mardi 5 mars 2013

Blues Trip, BLACKOUT BEACH, Soft Abuse, Février 2013 (Par Gagoun)



       Le ''Beach" de Blackout Beach n'évoque pas une plage de sable fin bordée par l'océan indien et gorgée d'un soleil redonnant le sourire au touriste cherchant à fuir quelques instants son quotidien urbain et nuageux. Pour comprendre la musique de Carey Marcer, allez plutôt voir du côté du "Blackout". Le même touriste aurait alors plutôt tendance à se perdre dans une étendue infinie de noirceur, froide et crépusculaire. Il serait même content de retrouver ses habitudes et obligations journalières, aussi pesantes soient-elles.

       Ceci-dit ce Blues Trip offre à ses auditeurs une éclaircie bienvenue, une porte d'entrée aux contours biens définis à l'univers torturé du songwriter canadien. Bien plus accessible que ces prédécesseurs, cet album est en fait le résultat d'une session live d'enregistrement de morceaux essentiellement issus du bien nommé Fuck Death en compagnie de sa femme et acolyte au sein de Frog Eyes , Mélanie Campbell à la batterie, du leader de Hot Hot Heat, Dante Decaro à la basse et au clavier, Carey Mercer assurant bien sûr les parties vocales et la guitare. A noter aussi la participation du comparse de ce dernier dans Swan Lake, Dan Bejar, sur quelques morceaux. Vous l'aurez compris, Carey Mercer est du genre prolifique, œuvrant dans plusieurs groupes indie rock canadiens de grande qualité, égrainant sa superbe voix grave et singulièrement expressive sur les scènes depuis le début des années 2000.

       Ici on est plus proche des sonorités chaleureuses et organiques de « Frog Eyes » que du minimalisme electro du Blackout Beach habituel, projet solo expérimental du chanteur. Exit les boites à rythmes faméliques et les synthétiseurs froids comme la mort, les guitares noisy et les ambiances de blues sous kétamine. Dans une formation musicale plus classique, le désormais groupe réintègre une batterie, met la guitare en avant, retrouve des structures plus conventionnelles pour un résultat vraiment superbe. Les huit titres provenant des deux précédents opus Fuck Death et Cloud of Evil, par ailleurs magnifiquement macabres, sont ainsi transfigurés. Si l'on reconnaît les airs de ces musiques, tout le talent de mélodiste, d'arrangeur de Carey Mercer est ici mis en avant et nous prouve, si besoin en était, que sous les couches expérimentales et les textures des travaux antérieurs du canadien, se trouvent de vraies chansons au blues singulier. En terrain moins hostile que d'habitude subsiste néanmoins la voix de Carey Mercer, plus habitée que jamais. Aussi les arrangements, bien qu'organiques, restent moins foisonnant, plus minimalistes que sur un Frog Eyes.

       La filiation avec les précédents albums de Blackout Beach est donc toujours omniprésente, même si l'on excepte le fait que les compositions soient issues de deux de ces opus. Toujours sombre mais plus accessible qu'auparavant, cet album est une petite merveille aux accents bluesy qui fait briller la fabuleuse voix de son leader. Cette dernière est réellement magique et fait beaucoup dans le potentiel addictif de ce Blues Trip. Suffit d'entendre les deux ballades qui ouvrent et clôturent cette histoire pour s'en convaincre. De la même manière, le son est splendide, absolument chaleureux. Il a été immortalisé dans le studio de Dante Decaro sur l'île de Vancouver. Carey Mercer explique d'ailleurs, sur le bandcamp du groupe, comment, après un road trip en moto qui les a amené, sa femme et lui, chez leur ami, il a enregistré ses parties de guitare avec une vieille Jazzmaster et du matériel des années 60. Non pas que je sois un adepte du « c'était mieux avant », loin de là, mais force est de reconnaître que ces vieilles techniques d'enregistrement analogiques amènent souvent un grain tout particulier à l'ensemble. Du bonheur pour les oreilles.

       En définitive, si vous ne connaissez pas Blackout Beach, vous pouvez sans problème commencer par ce Blues Trip. Il vous ouvrira les portes d'un nouvel univers, riche et dense, dont le principal fil conducteur est la voix de Carey Mercer. Un peu taré parfois, légèrement démonstratif d'autres fois, profondément touchant bien souvent, ce dernier est avant tout un artiste émouvant donc et doté d'un génie palpable, aussi bien dans la composition que dans une expérimentation particulièrement en phase avec notre temps. Bon et puis si vous connaissez déjà Blackout Beach, inutile de vous dire que vous pouvez foncer!!!

Gagoun

Blues Trip en trois mots : habité, chaleureux, bluesy

Pour écouter Blues Trip et lire la petite histoire qui entoure cet album, c'est par ici : http://blackoutbeach.bandcamp.com/

Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être:

  • Fuck DeathBLACKOUT BEACH, Dead Oceans, 2011 : Difficile de ne pas évoquer l'album dont sont tirées sept des huit compositions de Blues Trip. Largement évoquée ci-dessus, il s'agit d'une œuvre sombre et introspective que nous offre Carey Mercer en solo. Un très bel ouvrage qui se distingue de son successeur par une voix plus posée, grave et surtout par une instrumentation plus froide, faite de synthétiseurs, de chœurs fantomatiques, de guitares noisy et de boites à rythmes minimalistes.

  • Paul's Tomb : a triumph, FROG EYES, Dead Oceans, 2010 : L'autre facette de Carey Mercer, plus énervée, plus rock. Ce dernier album en date se rapproche plus des travaux récents de Blackout Beach que les précédents de part un côté noisy et sombre plus prononcé qu'à l'habitude.

  • Enemy Mine, SWAN LAKE, Jagjaguwar, 2009 : Plus calme, moins dense qu'un Frog Eyes, Swan Lake n'en reste pas moins intéressant. Le "supergroupe" est composé de l'inévitable Carey Mercer, Spencer Krug (Moonface, déjà chroniqué dans nos pages, Wolf Parade) et Dan Bejar (Destroyer, The New Pornographers), il propose des morceaux plus directs que ceux de Frog Eyes et que Blackout Beach réunis. Ainsi ce deuxième album s'écoute d'une traite, réhabilitant la guitare acoustique et les ambiances plus sereines. Il sait aussi se faire plus rock et pêchu notamment dans les moments ou Carey Mercer intervient au chant. Enjoy!


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