mercredi 31 août 2011

Organ Music Not Vibraphone Like I'd Hope, MOONFACE, Jagjaguwar, Août 2011 (Par Riton)



       Combien de fois avez-vous déjà entamé l'écoute d'un disque en vous disant "oh putaing! que c'est kitsch" (ça c'est la version Pagnol-Bosso)??... une suite d'accord, un son, une voix et c'est l'hilarité... Seulement parfois un petit détail suffit à transcender l'ensemble, à loger la musique au creux de votre oreille... et vous voilà une fois de plus colocataire d'un ami ringard, vintage, plus dur à assumer que les autres mais si attendrissant, le genre d'ami qui accumule nombre d'objets tous plus laids les uns que les autres mais pour lesquels il a un tas de belles histoires à raconter (ou comment faire passer un rideau à franges, une boule à neige et une collection de dauphins miniatures pour heureux souvenirs d'enfance). C'est en partie ce qui m'est arrivé il y a quelques années avec des groupes tels que les Bunnymen, Orange Juice, Devo, Oingo Bongo, voire pire, Duran Duran... Et à en croire le nombre florissant de productions faussement Lo-fi outrageusement cheap (le gros du catalogue Not Not Fun, chillwave, synth-pop 00' et compagnie), je ne peux qu'affirmer que ces groupes (entre autres...) sont ou étaient finalement résolumment modernes...

       Soit! Passons à Moonface! Premier constat au départ de mon écoute de ce Organ Music Not Vibraphone Like I'd Hope sorti ce mois-ci chez Jagjaguwar : dans le genre ça se défend! Mais d'où viennent ces synthés?! (de l'orgue en fait... c'est écrit) Et cette boite à rythme? Là où certains auraient déjà refermé la page j'ai décidé de continuer... coriace le Riton! A vrai dire, en connaissance de cause j'aurais bien été incapable de commettre une telle ignominie. En effet Moonface n'est autre que le projet solo (enregistré à la maison) de Spencer Krug, véritable génie canadien, à l'instar de Carey Mercer ou encore Nick Diamonds (dont je parlais le mois dernier, si vous avez suivi). Spencer Krug... une véritable marque de fabrique, label de qualité à lui tout seul. Jusqu'à maintenant les galettes où apparaissait le monsieur (Frog Eyes, Wolf Parade, Swan Lake, Sunset Rubdown...) n'avaient que très peu de chances d'être ratées... Spencer Krug, c'est en quelque sorte la Mère Poularde au pays de l'indie, Pont-Aven sauce poutine et sirop d'érable.

       Ici comme je l'évoquais l'énergumène a troqué sa guitare contre un orgue. L'exercice aurait pu être périlleux s'il n'avait déjà été tenté sur EP l'année dernière... avec un marimba (Dreamland EP : Marimba and Shit Drums), sorte de vibraphone originaire d'amérique du sud. D'ailleurs, à en croire le titre de ce premier album, les compositions étaient initialement destinées au même instrument (ou peut-être est-ce tout simplement une note d'humour). Quoiqu'il en soit on remarquera à l'écoute que les "percussions de merde" ont été conservées, tant la boite à rythme utilisée semble sortir des tréfonds de la préhistoire des musiques électroniques. Ça fait envie? Non?! Et pourtant je vous assure que cet album est une véritable petite perle! Si le travail avait été parfaitement réussi pour l'EP, il est maintenant surpassé : plus digital, plus visceral, plus varié (forcement, on passe d'un seul morceau à cinq), plus ample, tout en gardant cet amour de la mélodie et de la cohérence... Spencer Krug se pose en parfait artisan d'une musique soignée, excellant derrière son micro et son instrument jusqu'à émouvoir. Après les premières réticences, on finit par en oublier l'existence d'une touche Stop. Boucles synthétiques et chant... peu de choses finalement, mais derrière l'apparente répétivité se cachent en réalité de nombreux recoins, variations, solos subtilement distribués (subtilement oui... on est pas chez Malmsteem), accompagnés de cette voix si caractéristique, touchante... et des textes particulièrement bien écrits... Organ Music Not Vibraphone Like I'd Hope est une spirale, 37 minutes de musique hypnotique, lancinante, parfait exposé d'un art capable de tirer le plus beau de la plus simple expression, sans fioritures, sans prétentions... un homme et une machine...

       Spencer Krug prouve une fois de plus l'étendue de son talent, à l'aise en studio, à la maison, seul, en groupe et expose de manière étonnante une certaine capacité à prendre des risques (quitte à diviser ou ne pas être remarqué) avec un Moonface à l'emballage kitsh mais au contenu délectement si beau (comme son package aux contours violets et à l'intérieur vaporeux), qui dénote clairement de ses nombreux autres projets, excellents eux aussi mais extrèmement ressemblant les uns aux autres.

Riton

Organ Music Not Vibraphone Like I'd Hope en trois mots : hypnotique, mélodique, touchant


Si vous aimez cet album, vous aimerez peut-être : 

  • Shut Up I'm Dreaming, SUNSET RUBDOWN, Absolutely Kosher Records, 2006 : Deuxième projet de Spencer Krug après Wolf Parade, j'ai découvert Sunset Rubdown sur scène (en compagnie de Gagoun) et un de mes seuls souvenirs, en dehors du fait d'avoir apprécié, est la curieuse façon de jouer de Camilla Wynne Ingr sur ses cymbales... à savoir à l'aide d'un vibromasseur en fonction (gris métallisé pour les curieux). Depuis j'ai largement eu le temps de me rendre compte à quel point ce groupe est bon et particulièrement avec cet album... indie pop mélodique, féérique... l'occasion de se taire et de rêver un peu... le sourire en coin en repensant au concert!

  • Tears Of Valedictorian, FROG EYES, Absolutely Kosher Records, 2007 : Frog Eyes aussi a vu passer Spencer Krug dans ses rangs et notamment sur cet album... avec Carey Mercer en excellent maitre de cérémonie survolté, pour une musique détonnante, mélodiquement à tomber par terre, sensible et explosive... cet album est un chef d'oeuvre!

  • Best Moans, SWAN LAKE, Jagjaguwar, 2006 : Swan Lake doit probablement souffrir d'un déficit de référencement sur internet depuis le dernier Aronofsky... mais ça n'enlève rien au fait que ce groupe est incontournable et cet album majestueux, à connaitre absolument! Inutile de vous rappeler les protagonistes... d'autant plus que la frontière avec Frog Eyes est d'un point de vue musical vraiment ténue...

  • Beak>, BEAK>, Invada Records, 2009 : Sieur Barrow derrière les fûts, soit la moitié de Portishead, une basse dantesque et des synthés vintage... un Krautrock moderne bien pensé (le Kraut de Beak), mathématique, planant, répétitif et pourtant pas ennuyeux pour deux sous! Un premier album plus que réussi qui prend toute son ampleur sur scène!

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