Le cerveau est une étrange bête tout de même... Je ne parle pas de l'aspect gélatineux, mi-vivant mi-mort, de la chose... de la texture si particulière qui au milieu d'une belle assiette ferait tourner les yeux de plus d'un d'entre nous... non, je parlais plutôt de la mémoire. Dès le plus jeune âge, nous recevons en permanence une plâtrée d'informations, des plus futiles aux plus cruciales : certaines vont être sollicitées quotidiennement, d'autres ne vont guère faire long feu... beaucoup seront également enfouies dans les méandres de notre petite tête et resurgiront aux moments les moins attendus. Si je parle de cela, ce n'est bien évidemment pas pour philosopher (d'autant plus que pour ma part je me situerais plus près du comptoir que de Platon) ou donner un cours de neuroscience (je suis une buse... google est mon ami) mais pour évoquer à quel point le "travail" de mélomane est parfois compliqué. Si une écoute peut se solder par le passage d'une oreille et la sortie par l'autre, sans se fixer, quelques artistes vont au contraire rester et de temps à autres remonter à la surface... au détour d'une lecture, d'une vision... The Unicorns (entre autres) et son unique album Who Will Cut Your Hair When We're Gone?, premier groupe du montréalais Nick Thornburn (alias Nick Diamonds) fait partie pour moi de ces groupes... un simple mot, un son... jusqu'à s'immiscer dans une de mes séries comiques préférées (dans l'épisode 12 de la saison 5 d'How I Met Your Mother, on apprend que la future femme du héros Ted Mosby adore cet album).
L'indie rock des Unicorns m'a tout de suite tapé dans l'oreille (les deux plus exactement), dès la première écoute : la justesse de ses mélodies, son petit grain de folie et son esprit foutraque légèrement décalé, bourré d'humour... En 2005, un an après la facheuse séparation du groupe, Nick Diamonds part avec J'aime Tambour former Islands (de son côté Alden Ginger rejoindra les rangs de Constellation avec Clues) : albums en dents de scie mais talent indéniablement toujours présent.
Pas de nouvelles des canadiens depuis 2009 alors imaginez ma surprise et ma joie en apprenant en début de mois la sortie du premier album solo de l'ami Nick! Surpris, parce que je ne l'avais pas vu venir... aucune promotion, aucune annonce préalable... l'album est autoproduit, en streaming et téléchargement gratuit via sa page bandcamp... contre toute attente, un véritable cadeau d'anniversaire (natif de juillet, à bon entendeur(s)(es)...). Joyeux, deux fois... bien sûr par la surprise en question... ensuite par l'écoute. Pas de doute, on est bien chez Nick Thornburn. Sa voix est toujours aussi douce et reconnaissable dès les premières notes d' "Attic". Cette fois le musicien est seul, joue de tous les instruments et nous livre ses confessions. L'exercice se veut plus intimiste et ça s'entend! On est d'emblée frappé par la douceur des compositions, empruntes d'une aura des plus rassurantes ("Used To Be Funny", "Words Was Swords", "Don't Do Us Any Favours", "In Dust We Trust" et j'en passe...pour ne pas citer tout le tracklisting). Une guitare limpide, coiffée de quelques discrets effets... une basse ronde et précise, bien sentie... une boite à rythme organique et des nappes de synthés... tels sont les éléments constitutifs d'un cocon, d'une enveloppe quasi-charnelle dans laquelle il fait bon vivre. Triste, joyeux, nostalgique, ou les trois à la fois, Nick Diamonds est là... et je me rappelle enfin d'où vient cet amour si profond pour un groupe comme les Unicorns : cette faculté de réconfort, cette facilité à faire se sentir chez soi...
Je proclame Nick Thornburn "songwriter émérite"! A tout juste trente printemps, le musicien réussit un premier effort sans faute, qui sans forcer arrivera à hanter les esprits... I Am An Attic rejoindra sans mal la liste de ces albums dont je parlais, capables d'utiliser la mémoire comme terrain de jeu... le genre d'album pour lequel on a parfois l'impression d'être le seul auditeur, que l'on voudrait quoiqu'il arrive garder pour soi. Cette sensation est ici bien évidemment renforcée par la relative discretion de la sortie... il est cependant dommage que pour un fétichiste comme moi, exhumer l'album se résumera malheureusement à une recherche dans ma librairie mp3... on saluera tout de même la démarche de l'artiste, en espérant voir un jour une édition sur support discographique, pour les fans. Dans le cas contraire, ce ne serait pas si grave!
Riton
I Am an Attic en trois mots : beau, doux, réconfortant
L'album en écoute et téléchargement gratuit : http://nickdiamonds.bandcamp.com/ (dans le cas où vous vous sentiriez généreux, un EP bonus de six titres intitulé I Am an Ep vous sera envoyé)
Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être :
- Who Will Cut Your Hair When We're Gone?, THE UNICORNS, Alien 8 Recording, 2003 : Quel est donc cet album à l'artwork si coloré (fait main, aux crayons couleurs les enfants!), au nom si drôle et à rallonge? (Qui vous coupera les cheveux quand nous seront partis?). Hormis le fait que je parle de cet album depuis le début de la chronique et qu'il s'agit du seul album des licornes, W.W.C.Y.H.W.W.G est tout simplement à couper le souffle... pop, rock, catchy, drôle mais mélodiquement superbe... un album à siffloter, mais pas que!
- Return To The Sea, ISLANDS, Rough Trade, 2006 : Islands, soit les 2/3 des Unicorns : moins foufou, plus sophistiqué, grandiose... cerise sur le gâteau, ce premier album, le meilleur à mon sens, présente un des plus beaux morceaux d'introduction qu'il m'aie été donné d'entendre! (avec un solo de guitare renversant!)
- Blue Screen Life, PINBACK, Ace Fu Records, 2001 : A la fois délicat et techniquement irréprochable, Pinback complète la liste des groupes avec lesquels je ne fais qu'un. Bien qu'à mon goût rien est à jeter dans leur discographie, Blue Screen Life est probablement mon album préféré. Chose rare, en bon bassiste que je suis (je n'ai pas dit que j'étais bon, c'est une expression...), je lorgne sans modération sur le jeu et le son de Zach Smith!
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