On nous a rabâché
pendant des mois que la fin du monde était proche, que d'une minute
à l'autre nous sombrerons : images à profusion, scénarios
catastrophes... On a même vu des gens se construire de douillettes
forteresses blindées, accrochés comme jamais à la vie (jusqu'à
une dame réclamant le câble et l'accès internet à son ''promoteur
de l'apocalypse'' pour on ne sait quelle raison... peut-être pensait
elle repeupler la terre grâce à Meetic, ou même continuer à lire
nos chroniques), des milliers de nouveaux touristes investir le Pech
de Bugarach, ou pire encore, André
Manoukian prescripteur rock (merci Syfy, vraiment...). Notons
qu'à force de se concentrer sur la date D du 21 décembre, personne
ne s'est intéressé à savoir comment serait la suite, comme si,
survivants aujourd'hui (comme
nous l'anticipions hier), nous ne savions pas à quoi nous
attendre, sans plans de reconstruction, sans idées de
renaissance.... vie, arrêt et on en parle plus... (allez savoir
pourquoi cette dame pensait donc pouvoir encore surfer et regarder la
télévision...).
Sans hurler au parachutage de transition, le
monde de Lynn Fister lui au contraire ne connaît pas de ruptures. Il
évolue, perpétuellement, absorbant ce qui l'entoure... depuis 2010
et les premières envolées de son animal mi-oiseau
mi-papillon, l'aloonaluna, flânant ses ailes et son bec autour
de mélodies chaleureuses, et de field recordings comme simples fils
conducteurs, chaque sortie de ce projet polymorphe, fruit de
collaborations régulières avec divers musiciens (la harpiste
Caitlinn Dunn, Thierry Penduff, Will Chase, Robbie Goethe et
Christopher Fleeger), se nourrit de la précédente pour l'enrichir.
Tout comme les va-et-vient géographiques de sa créatrice (naissance
en Floride, enfance en Arabie Saoudite et Nouvelle-Guinée, San
Francisco aujourd'hui), l'aloonaluna étend en permanence ses
migrations... de la folk/pop aux accents psyché de l'approximatif
éponyme (A
Loon A Luna)
à un ambient organique sans cesse repoussé dans ses retranchements.
L'art de Lynn Fister se veut plus que jamais guidé par la nature, il
en émane. Les synthétiseurs sont aquatiques (particulièrement mis
en avant depuis Diadem
or Halo?),
les réverbérations aériennes et la faune résolument bavarde des
captations d'Amazonie de Christopher Fleeger (''Mythology
Aluoatta No. 1'' et ''Pelican
Cannot Frog'').
La musique n'est plus, elle est juste la résonance des éléments
(au contraire des Résonances
du mois dernier chez Luminocolor, encore bien attirées par la
civilisation), également assemblés plastiquement avec grâce
(essentiellement des aquarelles et des collages).
Après avoir dessiné les contours, les décors,
les personnages de ce monde, l'artiste expose ses Mythologies, une
immersion transcendantal projetée par la nature elle-même, qui
s'observe et se régule, construit, déconstruit… en quelque sorte
sa façon bien à elle de montrer, du haut de sa jeune discographie,
une capacité exemplaire à prendre du recul et renaître (quand bien
même le délai entre chaque sortie est extrêmement court : pas
moins de trois cette année), au contraire de tous ces prédicateurs
crapuleux en mal de sensations.
Retour en surface et
de nouveau l'envie de plonger... heureusement l'aloonaluna revient
rapidement en 2013 pour une split tape très ''drone de dames''
(Taxidermy
Of Unicorns),
avec outre Rachel Evans, que l'amitié et le talent (et de
troublantes ressemblances physiques) poussait Lynn Fister à
l'hommage au travers du morceau ''Seasons Like Goddess'', les
non-moins douées Alicia Merz (Birds Of Passage) et Felicia Atkinson
(Je suis le petit chevalier).
Riton
Mythologies
en trois mots : organique, immersif, chaleureux
Écouter
en partie : http://aloonaluna.bandcamp.com/album/mythologies
Si
vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :
- Bird Milk, ALOONALUNA, Concertina Records, 2010 / Bunny, ALOONALUNA, Hooker Vision, 2012 : Petit tour d'horizon de la discographie d'Aloonaluna au travers de ces deux albums magnifiques. Le premier s'impose réellement comme un savant mélange de mélodies acoustiques (guitare, xylophone...), de chant et de field recordings, alors que le second prend son envol vers l'abstraction et l'utilisation de grosses reverbs.
- Mosaic, AERIAL JUNGLE, Hooker Vision, 2010 : Quand Rachel Evans est seule, elle est Motion Sickness of Time Travel. En couple, elle est Quiet Evenings. En 2010, elle est allé s'acoquiner à Brad Rose (The North Sea) pour vingt minutes d'ambient aussi intéressant que ces deux là savent le faire.
- Covered in Blue Colors, SPARKLING WIDE PRESSURE, Watery Starve Press, 2012 / Stars Are The Light Show, STEPHEN MOLINEUX, Watery Starve Press, 2012 : Deux premières sorties de la structure créé par Lynn Fister... cassettes colorées, artworks soignés et musiciens de qualité. Qu'en dire de plus si ce n'est que ces albums extrêmement confidentiels valent réellement le coup d'oreille, et le coup de pouce à un jeune label prometteur, honorablement artisanal et qui au delà de la musique s'intéresse également à l'écriture et l'art en général.
- Sub-Aquatic Meditation, PANABRITE, Aguirre Records, 2012 : La nature (ici les fonds marins), vue par Norm Chambers et son laboratoire de synthés analogiques... une musique plus figurée, retro-futuriste et méditative, aux croisements de l'ambient, de l'electro et de la new age.
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