dimanche 5 mai 2013

Ruiner, LEE NOBLE, Bathetic Records, Avril 2013 (Par Riton)



       À peine remis d'aplomb, la dérive aquatique du mois dernier nous fait échouer sur les cotes californiennes... Los Angeles pour être précis. Ah... Los Angeles! Ses plages dorées, ses quartiers aux noms de séries TV, ses deux palmiers par habitants et sa débauche de corps ''sublimes, musclés, autobronzés et tatoués''! (on serait presque en plein épisode de la belle et ses princes presque charmants, coté séducteurs, ou des marseillais à Cancun, si on était pas sur Indie vaut mieux que deux tu l'auras). Mais ne vous réjouissez pas trop vite... ou n'ayez crainte, si comme moi pour vous soleil rime avec Biafine, et que malgré l'arrivée tardive de l'été l'envie de chaleur en musique (exception faite d'une petite "merguez party" qui ferait du bien au corps et au cœur) a bien du mal à montrer le bout de son nez et surtout à lutter contre des albums comme celui dont il est question cette fois, pas forcément sombres mais assez pour embrumer la tête des non-initiés...

       Pourtant bien que l'on doute que Lee Noble soit du genre à avoir un jour écrit un "Yakalelo", il serait bien fâcheux de continuer à le pousser directement dans la case des sphères sombres drone, ambient, voire noise, avec lesquels il est familier depuis ses débuts, des quelques splits (Hobo Cubes, Derek Rogers, Ensemble Economique...) au collectif Horsehair Everywhere animé aux cotés de Frank Baugh de Sparkling Wide Pressure, Stephen Molyneux (déjà évoqués en référence de la chronique du dernier Aloonaluna) Geoffrey Sexton, TJ Richards et bien d'autres... sans oublier les sorties de son propre label No Kings Records. Donc bien qu'en effet il ne soit pas illogique de le classer aussi vite, force est de constater l'évolution opérée depuis No Becoming au début de l'année 2011 : certes encore dans la grisaille, affublé d'un étrange casque mortuaire, les éléments pop se faisaient plus distincts, les chansons prenaient des formats relativement plus courts, bien loin de Darker Half (2010) et son instrumental ésotérique. 2011 toujours (septembre), Horrorism creuse le contraste, le noir et blanc se superpose aux couleurs.

       Le cheminement vers Ruiner se dessine clairement... les morceaux sont de petites pièces élégantes, les quelques accords de guitares grattés du bout des doigts ("December", assurément LE single parfait de ce disque, "Demon Pond", "Wiring the Rag") s'imbriquent avec les éléments bruitistes, les échos, les nappes de clavier, les notes d'orgue électronique à boite à rythme intégrée, comme sur "Rewilding", qu'on aurait très bien pu retrouver chez Spencer Krug, et la voix discrète et envoûtante. L'assemblage est minimaliste mais classieux. Au delà du son c'est l'artiste entier qui s'ouvre, à la fois plus introspectif et généreux. Il se montre enfin, là, debout, non loin du sol où les effets s'activent, et repousse les murs de la bedroom music. Il est le Will Navidson instrumentiste dans sa Maison des feuilles, d'un espace confiné devenu explorateur d'autres couloirs, corridors, cavités en expansion... curieux et habité il laisse échapper quelques envolées électriques et mélodiques qui ne peineront pas, nous non plus, à nous aspirer.

      Ruiner est pour ainsi dire la juste continuité des choses, quelques sauts de plus à travers les genres... folk, pop, drone, ambient, noise... tout à la fois... on se dit que le curieux name-dropping "Grouper-meets-Radiohead" avancé par le label n'est finalement pas si inexact, et même plutôt représentatif d'une musique extrêmement riche, pour ne pas dire, ce serait trop facile, noble. Voilà qui fait une pépite (non isolée) suffisamment précieuse pour nous excuser ce retard fortuit de publication. Promis, on ne le refera plus! C'est pardonné? (j'ai déjà lu ça quelque part...)


Riton

Ruiner en trois mots : introspectif, habité, délicat

Écouter en entier sur Deezer : http://www.deezer.com/fr/album/6448830

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :

  • No Becoming, LEE NOBLE, Sweat Lodge Guru, 2011 / Horrorism, LEE NOBLE, Bathetic Records : En ajoutant ces albums à Ruiner, on obtient un excellent tryptique, bluffant de cohérence, truffé de petites douceurs... comme ce final "Thoughts Like Flies" sur Horrorism à la sensibilité digne d'un Phil Elverum.

  • FamiliarsINEZ LIGHTFOOT, Digitalis Recordings, 2012 : Jackie McDowell, alias Inez Lightfoot, excelle avec sa folk ambient, répétitive, psychédélique, mélange d'instruments traditionnels et d'éléctronique pas si courant pour une sortie du catalogue Digitalis. On la retrouvait d'ailleurs le mois dernier, en format cassette, chez Lee Noble en personne. Soit dit en passant l'artwork de Familiars est merveilleux.

  • The Sunderland Valves, MOONGAZING HARE, Tarkovsky Green, 2013 : Ce qui aurait été très pu devenir mon album de mois janvier (si Blue Willa n'avait pas été là) méritait de toute façon d'etre mentionné un jour. Folk, pop, drone, ambient, noise, c'était évident... en y ajoutant quelques field recordings, des arrangements plus lissés et un coté plus pastoral, religieux. Et plutot que de trop s'étaler on pourrait juste dire, en gage de qualité, qu'il a été 2eme du top albums de janvier chez les amis d'IRM!

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