Denovali? Encore Denovali? Oui les amis... et ne comptez pas sur moi pour m'excuser! Denovali est en passe de devenir l'un de mes labels phares et au regard de ses sorties de 2011 mérite bien une petite récompense : Birds Of Passage en veux-tu en voilà, Thisquietarmy à toutes les sauces, Aun, Blueneck, Contemporary Noise Sextet et j'en passe...
Et ce n'est pas parce que nous sommes en fin d'année, déjà prêts à dégainer de la fourchette sur de pauvres dindes "emmarronnées", que le label allemand se repose... il montre au contraire sa façon de se comporter à table et de remettre le couvert. Pas moins de deux longs formats ce mois-ci (donc sans compter les rééditions et EP) mais mon choix s'est porté sur Metamanoir, deuxième album du brestois Dale Cooper et de ses Dictaphones.
Tout autant attiré par le style que par la référence à Twin Peaks, Parole de Navarre, sorti en 2006, m'avait déjà fait grande impression (en vérité je n'ai découvert ce premier opus qu'en 2010, après réédition). Je ne saurais dire si l'étrange concordance des actualités y est pour quelque chose, mais avec Metamanoir cette impression est intacte, voire accrue... jugez par vous-même : au même moment David Lynch se décidait enfin à offrir un album solo digne de sa filmographie, repoussant par la même les doutes portés par ses errances électroniques de début d'année... De nouvelles (et excellentes) apparitions sonores d'Angelo Badalamenti se faisaient également entendre au travers des cascades vrombissantes de Drive (mesdames, laissez-moi vous convaincre que ce "détail" est bien plus sexy que ce bellatre de fou du volant de Ryan Gosling...)... Troublantes coïncidences ou symptomes d'une rechute de lynchiite aigue? Quoiqu'il en soit suffisamment pour donner l'envie (il m'en faut peu, j'avoue...) de retrouver Dale Cooper à l'écran et de compléter par l'écoute du Metamanoir de son homonyme breton.
Ambiance feutrée pour un jazz ambient sombre et cinématique, dont Denovali se pose désormais en spécialiste (après la sortie des manifestes de The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble et The Mount Fuji Doomjazz Corporation) : quartet cuivré aux accents mélancoliques bien moins rugueux que par le passé, la musique du groupe se veut plus accessible, plus lumineuse, touchée par la grâce des voix de Gaëlle Kerrien (également collaboratrice de Yann Tiersen, un autre breton) et Zalie Bellacicco. Quand les deux belles ne chantent pas, Yannick Martin s'exprime à la manière d'un Mark Hollis, chaleureux... ou laisse tout simplement parler la musique, aère. Bienvenue dans un songe étrange... une brume épaisse et bleutée s'élevant du sol... la pluie battant les carreaux... Tout semble calme en apparence, mais particulièrement mystérieux. D'une beauté bouleversante et immersive, il n'est pas difficile de se perdre dans cet album labyrinthique où les morceaux constituent autant de chemins, trompeurs jusque dans leurs titres aux allures de poèmes dada, en un français approximatif ("Une Petit Cellier", "Ma Insaisissable Abri", "Sa Prodigieux Hermitage"...). Mais derrière eux se cachent de nombreux détails, le fourmillement d'une production parfaite, travaillée.
Metamanoir est de ces albums qui se ressentent plutôt qu'ils ne s'écoutent, de ces disques sensoriels bénéfiques qui prennent leur temps, se vivent... à placer dans les petits plaisirs quotidiens si chers à l'agent Dale Cooper, au milieu d'un bon café et d'une part de tarte.
Riton
Erratum : Une petite erreur s'est malencontreusement glissée dans cette chronique. En effet la BO de Drive, prêtée à Angelo Badalamenti, a en fait été composée par Cliff Martinez (collaborateur régulier de Steven Soderbergh, entre autres...). Une explication des plus claires est donnée ici.... Était-ce vraiment une erreur de ma part ou voulais-je tout simplement y trouver du Lynch? Quoiqu'il en soit la musique de Cliff Martinez y est tout bonnement excellente!
Metamanoir en trois mots : sombre, élégant, sensoriel
Ecouter un extrait : http://www.youtube.com/watch?v=L8RWdYkmQXA
Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :
- Parole De Navarre, DALE COOPER QUARTET & THE DICTAPHONES, Diesel Combustible, 2009 : Ce premier essai des bretons constitue la bande son idéal du film noir et les ébauches d'un hommage très juste à l'univers de David Lynch. Vivement conseillé!
- From The Stairwell, THE KILIMANJARO DARKJAZZ ENSEMBLE, Denovali, 2011 : Comme son nom ne l'indique pas, The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble est hollandais, énième projet de Jason Kohnen (plus connu sous le nom de Bong-Ra)... entre jazz, électro, drone avec pour point de repère le cinéma... un disque renversant d'ingéniosité, de mélodies, survolté et tout simplement prenant!
- Beileid, BOHREN & DER CLUB OF GORE, Ipecac, 2011 : Direction l'allemagne pour un groupe tout aussi proche des musiques de films... cet album (mini-album?) de trois morceaux, en plus d'être très beau, dispose d'un featuring de choc en la personne de Mike Patton... particulièrement bon!
- Manafon, DAVID SYLVIAN, Samadhisound, 2009 : quel chemin parcouru depuis le split de Japan! Avec Manafon David Sylvian présente son album le plus jusqu'au boutiste... entre folk d'avant-garde et jazz parlé ce disque est à mon goût (et ce malgré sa difficulté d'appréhension) un de ses plus beaux chefs d'oeuvres.
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