). L'ensemble est une plongée intimiste dans l'univers d'un écorché vif, pas épargné par l'insuccès immérité. L'artiste y donne de soi et expose sa foi, religieuse et humaine ("Jesus, Etc", "Thank You Lord"...). Des flots d'émotion brute se déversent sous les doigts de Fay. Décidemment il arrivera toujours à donner le frisson, comme aux premiers instants, notamment ceux de la dernière persécution.

       L'évidence est là, à travers ce disque, qu'à soixante ans passés Bill Fay ce que certains jeunes songwriters ne savent pas encore, ou tout simplement, sans trop médire, laisse parler l'expérience. Respect!

Riton

Life Is People en trois mots : sensible, brillant, frissonnant


Ecouter entièrement cet album : http://www.deezer.com/fr/music/bill-fay/life-is-people-5295191 (ou sur spotify)

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • Time of the Last Persecution, BILL FAY, Deram, 1971 : Encore aujourd'hui l'album sur lequel repose le culte Bill Fay : cette pochette (et cette trogne de Charles Manson dépité, période Lie: The Love and Terror Cult... Oui, ce Charles Manson là) indissociable des morceaux lumineux et torturés qu'elle recouvre. Je conseille même de l'écouter avant d'écouter quoique ce soit d'autre de Bill Fay, même Life Is People (mais la logique veut que si vous lisiez ceci, vous l'ayez déjà écouté ou au moins lu la chronique... tant pis, on fera avec... à moins que vous ne connaissiez déjà et dans ce cas tout ce que j'aurais écrit n'aurait aucun sens)

  • Pass The Distance, SIMON FINN, Mushroom, 1970 / Through Stones, SIMON FINN, 10 to 1 Records, 2011 : On peut dire que Simon Finn et Bill Fay suivent à peu près le même type de carrière... mesestimés en leur époque et devenus cultes aujourd'hui (Simon Finn aurait été pour sa part, selon la légende, redécouvert par David Tibet de Current 93). D'une extrémité à l'autre de la carrière (de Pass The Distance à Through Stones) l'on passe d'un monument de l'Acid-Folk, déchiré et survolté (avec son inégalable "Jerusalem"), à une musique plus intimiste mais toujours psychédélique et pour le moins sublime. Le plus gros regret ne peut qu'être de l'avoir raté sur sa courte tournée de l'année dernière.

  • ImperfictionED ASKEW, Drag City, 2011 : Encore un drôle de bonhomme ayant commencé sa carrière au début des années 70. Aujourd'hui, on le retrouve sur Drag City avec une folk/Lo-fi toujours aussi crade et touchante. A en croire son bandcamp il est aujourd'hui plus qu'hyperactif, et ça n'est pas plus mal!

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