J'suis vraiment pas content!
On attendait en début de mois Ocean
Roar, fameuse deuxième
sortie de l'année pour Mount Eerie... et Monsieur décide à la
dernière minute de le sortir fin août... Laisse moi te dire, Phil,
que tu files un mauvais coton! Cet album, réellement génial,
méritait amplement sa chronique, et toi tu gâches tout! C'était
pour me punir de la dernière fois? Parce que j'ai préféré Rachel
Evans à ton Clear Moon?
Puisque c'est comme ça je retourne voir ailleurs!
Tiens, Ian
Drennan par exemple, bien qu'un peu excentrique, a l'air d'être un
chic type. D'autant plus chic qu'on le retrouve... excusez du peu...
omniprésent sur les deux dernières sorties du catalogue
d'Underwater Peoples : un saxophone plus qu'entêtant en guise de fil
conducteur pour deux des formations les plus atypiques du moment. Une
curiosité dont on aurait déjà pu déceler les traces auparavant
avec Big Troubles, la faute à un potentiel dévergondage déjà pas
mal élevé, en dépit d'un shéma musical indie pop/shoegaze sauce
Slumberland de bonne facture mais sans étincelles... celui de mecs capables de se vêtir de sachets ziploc remplis de spaghettis bolognaises pour on ne sait quelle raison,
en guise de prémonitions à de futures gros problèmes
musico-psychologiques. A savoir qu'en plus son acolyte bassiste Luka
Uismani (à gauche sur la photo... et je ne saurais que trop
conseiller ses excellentissimes albums solos sous le nom de No Demons
Here : gratuits ici)
occupe également la place de chanteur au sein de King Cyst... et
qu'avec un nom pareil et un album intitulé "Real Pussy",
je vous souhaite bonne chance pour trouver quelconque information (en
dehors bien sûr de la fiche CD du label, quelques articles par-ci
par là et cette chronique...), entre le pire ou le meilleur de Cock
and ball Torture (le groupe), des sites de ventes de sex toys et
autres cliniques à la sauvette... à première vue surprenant pour
un ancien groupe de reprises instrumentales des Doors.
Quoiqu'il en soit ça
commence comme un album de chez Elephant 6 avec "Greedy Garden"
et "Real Pussy" (et tout est prétexte à penser à Bill
Doss), cocktail grésillant de psych-pop lo-fi, la fougue remplacée
par une lenteur approximative confinant à l'euphorie, la nonchalence
de Luka Uismani prenant place au milieu de rêves de verdure
rougeoyante, de fous rires béats... Progressivement le trip en
pleine ascension se déconstruit et devient à la fois plus
contemplatif et dérangé. Le piano s'emballe face à un saxophone
jazzy bien trop serein ("Ari Stern Living", "James
Granato") et l'excursion se fait de plus en plus planante
("Djinn", "Master Of Nudity"). Ian Drennan,
pourtant appelé à la hâte pour compléter ce projet, devient
finalement l'élément perturbateur ("James Holt Living"),
le libérateur d'endorphines, la petite folie chatouillant les
oreilles, en prélude parfait à un album solo complémentaire mais
plus qu'expérimental. Si "Elaine the Fair" laisse
entrevoir un talent de songwriting plus que touchant, c'est du côté
d'une orfèvrerie du grand n'importe quoi (qui semble, après la
signature d'Eric Copeland, être devenu dada sur le label de Julian
Lynch), du découpage capilotracté et impromptu que s'égare ce The
Wonderful World. Les
morceaux sont sans structures apparentes ou plutôt les multiplient :
entre stridences agressives baignées dans l'écho et gimmicks
mélodiques facheusement mémorisables, les boucles de sonorités
concrètes balbutiantes (eau, bruits métalliques...) se mêlent aux
quelques beats bien placés (non pas ça... laissons le concept à
Death Grips), déplacés ("Miroir Fantastique"), aux
synthétiseurs spatiaux et à ce saxophone inamovible... plus discret
mais toujours présent, comme fondu dans le décor, comme si le
passage de Real Pussy
à The Wonderful World
l'avait complètement imprégné.
D'hommage
en hommage, de la scène de Canterbury à tous ses héros du
psychédélisme (Robert Wyatt, Kevin Ayers...), ces deux albums mis
bout à bout offrent un voyage surprenant au bout duquel émanent des
musiciens désincarnés, des instruments dématérialisés... et un
Ian Drennan évanescent pas loin de s'imposer comme un maître en la
matière.... une matière qui s'évapore... A défaut de, ça vaut
bien un Mount Eerie, n'est-ce pas Phil?!
Riton
Real
Pussy en trois mots : psychédélique, planant, rêveur
The
Wonderful World en trois mots : expérimental, capilotracté,
planant
Ecouter
Real Pussy ici : http://www.deezer.com/fr/album/5633411
(ou sur Spotify)
Ecouter
The Wonderful World ici : http://www.deezer.com/fr/album/5633401
(ou aussi sur spotify... et n'espérez rien trouver sur youtube à
part un florilège des performances de son homonyme parachutiste)
Si vous aimez ces albums, vous aimerez peut-être :
- Terra, JULIAN LYNCH, Underwater Peoples, 2011 : Si Terra peine à satisfaire, la faute à une durée trop courte et une impression permanente de patauger... Julian Lynch sait se faire entendre quand il s'agit de planer et de montrer son talent. Ses recherches en ethnomusicologie et tout le temps passé en Inde semblent avoir définitivement marqué sa musique et comme nous avons pu le voir, tout un pan du catalogue actuel de son label.
- Limbo, ERIC COPELAND, Underwater Peoples, 2012 : Comme son nom l'indique, cet album est fait de bouts de ficelles (en imagineant qu'on remplace le bâton de limbo par un fil... c'est tout ce que j'avais), de ficelles bruitistes réassemblées, en saccade, presque dansantes, et surtout hypnotiques. Eric Copeland, quand il prend ses RTT de chez Black Dice et ne flirte pas avec Avey Tare au sein des Terrestrial Tones, c'est pour bruiter sur les dancefloor ardents, façon Otomo Yoshihide en soirée mousse.
- Revolutionary Pekinese Opera, Ver. 1.28, GROUND ZERO, ReR Megacorp, 1996 : Et puisqu'il était question d'Otomo Yoshihide et que je ne vais pas partir comme ça sans expliquer, le voici avec son projet Ground Zero dans ce qu'on pourrait aisément appeler un opéra révolutionnaire japonais (et non chinois), dans lequel une partie de la culture nippone passe à la moulinette de cet adepte du turntablism et est réinterprétée à coup de collages (bruitages en pagaille : combats, voix et instruments traditionnels) complètement hallucinés, entre noise et free jazz (en somme un résultat bien plus violent que ce que Ian Drennan peut faire... mais à coup sûr influent)
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