Ça y est, c'est le printemps! Les arbres bourgeonnent, les parterres fleurissent et les bons albums poussent en grand nombre. En effet, si le début de l'année a été quelque peu timide (avec néanmoins quelques bonnes surprises, en témoigne nos chroniques précédentes), le mois d'avril amorce le retour de très grands jours... et quelque chose me dit que ce n'est pas prêt de s'arrêter. Malheureusement qui dit grands jours dit choix difficile, tant les coups de coeur ont pu être multiples. Cependant le choix s'est ce mois-ci encore une fois imposé de lui-même et c'est au tour de Grouper (alias Liz Harris, guitariste, chanteuse, songwriter américaine) de rencontrer ma plume (en imaginant que j'écrive avec une plume et non un clavier, pour exacerber mon romantisme enfoui, révélé par l'écoute de cet album). Je vous l'accorde, rien de très printanier dans cette nouvelle, rien de très jovial et sautillant... probablement le symbole de mon esprit contradictoire et masochiste.
On avait plus entendu Grouper sur long format depuis la sortie de Dragging a Dead Deer Up a Hill en 2008 (quelques splits et singles ayant quand même vu le jour entre temps...). Il aura donc fallu trois ans à la jolie brune (Liz, si tu me lis...) pour donner suite à son chef d'oeuvre. Comme souciante de se rattraper cette année, celle-ci ne sort pas un mais deux albums, Alien Observer et Dream Loss, réunis sous le nom de A I A. Ne me croyez pas indécis ou tricheur, il serait tout impensable (voire indécent) de dissocier ces deux albums tant ils sont complémentaires.
Musicalement, rien n'a changé, Grouper pratique toujours la même folk lo-fi aérienne croisée au drone, au shoegaze et à l'ambient (ou serait-ce l'inverse?) reconnaissable entre mille. Branchée à un rack d'effets dans lequel les reverbs doivent se sentir au chaud, Liz Harris expose au monde la beauté de sphères célestes, construites à partir de boucles de guitare, parfois de piano, et de chant. Grouper transpose chaque note; chaque ligne mélodique, en textures plus vaporeuses, en une nébuleuse de sons propice aux errances solitaires. Jamais les vertus oniriques de la musique n'auront été aussi bien représentées (du moins depuis Cocteau Twins et Dead Can Dance...). L'artiste nous plonge dans un voyage de quatre-vingt minutes (deux fois quarante), vers des contrées demeurées inconnues. Les motifs se dessinent au fur et à mesure que notre esprit flotte. Malgré la durée, l'écoute échappe à tout contrôle du temps et l'on en ressort reposé, calme, souriant...
Ne vous demandez pas où vous êtes allés... ce n'est pas la lune, ce n'est pas l'espace... c'est au delà. La musicienne elle-même ne semble pas le savoir, elle ne fait que transcender sa propre originalité, cet océan de son (pour reprendre l'expression si chère à l'auteur et musicien David Toop) duquel s'échappe nombre d'histoires, nombre de peintures... et ajouter à sa discographie un imposant chef d'oeuvre de plus.
Espérons tout de même que la belle ne nous laissera pas trop longtemps sans nouvelles après cette sortie mais plutôt qu'elle se montrera généreuse en futures petites perles auditives (et addictives).
Riton
A I A en trois mots : reposant, spatial, onirique
En écoute intégrale ici : http://www.deezer.com/fr/#music/grouper
Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :
- Dragging a Dead Deer Up a Hill, GROUPER, Type, 2008 : ce troisième album de Grouper constituait son ultime chef d'oeuvre avant que le nouveau débarque. En un mot : magnifique!
- The Magic Place, JULIANNA BARWICK, Asthmatic Kitty Records, 2011 : répétitif, mystique, planant... Si le résultat final ne m'avait pas particulièrement emballé à la première écoute, l'originalité de ce premier album est indéniable : une chanteuse, des effets et c'est tout...
- Victorialand, COCTEAU TWINS, 4AD, 1986 : un des meilleurs albums des pionniers de la dream pop... envoûtant, grandiose... on regrette encore aujourd'hui le voix si particulière de Liz Frazer et le talent de composition de Robin Guthrie.
- Wind's Poem, MOUNT EERIE, 2008 : les montagnes, la neige, le vent soufflant dans les sapins... voici le programme de cet énième excellent album signé Phil Elverum (The Microphones), un album immersif, froid, sensible, duquel se dégage l'atmosphère si désolée des paysages nordiques desquels s'inspire l'artiste.
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