En voilà une belle surprise printanière arrivée sur notre contrée en toute discrétion et amenant un léger rayon de soleil au sein de ma sombre discographie. Car de lumière il en est beaucoup question ici. Hospital Ships nous offre en effet une pop/folk lumineuse emprunte de l'innocence et de la naïveté de l'enfance mais aussi de la gravité née d'une légère et douce mélancolie qui fait selon moi toute la force des plus grandes chansons pop.
Hospital Ships, à la base, c'est un seul homme : Jordan Geiger. Le leader américain des Minus Story, groupe indie rock originaire de Lawrence aussi confidentiel que passionnant, se lance ainsi dans une aventure solo après avoir notamment mis ses talents de trompettiste au service de Shearwater. Sous ce pseudonyme, il enregistre un premier album en 2008 intitulé Oh Ramona. Un album infiniment touchant et direct essentiellement acoustique, bricolé à la maison et sur lequel la voix haut perchée et imparfaite de Jordan fait des merveilles.
Si le label américain Graveface Records lui fait confiance pour produire l'album à l'époque, c'est à un autre label, français celui-ci, que l'on doit cette jolie découverte au sein de l'hexagone : Kütu Folk Records. Basé à Clermont-Ferrand, cette petite maison de disques indépendante, amoureuse de belle musique, et qui n'est pas sans rappeler un certain label montréalais répondant au nom de Constellation dans ses démarches artisanales et familiales, a eu le nez fin pour dénicher cette petite perle.
Trois ans après, on prend les mêmes et on recommence. Graveface pour les Etats-Unis, Kütu Folk pour la France et un deuxième tout aussi touchant mais qui propose d'autres arguments. Une évolution logique du son "Hospital Ships" en somme. Plus orchestré que le précédent, plus cohérent et concis, une production moins brute, Jordan a mûri et sa voix se fait plus précise. Des violons de "Galaxies" aux choeurs de "Carry On", morceau tout en puissance progressive et électrisé comme jamais auparavant, on sent l'assurance poindre dans cet album. Les mélodies et la voix de Geiger sont toujours aussi prenantes, directes et on accroche très vite à ces petits bijoux. La ballade légèrement éthérée "Phantom Limb" ou l'arpège mélancolique de "Little Dead Leaf", on se laisse ainsi facilement pénétrer par l'univers enfantin d'Hospital Ships et comme dans tout parc d'enfants, on s'amuse aussi, on se défoule sur des morceaux plus enlevés comme le léger "Honey, Please", le défouloir fuzzé "Reprise" ou le final en forme de feu d'artifice "New Life". On pense parfois aux Flaming Lips ou encore à la pop de "Grand Papa" dans cette capacité à allier légèreté, mélodie et fragilité.
Au final ce deuxième album d'Hospital Ships est une vraie confirmation du talent de compositeur interprète de Jordan Geiger. C'est aussi l'énième réussite d'un petit label qui n'en finit pas de monter et qui propose des artistes tous plus passionnants les uns que les autres, du jeune Zak Laughed en passant par The Delano Orchestra ou Soso. A noter la surprenante jaquette de l'édition française proposée par Kütu Folk et dessinée par Jordan lui-même. Tout ceci dans une pochette cartonnée faite à la main et qui réhabilite l'importance de l'objet CD à l'heure où celui-ci est menacée par la dématérialisation des supports numériques. Une oeuvre d'utilité publique pour les fétichistes comme moi.
Gagoun
Lonely Twin en trois mots : enfantin, mélodique, fragile
En écoute intégrale : http://music.aol.com/new-releases-full-cds/spinner#/13
Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :
- No Rest For Ghosts, MINUS STORY, Jagjaguwar, 2005 : le groupe précédent de Jordan Geiger : oscillant entre indie rock, lo-fi, et pop, Minus Story livre peut-être son album le plus sombre, le plus calme mais aussi le plus habité.
- The Sophtware Slump, GRANDADDY, V2, 2000 : groupe incontournable de la scène indie pop des années 90's, 2000's, Grandaddy a marqué toute une génération avec ce superbe album. A noter l'ouverture aérienne "He's Simple, He's Dumb, He's The Pilot", juste superbe...
- The Soft Bulletin, THE FLAMING LIPS, Warner Bros, 1999 : album qu'on ne présente plus, d'un groupe qu'on ne présente plus non plus. Cette oeuvre est une des plus belles choses qui aie été faite en matière de pop psychédélique. Complètement barrée, légèrement too much mais ô combien attachante et fragile.
- Z, MY MORNING JACKET, ATO Records, 2005 : dans une veine plus ''southern rock'', le groupe nous offre un album de grande qualité, à la fois puissant et mélodique avec cette voix si particulière (toujours haut perchée) et cette basse digne d'un groupe de reggae/dub. Un futur classique...
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